La grandeur du boulevard Ben Maimon, maison de nos premiers Premiers ministres
Les touristes peuvent y découvrir le centre de visiteurs restauré de Levi Eshkol, la plus ancienne galerie d'art du pays et le style d'inspiration européenne de l'artère
Une question : si Levi Eshkol s’était présenté aux élections aujourd’hui, le parti qu’il aurait dirigé aurait-il remporté le scrutin ?
Probablement pas. Levi Eshkol, l’un des fondateurs de notre premier kibboutz, de nos forces de défense de la Haganah, et du syndicat ouvrier Histadrout, était la force motrice à l’origine de notre système de canalisation, il a dynamisé notre économie, forgé notre « relation spéciale » avec les Etats-Unis et a été Premier ministre durant la guerre des Six Jours. Pourtant, il n’était pas très fringant, ni un très grand orateur et il manquait surtout de charisme. Lui, et son parti, n’aurait donc probablement pas eu la moindre chance. Car, aujourd’hui, l’image du candidat est tout ce qui compte.
Mais dans les années 1960, les électeurs regardaient bien au-delà des apparences. Eshkol a donc été élu en 1963 et a régné en tant que Premier ministre jusqu’à son décès survenu en 1969. Pendant ce laps de temps, il vivait dans la résidence des Premiers ministres, une maison située sur le boulevard Ben Maimon dans le quartier Rehavia de Jérusalem. Le lieu a aujourd’hui été transformé en un remarquable office de tourisme baptisé Beit Levi Eshkol.
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La maison a été construite en 1933 par le capitaine Julius Yehuda Jacobs, un Juif anglais issu d’une famille sioniste qui occupait une haute position dans l’Administration civile britannique en Palestine. C’est l’architecte russo-britannique Benjamin Chaikin, qui a conçu le théâtre en plein air à l’Université hébraïque sur le mont Scopus, qui en a dessiné les plans.
Le capitaine Jacobs était quelqu’un d’extrêmement honnête et direct et, au fil des ans, sa loyauté s’est retrouvée partagée. Mais un conflit intérieur le rongeait. Il ne pouvait pas se résoudre à révéler aux Britanniques des secrets importants qu’il avait appris de ses amis membres de la Haganah (les forces clandestines de défense juive – ancêtre de l’armée israélienne). Et dans le même temps, sa position dans l’Administration civile britannique lui avait donné accès à des documents hautement confidentiels qui auraient beaucoup aidé cette même Haganah.
C’est pourquoi, il demanda un emploi moins sensible et commença à travailler à l’Hôtel King David toujours pour l’administration britannique. Quand l’organisation secrète juive l’a fait exploser le 22 juillet 1946, Jacobs faisait partie des nombreuses victimes.
Sa famille a alors loué – et finalement vendu – la maison à l’Etat d’Israël. Puis, quand le tout nouveau gouvernement israélien eut besoin d’une résidence convenable pour son Premier ministre David Ben Gurion en 1950, le bâtiment de deux étages fut choisi.
L’édifice finit par se détériorer au fil du temps et, quand Yitzhak Rabin devînt Premier ministre pour la première fois en 1974, lui et sa femme Leah emménagèrent dans ce qu’ils considéraient être un logement plus approprié, non loin de là.
En 1977, il fut décidé de transformer la maison en un office de tourisme qui perpétuerait la mémoire d’Eshkol. Mais elle resta inoccupée pendant les 39 années suivantes, abandonnant sa grandeur d’antan aux mauvaises herbes et aux graffitis.
C’est pour cela que nous avons été si heureux d’apprendre que des rénovations y avaient été lancées en 2015 par l’organisation à but non-lucratif Yad Eshkol avec l’aide de la Société pour la Protection de la Nature d’Israël (SPNI) et le ministère de Jérusalem et du patrimoine.
Beit (maison) Levi Eshkol a ainsi ouvert ses portes au public le 20 décembre 2016 et est accessible aux personnes en fauteuil roulant.
Notre moment préféré de la visite, qui conduit les visiteurs à travers les pièces restaurées, est un film sur la vie d’Eshkol diffusé dans le salon. Il est particulièrement intéressant car il propose une biographie du dirigeant qui vient refléter le développement de l’Etat d’Israël. Un jardin écologique est entretenu par la SPNI, dont les bureaux se trouvent au deuxième étage.
Le long de la rue
Le boulevard Ben Maimon, où se trouve la maison, a été dessiné par Eliezer Yellin et Wilhelm Hecker, des résidents du quartier. Il s’inspire des boulevards de style européen, et même s’il fait pâle figure en comparaison au boulevard Rothschild de Tel Aviv, le chemin au milieu du boulevard, qui commence à partir du numéro 32, présente certaines caractéristiques similaires, comme les bancs ombragés grâce aux arbres, dont une caroube de 80 ans.
