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La Deutsche Welle exige de ses employés de soutenir le droit à l’existence d’Israël

Le code de déontologie réexaminé du service international de diffusion de l'Allemagne justifie ce positionnement en notant "la responsabilité historique" du pays dans la Shoah

Le bâtiment du radiodiffuseur allemand Deutsche Welle à Bonn, en Allemagne, le 9 juillet 2003. (Crédit : AP Photo/Hermann J. Knippertz, File)
Le bâtiment du radiodiffuseur allemand Deutsche Welle à Bonn, en Allemagne, le 9 juillet 2003. (Crédit : AP Photo/Hermann J. Knippertz, File)

JTA — Le média public international de l’Allemagne, la Deutsche Welle, a revu son code de déontologie qui exige dorénavant des employés qu’ils apportent leur soutien à l’existence d’Israël – ou qui risquent le renvoi le cas échéant.

Cette initiative, annoncée le 1er septembre, a précédé une ordonnance judiciaire émise la semaine dernière qui imposait la réembauche d’une employée qui avait été licenciée après la découverte, par la compagnie, qu’elle avait tenu des propos au sujet d’Israël qui pouvaient être considérés comme antisémites. Au total, sept employés du service arabe de la DW avaient dû partir pour la même raison l’année dernière, et deux d’entre eux ont lancé des poursuites judiciaires à l’encontre de la firme, obtenant in fine leur réintégration.

Ce code de déontologie révisé semble avoir été programmé pour aider la firme à mieux affronter de tels cas à l’avenir. Vera Tellman, porte-parole de la DW, a déclaré à JTA dans un courriel que la compagnie « est dans l’attente des raisons ayant entraîné le verdict dans un cas et se réserve le droit de lancer de nouvelles poursuites ».

DW n’est pas la seule entreprise médiatique allemande à faire part ouvertement de son engagement en faveur du droit à l’existence d’Israël. En 1967, la compagnie Axel Springer, l’un des plus importants conglomérats du secteur qui possède dorénavant Politico et Insider, avait établi des « principes » qui comprenaient « le soutien au peuple juif et le droit à l’existence de l’État d’Israël ».

Le code établi par le DW et qui a été rendu public le 1er septembre déclare que « la responsabilité historique de l’Allemagne dans la Shoah est aussi une raison pour laquelle nous soutenons le droit à l’existence d’Israël ».

Il ajoute également que « les discriminations de toutes sortes, comme le sexisme, le racisme et l’antisémitisme… pourront avoir des conséquences en matière de droit du travail, notamment le licenciement ».

Tellmann a confié à JTA que les conséquences seraient appliquées « en fonction de la gravité des violations ». Le refus du droit à l’existence d’Israël ferait partie de ces violations graves, a-t-elle précisé.

Il y a cinq ans, l’Allemagne avait officiellement accepté la définition de travail de l’antisémitisme mise au point par l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance), une initiative qui visait à offrir une nouvelle aide lors des poursuites pour antisémitisme. Cette définition comprend le déni du droit à l’existence d’Israël en le considérant comme une forme de discours antisémite. Les critiques de cette définition, avec parmi eux certains Juifs progressistes, affirment qu’elle a un impact négatif sur la liberté d’expression – même si la définition ne considère pas toutes les critiques de l’État juif comme antisémites.

Il est déjà interdit en Allemagne de se livrer à de la propagande nazie ou de nier la Shoah. Les violations à ces règles sont sanctionnées par des amendes, voire par des peines de prison.

De surcroît, l’Allemagne a interdit les appels à la destruction d’Israël dans les manifestations anti-israéliennes, confisquant les panneaux et autres pancartes incriminées et traînant en justice les protestataires scandant de tels slogans, note Nathan Gelbart, avocat à Berlin et président de l’Appel juif uni, un groupe allemand.

« Il n’y a qu’un seul peuple dont le droit à l’auto-détermination est nié et remis constamment en question », explique Gelbart, qui a représenté des organisations juives et israéliennes variées, dans un courriel adressé à JTA. « C’est donc une bonne chose d’introduire le soutien à l’existence d’Israël dans le nouveau code de déontologie de la DW, et c’est pleinement justifié ».

Il ajoute que la définition de l’IHRA traite « l’antisémitisme moderne, qui n’est pas seulement cette haine de la droite contre les Juifs mais qui prend aussi la forme de slogans politiques sous couvert de critique d’Israël. »

Le groupe European Legal Support Center, qui défend les Palestiniens dans toute l’Europe et au Royaume-Uni, a exprimé un point de vue différent sur la définition de l’IHRA dans sa réponse à la situation vécue par Farah Maraqa, la journaliste palestinienne de Deutsche Welle récemment réintégrée dans l’entreprise.

