La « Journée de l’égalité », censée relancer les manifestations, n’a pas mobilisé la foule
Les manifestations contre les exemptions militaires des haredi, l'inégalité religieuse et l'inégalité entre les sexes était censées restaurer l'élan du mouvement contre la réforme

A la fin du mois de mars, la vague de protestations contre le projet de réforme judiciaire du gouvernement s’est transformée, pour deux jours, en une gigantesque vague qui a tout balayé sur son passage.
Des milliers d’Israéliens s’étaient levés la nuit, avaient bloqué des autoroutes, allumé des feux et assiégé la résidence du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour réagir au limogeage de son ministre de la Défense qui avait affirmé publiquement que les réformes nuisaient à la cohésion de l’armée israélienne et devaient être arrêtées.
Les protestations ont été suivies le lendemain par des grèves générales, notamment dans les ports maritimes et à l’aéroport de Ben Gurion, paralysant de grandes parties du pays et une énorme manifestation a été organisée devant la Knesset pour bien faire comprendre aux législateurs qui s’y trouvaient ce qui était en jeu.
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Le point culminant de ces événements a été la décision de Netanyahu d’interrompre le processus législatif en cours visant à assurer au gouvernement un contrôle presque total sur les nominations judiciaires, afin de permettre la tenue de négociations avec l’opposition sur les réformes.
Cette décision a été le point culminant, jusqu’à présent du moins, du mouvement de protestation. Les rassemblements hebdomadaires organisés dans tout le pays ont continué à attirer des centaines de milliers de personnes dans les rues, mais entre le gel législatif, les congés parlementaires pour les fêtes de Pessah et les négociations en cours, l’ardeur de la campagne s’est tout naturellement estompée.
Et aujourd’hui, la préoccupation principale du gouvernement, depuis la rentrée parlementaire, est l’adoption du budget avant la date butoir du 29 mai, afin d’éviter une dissolution automatique de la Knesset et la tenue de nouvelles élections, entre autres problèmes politiques.
Le projet de loi sur la réforme de la commission de sélection des juges est pourtant toujours sur le point d’être adopté, et ne requiert que deux votes consécutifs en plénière de la Knesset, qui peuvent être planifiés à tout moment.

Ainsi, malgré l’accalmie de l’activité législative, le mouvement de protestation et ses dirigeants sont parfaitement conscients qu’une épée de Damoclès pèse sur les résultats impressionnants qu’ils ont obtenus jusqu’à présent.
La « journée de perturbation » de jeudi était donc une tentative de revigorer la lutte et de reconstruire l’élan incroyablement puissant des protestations qui ont conduit de manière si spectaculaire au gel législatif en mars.
Les dirigeants des manifestations semblent avoir compris que sans menace claire et présente de l’adoption imminente de la législation sur la réforme du système judiciaire, il sera difficile de raviver cet élan. Conscient du danger d’une baisse de motivation, le mouvement de protestation de jeudi s’est dûment concentré sur d’autres points très controversés de l’agenda politique du gouvernement, en mettant particulièrement l’accent sur les questions d’inégalité sociale, afin de remuer les masses et de donner un coup de fouet au mouvement de protestation.
À cette fin, la question des exemptions de service militaire pour les ultra-orthodoxes, une plaie ancienne et suppurante dans la société israélienne, est devenue l’un des principaux points d’intérêt de la journée.
Mais les efforts des organisateurs n’ont eu qu’un succès limité, le nombre de manifestants lors des dizaines d’événements organisés dans tout le pays étant nettement inférieur aux foules immenses qui avaient répondu présent lors des précédentes « Journées de la perturbation ».

Netanyahu a promis aux partis ultra-orthodoxes de relégiférer sur les exemptions, qui avaient été invalidées par la Cour suprême de justice comme étant fondamentalement discriminatoires en 2017.
Suite aux pressions toujours plus forte, exercée par Yahadout HaTorah en particulier, pour que le Premier ministre tienne ses promesses, le mouvement de protestation a manifestement misé sur la question pour faire sortir les manifestants et dynamiser les foules en attirant l’attention sur ce qui serait une mesure très impopulaire de la part du gouvernement.
Si les nombreuses manifestations organisées dans tout le pays étaient très animées et ont attiré l’attention, elles ont également enregistré un taux de participation beaucoup plus faible que par le passé.

