Israël approuve des milliers de logements supplémentaires en Cisjordanie
Plusieurs centaines d'approbations concernent des maisons déjà construites illégalement, qui seront autorisées rétroactivement, selon La Paix maintenant

Le ministère de la Défense, responsable des permis de construire dans les implantations, a fait avancer les plans de plus de 2 700 nouvelles habitations en Cisjordanie dans la journée de jeudi – mettant un terme à une session de deux jours qui a permis de donner un feu vert définitif ou préalable à presque 5 000 unités de logement au total.
Ces approbations amènent le nombre total d’unités de logement avancées cette année à 12 159 – un chiffre record, a fait savoir l’observatoire des implantations La Paix Maintenant, qui a précisé qu’il y en avait eu presque 4 000 de moins l’année dernière.
La sous-commission de Haute-planification de l’Administration civile se rencontre habituellement quatre fois par an. Elle ne s’était pas réunie depuis plus de sept mois. Les leaders d’implantation avaient évoqué un gel de-facto des constructions en Cisjordanie de la part du Premier ministre Benjamin Netanyahu, sur fond de projets d’accords de normalisation – qui ont depuis été signés – avec les Emirats arabes unis d’une part et le Bahreïn d’autre part.
Au vu des retards accumulés, La Paix Maintenant a supposé que le ministère de la Défense se rencontrerait, une fois encore, avant la fin de l’année 2020, pour se donner la possibilité d’augmenter encore une fois le nombre total de plans de construction en phase d’avancement.
Au cours des rencontres qui ont eu lieu cette semaine, mercredi et jeudi, ce sont les plans de 4 948 maisons dans les implantations qui ont été avancées. 2 688 ont obtenu un permis de construire final et 2 260 ont été approuvées pour une phase de planification préalable appelée « dépôt ».
Plusieurs centaines d’approbations concernent des maisons déjà construites illégalement, qui seront autorisées rétroactivement, selon La Paix maintenant.

Parmi les approbations de jeudi, on compte 629 unités à Eli, 357 à Geva Binyamin, 354 à Nili, 286 à Bracha, 211 à Yizhar (connue comme l’une des implantations les plus radicales, où la police, les troupes et d’autres sont régulièrement attaquées) et 178 à Einav. La plupart des implantations se trouvent dans des régions périphériques de la Cisjordanie qu’Israël ne conserverait probablement pas dans le cadre d’un échange de terres dans le cadre d’un accord de paix réaliste.
Ces dernières approbations surviennent moins d’un mois après la signature d’accords de normalisation entre Israël, les EAU et Bahreïn. L’Etat juif a, dans ce cadre, promis de geler ses plans d’annexion de certains pans de la Cisjordanie.
« Si l’annexion ‘de jure’ est peut-être suspendue, l’annexion ‘de facto’ des implantations, elle, continue clairement », a fustigé La Paix Maintenant.
Les Palestiniens et la Jordanie voisine ont condamné ces nouvelles approbations, mercredi.

Le porte-parole du président palestinien, Nabil Abu Rudeina, a déclaré que l’Etat juif exploitait l’amélioration de ses relations avec les pays du Golfe ainsi que « le soutien aveugle apporté par l’administration Trump ».
Dans un communiqué émis jeudi, l’envoyé spécial des Nations unies, Nickolay Mladenov, a indiqué que la localisation des unités de logement approuvées était particulièrement troublante.
« Les constructions d’implantations sont illégales au regard de la loi internationale et elles sont l’un des obstacles majeurs à la paix », a-t-il estimé. « Ce nombre significatif d’habitations et leur localisation inquiètent grandement ceux qui sont attachés à faire avancer la paix israélo-palestinienne », a-t-il continué.
Il a averti que de telles initiatives sapaient la possibilité d’une solution à deux Etats et il a vivement recommandé à Israël de « stopper immédiatement toutes les activités liées aux implantations ».
Le conseil de Yesha, qui réunit des maires d’implantations, a indiqué que ces nouvelles rencontres de l’instance du ministère de la Défense, après sept mois, résultaient des campagnes de pression exercées sur Netanyahu.

« Nous sommes heureux que nos efforts aient porté leurs fruits et que les plans de construction aient avancé. Les constructions dans les implantations ne doivent pas servir de monnaie d’échange dans les accords de paix », a indiqué le groupe.
« Il faut continuer de construire en Judée-Samarie (nom donné à la Cisjordanie par Israël, NDLR) et dans la vallée du Jourdain, de façon continue et libre, sans conditions et autorisations politiques », a-t-il ajouté dans un communiqué.
La dernière fois que l’Etat juif a fait la promotion de la construction de nouveaux logements au-delà de la Ligne verte était à la fin du mois de février, quand le pays avait levé les restrictions placées sur les constructions dans le quartier controversé de Givat Hamatos à Jérusalem-Est, avançant que 3 000 habitations y seraient construites pour des résidents juifs en plus de 2 200 unités de logement dans le quartier voisin de Har Homa.
Netanyahu avait aussi annoncé son projet de construire dans la zone E1 de Cisjordanie, à l’est de Jérusalem, reliant, dans les faits, le capitale à Maale Adumim.
Selon les critiques, les constructions à Givat Hamatos et à Har Homa, situées au sud-est de la capitale, couperont les quartiers palestiniens de la ville de Bethléem, en Cisjordanie.
La plus grande partie de la communauté internationale considère les constructions dans les implantations comme une violation du droit international. Pour sa part, au mois de novembre 2019, le département d’Etat américain avait conclu que « l’établissement d’implantations civiles israéliennes en Cisjordanie n’est pas, en soi, contradictoire avec la loi internationale ».

Le président américain Donald Trump a présenté fin janvier son plan pour un règlement au Proche-Orient, prévoyant notamment l’annexion par Israël de la vallée du Jourdain (30 % de la Cisjordanie) et des plus de 130 implantations juives, ainsi que la création d’un Etat palestinien.
Dans le cadre de la normalisation, Israël s’est engagé à suspendre son projet d’annexion, selon les monarchies du Golfe. Mais le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que l’annexion était seulement « reportée » et qu’Israël n’y avait « pas renoncé ».
Les Palestiniens ont dénoncé mercredi une politique consistant à « voler la terre palestinienne », en « profitant du silence international, de la normalisation (…) et du soutien aveugle de l’administration Trump ».