Israël en guerre - Jour 424

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Reportage

La judéité de certaines victimes du Hamas suscite d’âpres disputes quant à leur enterrement

Sur l'insistance du rabbinat, deux Israéliens non juifs ont été enterrés "à l'extérieur de la clôture" malgré les souhaits de leurs familles, tandis que d'autres se battent pour incinérer leurs proches

Alina Plahti. (Autorisation)
Alina Plahti. (Autorisation)

Alors que le festival de musique Supernova battait son plein, le 7 octobre dernier, des terroristes du Hamas on tué Alina Plahti, son petit-ami Yonathan Eliyahu, un de leurs amis et près de 260 autres festivaliers, dans la journée la plus sombre que l’Etat juif a connu, qui a coûté la vie à près de 1 200 personnes, essentiellement des civils, essentiellement des Juifs israéliens.

Et pourtant, Plahti, 23 ans, a été enterrée en dehors du périmètre où sont enterrés les Juifs, « à l’extérieur de la clôture », dans le jargon halakhique, dans le cimetière de sa ville natale de Beit Shean.

La raison est simple : Plahti n’était pas Juive selon la loi juive orthodoxe et ne peut donc pas être enterrée autour de Juifs au cimetière, a expliqué le rabbin Yosef Yitzhak Lasri au Times of Israël lundi. Le rabbin Lasri est à la tête du rabbinat de Beit Shean et membre du Grand Rabbinat, l’organe du gouvernement responsable de l’administration des services religieux pour les juifs, y compris les enterrements.

Le cas de Plahti a suscité l’indignation lorsqu’il a été examiné par une commission de la Knesset lundi, soulignant la résurgence progressive des tensions sociétales autour de la religion en Israël. Ce genre de questions divisaient l’opinion publique en Israël avant que les différents groupes ne mettent de côté leurs différences dans le sillage de l’attaque du Hamas du 7 octobre.

Plusieurs législateurs ont exprimé leur embarras face à l’histoire d’Alina Plahti, évoquée lors d’une séance consacrée à l’accélération du processus de conversion au judaïsme pour les personnes aspirant à devenir juives qui servaient dans l’armée israélienne pendant la guerre qu’Israël a déclarée au Hamas après l’assaut meurtrier des terroristes.

Le député Oded Forer, président de la commission de l’Immigration, de l’Intégration et des Affaires de la diaspora, lors d’une réunion de la commission, le 18 janvier 2023. (Crédit : Noam Moskowitz/Knesset)

« Alina a été enterrée à l’extérieur de la clôture parce qu’elle n’a pas mené à bien le processus de conversion dans lequel elle était déjà engagée », a déclaré Oded Forer, président de la commission de l’alyah, de l’intégration et des affaires de la diaspora de la Knesset, qui représente Yisrael Beytenu, un parti d’opposition qui compte de nombreux électeurs russophones et qui s’oppose régulièrement à ce qu’il considère comme de la coercition religieuse.

« J’ai honte et je m’excuse pour l’État d’Israël qu’elle ait été traitée de cette manière », a déclaré Forer, en faisant référence à son enterrement le 30 octobre à l’extérieur de la zone principale du nouveau cimetière de Beit Shean. Elazar Stern, un législateur de Yesh Atid, un autre parti d’opposition qui a fait campagne contre les allégations de coercition, a présenté ses excuses « au nom du judaïsme. Ce n’est pas notre judaïsme », a-t-il déclaré.

Le député Elazar Stern lors d’une réunion de la commission des Affaires intérieures à la Knesset, le 20 février 2018. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

La mère d’Alina Plahti, Olga, a déclaré qu’Alina avait l’habitude « d’allumer les bougies [du Shabbat] et de prélever la ‘hallah », citant deux pratiques juives. « Ce que je trouve le plus difficile, c’est qu’au moment le plus difficile, nous avons été mal traités », a-t-elle déclaré, ajoutant que le bureau local du rabbinat avait dit à la famille qu’Alina ne pouvait pas être enterrée dans l’espace funéraire principal parce qu’elle n’était pas juive.

« Je veux vous dire qu’elle a été assassinée parce qu’elle était juive », a déclaré Olga, 49 ans, à la commission.

Le rabbin de Beit Shean a confirmé au Times of Israel que son bureau avait décidé qu’Alina Plahti serait enterrée dans un cimetière réservé aux non-Juifs, proche du cimetière principal.

Une photo aérienne montrant le site abandonné du Festival Supernova, près du kibboutz Reim, dans le désert du Negev, qui a été attaqué par des terroristes du Hamas, le 10 octobre 2023. (Crédit : Jack Guez/AFP)

« Avec toute la sensibilité et l’empathie que nous ressentons à votre égard, Alina Plahti n’était pas juive », a-t-il déclaré. « Elle avait entamé un processus de conversion pendant son service militaire, mais, à notre connaissance, elle avait abandonné et ne cherchait pas à se convertir au moment de son décès. Par conséquent, selon les procédures du Grand Rabbinat, elle devait être enterrée en dehors de l’espace funéraire juif principal ».

Olga a déclaré qu’elle pensait que sa fille avait entamé un processus de conversion au moment de sa mort, mais qu’elle ne savait pas dans quel cadre.

Des troupes israéliennes inspectant le site ravagé par l’attaque du week-end du festival de musique Supernova dans le désert par des terroristes palestiniens près du kibboutz Reim dans le désert du Néguev, dans le sud d’Israël, le 10 octobre 2023. (Crédit : Jack Guez/AFP)

Olga Plahti n’est pas juive, mais son mari, Roman Plahti, l’est. Leur fils, Ilya, 30 ans, s’est converti au judaïsme il y a plusieurs années. La famille a fait son alyah, c’est-à-dire qu’elle a immigré en Israël, en 2001, en provenance de Kaliningrad, en Russie.

