« Je n’ai pas rempli ma mission » : Le chef de l’unité de renseignement 8200 démissionne
Le général de brigade Yossi Sariel reconnaît que son unité n'a pas pu empêcher l'attaque du 7 octobre, alors qu'elle avait recueilli des "informations détaillées" sur les projets du Hamas
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
Le commandant de l’unité 8200 de Tsahal, le général de brigade Yossi Sariel, a notifié jeudi à ses supérieurs et subordonnés son intention de démissionner, près d’un an après l’échec des services de renseignement israéliens à empêcher l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023.
L’armée israélienne a déclaré que Sariel serait remplacé « prochainement ».
L’unité 8200 est la principale unité de renseignement électromagnétique de Tsahal : elle est l’une des unités particulièrement montrées du doigt pour ne pas avoir permis de déjouer l’attaque du 7 octobre. Sariel avait pris ses fonctions en février 2021 après une longue carrière militaire dans le renseignement.
Il a déclaré jeudi qu’il démissionnait en raison de ce qu’il considérait comme sa responsabilité dans les failles qui ont conduit au massacre, même si plus de onze mois se sont écoulés depuis le pogrom au cours duquel des milliers de terroristes du Hamas venus de Gaza ont tué 1 200 personnes et fait 251 otages.
En juillet dernier, la Douzième chaîne avait fait savoir que Sariel refusait de démissionner, considérant qu’une telle décision serait de la « lâcheté ».
Dans une lettre à ses subalternes, publiée jeudi par les médias israéliens, Sariel a écrit que « le 7 octobre à 6h29 du matin, je ne me suis pas acquitté de mes fonctions comme je l’attendais de moi-même, comme mes commandants et subordonnés l’attendaient de moi, comme mes concitoyens de ce pays que j’aime tant l’attendaient de moi. »
Sariel a ajouté que, compte tenu de ces échecs, « et conformément à l’état de la guerre », il voulait « assumer la responsabilité qui est la sienne, en sa qualité de commandant du 8200 et passer le relais à d’autres », au moment jugé opportun par les autorités militaires.
Le général a ajouté que, dans l’enquête préliminaire sur le rôle de l’unité 8200 dans les échecs du 7 octobre, il avait été constaté que « dans les années, mois, jours et heures qui ont précédé l’attaque surprise », l’unité avait rédigé des rapports détaillés sur « le projet d’attaque du Hamas dans sa version opérationnelle ».
Néanmoins, écrit-il, « les informations détaillées qui ont été produites et diffusées à propos des projets du Hamas et de ses préparatifs ne sont pas parvenues à éveiller suffisamment l’attention, que ce soit au sein de la communauté du renseignement ou de l’armée, de notre unité ou de nos partenaires ».
« Malgré ce que l’on attendait de nous », poursuit-il, l’unité n’a pas réussi à identifier les renseignements nécessaires pour empêcher une telle attaque.
Ces onze derniers mois, un faisceau d’informations a laissé entendre qu’un grand nombre de mises en garde envers le risque d’une telle attaque étaient restées lettre morte, à commencer par celles exprimées par les plus hautes autorités militaires.
En août, la Douzième chaîne avait indiqué que l’Unité 8200 avait, dès avril 2022, obtenu un document précis exposant les projets du Hamas pour une telle attaque – document qu’elle n’a jamais fait suivre au chef d’État-major. En juillet, la chaîne avait expliqué que le système d’alerte mis en place pour de telles attaques avait été « négligé » par Sariel lors de son mandat.
L’Unité 8200 avait par ailleurs rassemblé un dossier le 19 septembre – soit moins de trois semaines avant le 7 octobre – disant que le Hamas s’entraînait pour une invasion de grande ampleur en Israël. Ce dossier n’aurait pas été pris au sérieux par les plus hautes autorités de la communauté du renseignement.
Le chef de l’unité de renseignement 8200 n’est généralement pas connu du public, mais l’identité de Sariel a été révélée par le Guardian en avril dernier, suite à la publication d’un livre par ce dernier, certes sous un pseudonyme mais avec une trace numérique menant directement à lui.
D’autres sommités des services de sécurité ont quitté leur poste dans les mois qui ont suivi l’attaque du 7 octobre, mais la majeure partie des hauts-gradés de Tsahal sont toujours là.
En juillet, le chef du district sud de l’agence de sécurité du Shin Bet a démissionné et, avant lui, en avril, le général de division Aharon Haliva, chef de la Direction du renseignement militaire.
En juin, le général de brigade Avi Rosenfeld, chef de la division de Gaza, avait annoncé sa démission, tout comme le général de brigade Amit Saar, chef de la division de la recherche de la direction, en mars, après avoir été diagnostiqué d’un cancer.