La lutte contre la haine en ligne, le raté de la loi Avia
La proposition imposait aux sites web de retirer sous 24 heures les contenus "manifestement" illicites mais elle a finalement été jugée contraire à la liberté d'expression
Le gouvernement d’Edouard Philippe a tenté en vain en juin dernier de lutter contre la haine en ligne par le biais d’une loi portée par la députée LREM Laetitia Avia. Mais le Conseil constitutionnel l’a taillée en pièces en jugeant qu’elle portait atteinte à la liberté d’expression.
A l’heure où les réseaux sociaux – qui ont relayé les messages stigmatisant le professeur d’histoire décapité vendredi – sont à nouveau critiqués, le texte devrait revenir en tête des priorités de l’exécutif.
La loi Avia s’inscrivait dans le droit fil de l’engagement pris par le président Emmanuel Macron en 2018, après l’émotion suscitée par l’attentat de Christchurch (Nouvelle-Zélande) relayé en direct sur un réseau social.
Elle imposait aux plateformes et aux moteurs de recherche l’obligation de retirer sous vingt-quatre heures les contenus « manifestement » illicites, sous peine d’amendes pouvant aller jusqu’à 1,25 million d’euros.
Une autre de ses dispositions ramenait ce délai à une heure pour les contenus « terroristes » ou pédopornographiques en cas de notification par les autorités publiques.
Cette proposition de loi a très vite concentré les critiques, étrillée par les politiques (droite LR, extrême gauche et extrême droite) comme par le Conseil national du numérique, la Commission nationale consultative des droits de l’homme ou la Quadrature du net, qui défend les libertés individuelles dans le monde du numérique.
Tous considéraient que la loi Avia revenait à donner un pouvoir de censure aux Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft).
Le Conseil constitutionnel leur a donné raison et censuré la mesure sur le retrait sous vingt-quatre heures, en estimant qu’elle « pouvait inciter les opérateurs de plateforme en ligne à retirer les contenus que leur sont signalés, qu’ils soient ou non manifestement illicites ».
« Le législateur a porté à la liberté d’expression et de communication », « une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi », a-t-il estimé.
Les « Sages » ont également censuré la disposition sur l’obligation de retrait dans un délai d’une heure, vidant ainsi la loi de sa substance.
A défaut de cette loi, l’essentiel de la lutte contre les contenus haineux repose depuis 2009 sur la plateforme de signalement Pharos, destinée au grand public et mise en place par le ministère de l’Intérieur, qui permet le signalement de faits illicites sur internet.
Les signalements sont traités par des policiers et des gendarmes qui, après vérification, alertent les services compétents, pour qu’une enquête soit ouverte sous l’autorité du procureur. Souvent long, ce dispositif ne permet toutefois pas d’effacer rapidement les contenus jugés illicites.
Après l’attentat de Christchurch, les réseaux sociaux ont chacun renforcé leurs dispositifs de signalement. Mais avec une efficacité relative.