Des manifestations ont eu lieu devant le domicile de l’un des principaux rabbins ultra-orthodoxes du pays, tandis qu’une manifestation provocatrice impliquant des poussettes montées avec de petits cercueils a été organisée par des activistes pour l’égalité de la conscription devant le Centre de recrutement de Tsahal à Tel Hashomer.
D’autres causes de mécontentement sociétal qui perdurent, notamment l’impossibilité pour les Israéliens de se marier en dehors des auspices du rabbinat orthodoxe et les désavantages auxquels sont confrontées les femmes dans les procédures devant le rabbinat et les tribunaux rabbiniques, ont également été soulignées de nombreuses manières par les manifestants.
Des manifestations ont également eu lieu devant les bureaux du rabbinat et un mariage civil (qui ne sera pas reconnu par l’État) a été organisé devant le tribunal rabbinique de Tel-Aviv.

Aux yeux du public, la participation des partis ultra-conservateurs et ultra-orthodoxes à la coalition actuelle constitue un obstacle majeur à la résolution de ces questions.
Et de fait, une des autres promesses de la coalition faite par Netanyahu aux partis ultra-orthodoxes est de renforcer l’autorité des tribunaux rabbiniques.
Il semblait donc logique de placer ces préoccupations sous la bannière du mouvement de protestation, dans le cadre d’un effort visant à raviver l’élan de ces quelques journées intenses et passionnées qui ont précédé le gel de la législation relative à la réforme de la justice.
Cette évolution est également quelque peu naturelle pour un mouvement qui, dans une certaine mesure, est issu des manifestations anti-gouvernementales et anti-Netanyahu qui se sont emparées du pays en 2020 et 2021.
Avec une participation nettement inférieure à celle des journées de protestation précédentes et un manque d’intensité, il semble que la question, bien que préoccupante pour beaucoup, n’ait pas suffi à attirer des foules massives un jour ouvrable, contrairement à celles qui ont répondu présent face au danger imminent qui menaçait la démocratie israélienne.
Les prochaines étapes du mouvement de protestation sont en train de se goupiller. Les leaders du mouvement de protestation ont renouvelé, depuis quelques jours, leurs critiques à l’encontre de Yesh Atid et de HaMahane HaMamlahti au sujet des négociations avec la coalition sous les auspices du président Isaac Herzog.
Les groupes de protestation ont appelé mercredi les partis d’opposition à fixer une date butoir pour les négociations, en particulier en ce qui concerne la question de la Commission de sélection des juges, qui est au cœur du différend.

Ils accusent Netanyahu et la coalition de ne pas vouloir et de ne pas pouvoir accepter une législation qui empêcherait le contrôle politique de la commission de sélection des juges, et de chercher simplement à perdre du temps afin de calmer la ferveur et l’excitation des manifestations, comme ce fut le cas avec la législation visant à affaiblir le pouvoir judiciaire en Pologne, qui, afin de calmer les foules, avait dans un premier temps reporté la législation, pour ensuite l’adopter plus tard.
En fin de compte, comme l’ont souligné les dirigeants et les organisations de protestation en février et en mars, ils ne seront pas rassurés tant que la législation sur le point de recevoir l’approbation finale ne sera pas officiellement retirée du processus législatif.
Les partis d’opposition semblent être à l’écoute. Yesh Atid a exigé jeudi que les négociations de la semaine prochaine soient entièrement consacrées à la commission de sélection des juges. Des sources au sein du parti ont déclaré qu’il perdait patience et qu’il était de moins en moins disposé à poursuivre les négociations si des accords sur cette question n’étaient pas conclus rapidement.
Les bases de la prochaine étape des manifestations sont manifestement en train d’être établies. Reste à savoir si elles seront assez solides pour rallier le soutien des masses.
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