La situation de la famille Plahti n’est pas inhabituelle, en particulier parmi les immigrants de l’ex-Union soviétique et leurs descendants, dont 300 000 sont des citoyens israéliens qui ne sont pas considérés comme juifs selon l’interprétation de la loi juive par le rabbinat.

Le statut de cette minorité a fait l’objet de nombreux débats ces derniers mois, compte tenu des tensions croissantes sur la religion sous le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le gouvernement de droite qu’il a formé avec son parti, le Likud, et cinq partis religieux, en janvier 2023.

Des femmes manifestent devant le rabbinat à Rehovot, le 1er juillet 2023. (Crédit : Nevet Kahana)

Dans les mois qui ont précédé l’assaut du 7 octobre, la question de la religion est progressivement devenue un élément central d’un mouvement de protestation qui s’est déclenché à propos des projets de réforme judiciaire de la coalition, qui auraient affaibli le pouvoir judiciaire. Les lois et projets de loi qui semblaient renforcer le rabbinat ont suscité de multiples protestations. Les tensions ont atteint leur paroxysme lors d’altercations entre laïcs et religieux à l’occasion de Yom Kippour, à propos de prières sur des terrains publics.

La guerre d’Israël contre le Hamas, qui a commencé par l’assassinat de quelque 1 200 Israéliens près de Gaza et l’enlèvement de 240 autres, a détourné l’attention nationale de ces tensions internes, mais leurs échos reviennent peu à peu, notamment dans la façon dont sont traités certaines victimes.

Les parents de certaines des victimes de l’attentat de Beeri, par exemple, ont menacé de poursuivre le gouvernement si les corps de leurs proches n’étaient pas autorisés à être incinérés, ce qui est légal en Israël, mais désapprouvé par le rabbinat. Les avocats des familles n’ont pas répondu immédiatement à une demande du Times of Israel sur l’état d’avancement de l’affaire.

Des soldats israéliens passant devant des maisons détruites par des terroristes du Hamas dans le kibboutz Beeri, le 14 octobre 2023. (Crédit : Ariel Schalit/AP)

En outre, Alina n’est pas la seule victime du terrorisme à avoir été enterrée « à l’extérieur de la clôture », contre la volonté de sa famille.

Les quatre membres de la famille Kapshitter, assassinés par des terroristes près de Sderot le 7 octobre, ont été enterrés en dehors du cimetière juif de Dimona.

La famille Kapshitter, Evgeny, Dina, Aline, 8 ans, et Ethan, 5 ans. (Autorisation)

Dina, Evgeny, Aline (8 ans) et Ethan (5 ans) Kapshitter, originaires de Dimona, ont été tués alors qu’ils tentaient de rentrer chez eux le 7 octobre. Ils ont été enterrés « à l’extérieur de la clôture » parce qu’Evgeny n’était pas Juif. Plutôt que de séparer la famille, les parents de Dina ont décidé d’enterrer leur fille et leurs petits-enfants à côté d’Evgeny, même si tous les trois étaient juifs, a déclaré Forer lors de la discussion en commission.

Il a exhorté les rabbins locaux à travailler avec les responsables du rabbinat de Jérusalem pour trouver des moyens d’éviter de tels problèmes.

Le rabbin Eliezer Simcha Weiss, membre de la commission du Grand Rabbinat pour la dignité des morts, a semblé suggérer, lors de la réunion de la commission de la Knesset, qu’une autre solution aurait pu être trouvée pour le corps d’Alina Plahti.

« Lorsque des affaires leur parviennent, ils trouvent les moyens de résoudre les problèmes », a déclaré Weiss à propos du Grand Rabbinat. L’affaire « n’est peut-être pas parvenue » au grand rabbin d’Israël, qui dirige le rabbinat, a déclaré M. Weiss. « Je proposerai au rabbinat de nommer un délégué pour éviter ce genre de problème ».

« Nous pouvons tout faire par le biais de la halakha. Il y a donc eu un échec dans ce domaine », a-t-il ajouté.

Interrogé par le Times of Israel pour savoir s’il avait consulté le Grand Rabbinat au sujet de l’enterrement de Plahti, Lasri a répondu : « Non, je ne l’ai pas fait. Les procédures et les règles sont claires. »

Le rabbin Ido Pachter. (Crédit : Liron Moldovan)

La halakha prévoit des dispositions qui auraient pu permettre d’enterrer Plahti dans la section principale, juive, du cimetière, explique le rabbin Ido Pachter, coordinateur des questions de religion et d’État à Neemanei Torah VaAvodah, une organisation religieuse sioniste relativement modérée.

Les grandes autorités halakhiques ont émis des édits contradictoires à ce sujet, allant de l’autorisation de Rabbi Yehouda haNassi pour les enterrements mixtes « pour observer la paix » à l’interdiction stricte formulée par Rachi.

Maïmonide a déclaré que l’inhumation mixte était permise, en particulier pour ceux qui ont été « tués ensemble », un édit largement considéré comme signifiant les personnes qui sont mortes en combattant avec des Juifs ou en raison de leur affiliation au peuple juif.

Le cimetière militaire du Mont Herzl. (Crédit : Shmuel Bar-Am)

En 2016, le rabbinat de l’armée israélienne, qui fonctionne de manière relativement indépendante du Grand Rabbinat, a mis fin à l’inhumation séparée des soldats Juifs et non juifs. Leur solution au problème halakhique consiste à maintenir un espace de 2 mètres entre les nouvelles tombes, ce qui, selon le rabbinat, permet d’éviter toute complication.

De nombreux cimetières juifs en Israël souffrent déjà de surpopulation, mais cette solution « montre qu’il existe toutes sortes de solutions pratiques », a déclaré Pachter.

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