« Ce dossier illustre une tendance inquiétante en Allemagne qui s’efforce, de manière institutionnalisée, de réduire au silence les voix et les narratifs palestiniens en employant des pratiques abusives », a commenté l’organisation auprès d’Al Jazeera. « Il dépeint ce phénomène où le sentiment anti-palestinien et l’utilisation institutionnelle de la définition de l’IHRA s’entremêlent pour gravement entraver la liberté d’expression ainsi que la liberté de la presse ».

Tellmann a précisé auprès de JTA que la formulation choisie dans le code de déontologie s’était basée sur la définition de travail de l’IHRA. « L’IHRA est aussi explicitement citée et reliée aux directives journalistiques du rédacteur en chef, et il y a aussi plusieurs exemples qui font partie de la définition de l’IHRA », a-t-elle ajouté, notant que la DW a aussi consulté le commissaire pour la vie juive en Allemagne ainsi que plusieurs groupes de lutte pour les droits civils : l’organisation Combat contre l’antisémitisme, le Centre de compétence pour la prévention et l’émancipation, le groupe de lutte contre le racisme de la Fondation Amadeu Antonio et le Centre d’éducation Anne Frank.

Artwork on the Berlin wall. (photo credit: CC-BY-SA Maartmeester, Flickr)
Fresque murale sur un mur de Berlin. (Crédit : CC-BY-SA Maartmeester/Flickr)

Le 7 septembre, la DW a aussi ajouté une définition lapidaire de l’antisémitisme sur son site internet : « l’antisémitisme est une hostilité à l’encontre des Juifs basée sur le nationalisme, le darwinisme social et le racisme. Il était une idée centrale du national-socialisme et il a finalement entraîné la Shoah ».

Si la définition de l’antisémitisme est étroite, le code de déontologie révisé de la compagnie médiatique, présenté le 1er septembre, comprend la question d’Israël. La DW rejette ainsi « toutes les formes de discrimination, notamment le sexisme, le racisme et l’antisémitisme. La responsabilité historique de l’Allemagne dans la Shoah est aussi l’une des raisons expliquant notre soutien au droit à l’existence d’Israël ».

Dans son courriel adressé à JTA, Tellmann a indiqué que le code comprend aussi dorénavant « une référence aux règles et régulations sous-jacentes de la DW » pour garantir qu’elles « s’appliqueront aussi, et ce, même si elles ne sont pas explicitement mentionnées » dans le code de déontologie.

Maraqa était l’une des sept employés renvoyés par le service arabe de la DW, au mois de février 2021, après qu’une enquête externe diligentée par la DW a révélé que les employés avaient outrepassé les limites lors de déclarations faites au travail ou dehors. Selon le journal Bild, l’un des journalistes licenciés avait qualifié Israël « de cancer à enlever ». Un autre avait écrit dans un essai qu’un « lobby juif contrôle de nombreuses institutions allemandes » dans le but de prévenir toute critique d’Israël. En 2019, un travailleur indépendant et enseignant à l’Académie de la DW avait comparé les Juifs à des fourmis qui avaient pénétré « tous nos points faibles ». Les noms des journalistes n’ont pas été rendus publics.

En réponse à ces révélations, l’entreprise avait annoncé, au mois de décembre 2021, la fin de sa coopération avec la chaîne publique jordanienne Roya. Selon Tellmann, la relation avec Roya « a fait l’objet d’un audit par le biais d’un nouveau système. Sur la base des résultats, les administrateurs prendront rapidement une décision sur la continuation possible de cette coopération – dans la mesure où elle ne contreviendra pas aux valeurs de la DW. »

Une nouvelle équipe interne qui sera chargée « de l’antisémitisme, de la vie juive et des questions d’Israël et des territoires occupés palestiniens » a été établie avec sept rédacteurs, a continué Tellmann, qui a ajouté que le bureau du média en Israël avait également bénéficié de personnels supplémentaires.

Maraqa était la deuxième salariée renvoyée – après Maram Salem – dont les tribunaux ont exigé la réintégration.

Giovanni Fassina, directeur de l’ELSC, a indiqué à Al-Jazeera qu’il espérait que la victoire de Maraqa « transmettra un message clair à [Deutsche Welle], celui que la compagnie doit mettre un terme à ses pratiques de censure ».

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