Israël met les civils en garde mais Beyrouth dénonce un « piratage » de réseau
L'envoyée de Beyrouth a accusé Jérusalem de "menacer directement" les vies libanaises ; Israël, évoquant une "hypocrisie", dit que son appel vise à sauver des vies
L’ambassadrice du Liban aux Nations unies a accusé jeudi l’Etat juif d’avoir « piraté » le réseau téléphonique lorsqu’il a mis en garde les citoyens libanais contre des activités militaires imminentes israéliennes à la frontière, que Beyrouth a qualifié « d’actes extrêmement graves ».
La lettre envoyées par Amal Mudallali au Conseil de sécurité des Nations unies est survenue quelques jours après le lancement de l’opération Bouclier du nord, qui a pour objectif de détruire les tunnels d’attaques transfrontaliers qui, selon l’Etat juif, ont été creusés par le groupe terroriste du Hezbollah.
« Le Liban condamne dans les termes les plus forts possibles la campagne politique et diplomatique lancée par Israël contre le Liban qui, craint-il, sera annonciatrice d’autres agressions », a-t-elle écrit.
« Cette campagne est accompagnée par un certain nombre d’actes extrêmement sérieux – dont le plus récent est le piratage par Israël du réseau libanais de téléphonie et l’envoi d’appels pré-enregistrés aux habitants civils pacifiques du sud du village de Kafr Kila, les avertissant d’explosions imminentes sur le territoire libanais et susceptibles de mettre des vies en péril », a continué Mudallali dans son courrier.
Israël avertit fréquemment les civils d’éviter certains secteurs avant les frappes militaires pour tenter d’éviter des victimes non-militaires. Mais les mises en garde de l’armée israélienne ont été condamnées par le Liban, qui a considéré qu’elles s’apparentaient à des « menaces directes contre leurs vies ».
« Cela constitue une nouvelle attaque extrêmement grave contre la sécurité et la sûreté des citoyens du Liban. Israël contrevient également à la dignité et à la vie privée d’individus en émettant une menace directe contre leurs vies », a écrit l’envoyée libanaise aux Nations unies.
Elle a appelé le Conseil de sécurité à prendre « toutes les mesures nécessaires pour contrer cette campagne systématique de la part d’Israël et les violations par Israël de la souveraineté libanaise, qui sont une menace pour la sécurité et la stabilité de la région entière ».
La missive, qui a été distribuée aux journalistes par la mission israélienne à l’ONU, a été qualifiée « d’hypocrite » par l’ambassadeur Danny Danon.
« Le gouvernement libanais, sous la gouvernance duquel le Hezbollah a construit une ville souterraine de tunnels et d’usines pour fabriquer des missiles de précision contre Israël, s’efforce avec beaucoup d’hypocrisie de faire condamner Israël qui oeuvre à protéger les civils libanais », a estimé Danon vendredi dans une déclaration.
Il a également demandé au Conseil de sécurité de se réunir sur le sujet afin que « nous présentions des preuves concluantes des violations faites par le Hezbollah et de l’aveuglement bien volontaire du gouvernement libanais » face aux projets de construction de tunnels.
Dans la nuit de jeudi, des soldats appartenant aux forces de maintien de la paix de l’ONU, basées au Liban, ont confirmé l’existence d’un tunnel qui pénétrait sur le territoire israélien depuis le sud du Liban qui, selon Israël, aurait été creusé par le groupe terroriste du Hezbollah.
Dans un communiqué, les forces intérimaires des Nations unies au Liban – connues sous le nom de FINUL – ont qualifié le tunnel de « grave préoccupation », expliquant qu’elles enquêteraient sur le dossier avec les autorités libanaises.
Le tunnel, ainsi que deux autres que tenterait actuellement de découvrir l’armée israélienne dans l’ouest de la Galilée, ont été trouvés dans le cadre d’une l’opération militaire qui vient d’être lancée et dont l’objectif est de détruire les tunnels d’attaque du Hezbollah.
S’il s’avérait que le groupe terroriste chiite est à l’origine du tunnel, cela constituerait probablement une violation de la résolution 1701 des Nations unies, qui avait permis de mettre un terme à la guerre de 2006 qui avait opposé l’Etat juif et le Hezbollah et qui avait exigé que tous les groupes armés – hors militaires libanais – restent au nord du fleuve Litani, dans le pays.
La première mission de la FINUL est d’appliquer la Résolution 1701 de l’ONU, un objectif que les forces de l’ONU ne parviennent pas à atteindre, estiment de nombreux responsables israéliens.
« L’armée israélienne considère le gouvernement libanais et l’armée libanaise, ainsi que la FUNIL, comme responsables de tout ce qui arrive au Liban ainsi que de la bonne mise en oeuvre de la résolution 1701 », a déclaré l’armée dans un communiqué.
L’armée a confirmé que des soldats opéraient actuellement sur un troisième site, situé également à l’ouest de la Galilée, et le porte-parole de l’armée, le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, a noté qu’il y avait encore d’autres secteurs dans lesquels les Israéliens pensaient que le Hezbollah avaient creusé des tunnels sous le territoire de l’Etat juif.
Les militaires israéliens ont précisé qu’ils pensaient que les tunnels devaient être utilisés par le Hezbollah comme la composante-surprise d’une guerre future, avec une infiltration souterraine massive d’agents – en plus des lancements de roquettes, de missiles et d’obus de mortier vers le nord d’Israël.
Un haut-responsable israélien a déclaré jeudi que les tunnels découverts étaient suffisamment larges pour être utilisés par des « bataillons entiers » désireux de pénétrer sur le territoire israélien, afin de « mener des attaques meurtrières, des enlèvements et pour se saisir de villages et villes israéliennes ».
Judah Ari Gross a contribué à cet article.