L’artère a été nommée en l’honneur du grand rabbin médiéval, savant, physicien et talmudiste Moshe Ben Maimon, également connu sous le nom de Maïmonide ou encore le Rambam. Le boulevard aurait pu s’appeler Rambam, mais cela aurait prêté à confusion puisque la rue Ramban se trouve à proximité. (Ramban est l’acronyme pour Moïse ben Nahman, un autre rabbin célèbre de l’époque médiévale).
Le long du boulevard, on retrouve notamment la Maison Foner-Hyman au numéro 39, construite en 1932 et conçue par la même équipe à l’origine du boulevard. Malheureusement, la seule partie restant encore d’origine, après avoir été rasée en 2003, est l’adorable entrée semi-circulaire. Une photographie du mur extérieur montre à quoi ressemblait la maison à son heure de gloire.
Le bâtiment juxtaposé remplace une maison de deux étages bâtie en 1935. C’est l’une des maisons de Jérusalem que les guides montrent aux touristes dans leur tour des bâtiments « maudits » de la ville. Alors que certaines des personnes les plus importantes du pays ont grandi dans des maisons voisines du boulevard Ben Maimon, les résidents du numéro 32 n’ont pas eu beaucoup de chance. Par exemple, le propriétaire a été tué dans un incendie en 1974, et, il y a 10 ans, une vieille femme habitant dans le quartier, et souffrant de la maladie d’Alzheimer, a été retrouvée deux semaines après sa disparition dans les escaliers d’une partie inachevée de l’édifice.
Ernst Akiva Simon habitait au numéro 35 du boulevard Ben Maimon. Simon, un philosophe et éducateur religieux né en Allemagne, avait immigré avec sa femme en 1928. Disposant de ressources financières limitées, ils ont acheté un terrain sur le boulevard Ben Maimon – qui n’était à l’époque qu’un chemin de poussière en périphérie de Rehavia. En plus de beaucoup d’autres récompenses, Simon a reçu le prestigieux prix Israël pour l’éducation en 1967. Le splendide bâtiment actuel ne ressemble en rien à la structure très modeste créée par les Simon en 1930.
Si elle se repose aujourd’hui sur ses lauriers après avoir opéré pendant plus de 73 ans, la galerie Nora a été la première en son genre du pays. A l’origine, elle se trouvait dans la rue Agron, mais depuis 1954, elle se situe au 9 boulevard Ben Maimon.
Après la mort en 1980 d’Eleonora Wilensky, qui avait lancé cette initiative à but non lucratif, sa fille Dina Hanoch a dirigé la galerie pendant les 35 années suivantes. Si elle est désormais fermée pendant une bonne partie de l’année, la galerie qui a accueilli plus de 500 expositions participe toujours au Festival culturel Manofim du mois d’octobre.
Sans surprise, la maison qui occupe le 8 boulevard Ben Maimon ressemble beaucoup au bâtiment qui se trouve juste à côté, au numéro 6. Et cela s’explique par le fait que les deux édifices ont été construits en 1934 par les architectes Raphael et Dan Ben Dor. Les maisons appartenaient à Nassim Abcarius, un riche et très respecté avocat égyptien de religion grecque orthodoxe, tombé amoureux d’une femme de 30 ans sa cadette. Il s’agissait de Léa Tannenbaum, la fille d’un riche marchand ultra-orthodoxe de Jérusalem.
Après un mariage à Alexandrie, le mari très aimant a fait construire une maison pour Léa et lui, ainsi qu’une autre maison juste à côté, pour des locataires. L’un d’eux était Daniel Auster, le premier maire juif de Jérusalem (il a été désigné à la fonction alors que le maire arabe de la ville était en vacances sous le Mandat britannique en 1937). Il a aussi été le premier maire de la ville après la création de l’Etat d’Israël, avant de démissionner en 1951.
La Villa Léa n’a pas été longtemps habitée par les jeunes mariés. Après avoir rapidement dépensé les finances du couple, Léa est apparemment partie avec un autre homme. Les mots « Villa Léa », inscrits par son mari épris d’amour, sont encore visibles au-dessus de l’entrée.
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Heures de visite de la Beit Eshkol :
Sur réservation à l’avance, dimanche-jeudi 9h-17h, et une fois par mois, le vendredi. Les personnes seules peuvent participer à la visite groupée à ce moment-là. Appelez le 02-6313091 ou envoyez un courriel à beiteshkol@spni.org.il. L’entrée coûte 25 shekels, 20 shekels pour les seniors et 18 shekels pour les enfants de 6 à 18 ans.
Pour plus d’informations sur la galerie Nora, écrivez à l’adresse suivante : noragallery@gmail.com
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