La Haute Cour rejette la requête de lever l’injonction contre le limogeage de Ronen Bar
La motion du gouvernement s'appuyait sur des informations médiatiques juridiquement irrecevables, selon les juges

La Haute Cour a rejeté jeudi la demande du gouvernement visant à lever la suspension du chef du Shin Bet, Ronen Bar, en raison d’un conflit d’intérêts présumé lié à l’arrestation récente d’un fonctionnaire de l’agence, accusé d’avoir divulgué des informations classifiées à des journalistes et à un ministre.
Les juges Isaac Amit, Daphne Barak-Erez et Noam Sohlberg ont estimé que la demande de levée de la suspension de Bar s’appuyait sur des informations publiées dans les médias, « qui, de par leur nature, ne peuvent servir de fondement à une décision judiciaire ».
Ils ont réaffirmé que le contrôle judiciaire de cette décision ne remettait pas en cause l’autorité du gouvernement en matière de sécurité.
Les juges ont précisé que toute nouvelle décision serait fondée sur les déclarations officielles relatives à l’arrestation du fonctionnaire du Shin Bet, rendue publique mardi, arrestation qui a suscité une vague de critiques au sein de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
À la fin du mois dernier, le gouvernement avait voté en faveur de la destitution du chef des services de sécurité intérieure – malgré les difficultés juridiques liées à une enquête du Shin Bet consacrée à des proches conseillers de Netanyahu, soupçonnés de liens criminels avec le Qatar, une nation qui soutient le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Au cours d’une session chaotique le 8 avril, la Haute Cour avait entendu des requêtes contre la destitution de Bar et elle avait émis une injonction temporaire contre cette mesure, exhortant les parties à trouver un compromis.
Netanyahu n’a pas indiqué s’il respecterait les ordonnances de la Haute Cour. Plusieurs de ses ministres l’ont appelé à le faire.
Une demande d’annulation de l’injonction a été déposée mercredi par l’avocat militant de droite Yhuda Fuah, qui représente un groupe de familles dont des proches ont été assassinés ou enlevés lors du pogrom du Hamas du 7 octobre 2023.

Dans un addendum à la requête de Fuah, le gouvernement a réaffirmé ses arguments contre le contrôle, par la justice, d’un changement de personnel lié à la sécurité, accusant Bar d’avoir employé « des moyens draconiens à des fins personnelles et purement partisanes » en ordonnant l’arrestation d’un responsable du Shin Bet. La requête a aussi cité un enregistrement récemment publié du chef de la division juive du Shin Bet, dans lequel il autorisait les arrestations de résidents d’implantations sans preuve.
Dans leur décision rendue jeudi, les juges ont jugé « regrettable qu’une telle demande » n’ait pas été présentée par le gouvernement lui-même.
En réponse à la décision rendue jeudi, Fuah a accusé le tribunal de « faire à nouveau fi des parents des otages et des victimes d’assassinat ».
« L’argument selon lequel la demande reposait sur des informations parues dans les médias est ridicule. L’injonction du tribunal était elle-même entièrement fondée sur des informations relayées par les médias », a écrit Fuah sur X, faisant apparemment référence aux éléments issus des enquêtes internes du Shin Bet. « On ne peut pas émettre une injonction sur la base de données médiatiques, puis rejeter une demande d’annulation au prétexte qu’elle s’appuie sur ces mêmes données. »
« La cour prive le gouvernement de la possibilité de limoger le chef du Shin Bet tout en affirmant que l’autorité gouvernementale n’est pas remise en cause », a encore déclaré Fuah. « J’ai du mal à comprendre comment trois juges ont pu valider de tels paradoxes. »

En mars, Netanyahu avait annoncé son intention de demander la destitution de Ronen Bar, invoquant une rupture de confiance après le pogrom du 7 octobre 2023, lorsque des milliers de terroristes dirigés par le groupe terroriste palestinien du Hamas avaient déferlé sur le sud d’Israël, où ils avaient assassiné plus de 1 200 personnes et enlevé 251 personnes qui avaient été prises en otage dans l’enclave palestinienne, déclenchant ainsi la guerre en cours à Gaza.
La décision de limoger Bar a provoqué des manifestations de masse, les dirigeants de l’opposition accusant le Premier ministre de chercher à se défausser de sa propre responsabilité dans cet assaut meurtrier.
Malgré l’animosité qui les oppose, Netanyahu a invité Bar à participer à une discussion téléphonique sur la sécurité mercredi soir, selon des informations rapportées par Ynet, citant des sources anonymes au sein du cabinet du Premier ministre.
L’invitation de Bar survient après l’annulation, la veille, d’une réunion du cabinet de sécurité consacrée à la guerre à Gaza et aux négociations pour la libération des otages, le ministre des Finances Bezalel Smotrich ayant déclaré qu’il boycotterait la réunion si Bar y assistait.