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La monnaie s’écroule après l’appel d’Erdogan qui dénonce une « guerre économique »

La devise turque, dont la valeur a fondu de près de 40 % face au dollar et à l'euro, souffre en raison de la grave crise diplomatique entre Ankara et Washington

Le président de la Turquie et le chef du Parti de la justice et du développement (APK) Recep Tayyip Erdogan prononce un discours lors de la réunion du groupe parlementaire du Parti AKP à la Grande Assemblée nationale de Turquie (TBMMM) à Ankara le 8 mai 2018. (Crédit : AFP/Adem Altan)
Le président de la Turquie et le chef du Parti de la justice et du développement (APK) Recep Tayyip Erdogan prononce un discours lors de la réunion du groupe parlementaire du Parti AKP à la Grande Assemblée nationale de Turquie (TBMMM) à Ankara le 8 mai 2018. (Crédit : AFP/Adem Altan)

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a exhorté vendredi ses concitoyens à changer leurs devises étrangères pour soutenir la livre turque dont la chute s’est accentuée à la suite de son appel à la « lutte nationale » contre la « guerre économique » déclarée selon lui à la Turquie.

« Si vous avez des dollars, des euros ou de l’or sous votre oreiller, allez dans les banques pour les échanger contre des livres turques. C’est une lutte nationale », a lancé M. Erdogan dans un discours à Bayburt (nord-est).

Pendant son intervention, la livre turque a franchi le seuil de six pour un dollar au-delà duquel elle semblait désormais ancrée. Elle s’échangeait à 10H30 GMT à environ 6,1 pour un billet vert, enregistrant une baisse de près de 10 % sur la journée.

La devise turque, dont la valeur a fondu de près de 40 % face au dollar et à l’euro depuis le début de l’année, souffre en raison de la grave crise diplomatique entre Ankara et Washington et de la défiance croissante des marchés envers l’équipe économique de M. Erdogan.

La monnaie turque avait déjà cédé plus de 5 % face à la devise américaine jeudi, au lendemain de discussions infructueuses entre des diplomates américains et turcs de haut rang en vue d’apaiser les différends entre leurs deux pays qui ont imposé la semaine dernière des sanctions réciproques à des responsables gouvernementaux.

Outre ces tensions, les marchés s’inquiètent des orientations de la politique économique du président Erdogan, la banque centrale turque rechignant à relever ses taux pour contrer une inflation qui a pourtant atteint près de 16 % en juillet en rythme annuel.

La chute de la livre vendredi « montre que les investisseurs sont de plus en plus inquiets de l’imminence d’une crise monétaire totale », souligne dans une note David Cheetham, analyste chez XTB.

« Lobby des taux d’intérêt »

Face à cette situation, le président Erdogan a pointé vendredi un doigt accusateur en direction d’un mystérieux « lobby des taux d’intérêt » dont il n’a pas défini les contours.

« S’ils ont des dollars, nous, nous avons notre peuple, nous avons le droit et nous avons Allah ! », avait-il lancé dans un précédent discours, dans la nuit de jeudi à vendredi, des déclarations qui ont renforcé l’inquiétude des marchés.

Cette préoccupation a dépassé les frontières turques vendredi avec la parution d’un article du Financial Times selon lequel la Banque centrale européenne s’inquiète d’une éventuelle contagion de cette crise monétaire à certaines banques européennes très présentes en Turquie.

Des Allemandes Deutsche Bank et Commerzbank aux Italiennes UniCredit et Intesa Sanpaolo, en passant par l’Espagnole Santander, les actions de grandes banques européennes évoluaient dans le rouge vendredi dans la matinée, pénalisées par la crise de la livre turque.

« Les investisseurs voyaient la crise monétaire en Turquie comme un problème local. Cependant, il semble que la rapidité de la chute (de la livre) renforce les inquiétudes d’une possible exposition de banques européennes au système bancaire turc », souligne Michael Hewson, un analyste de CMC Markets.

Crise de confiance

Visiblement soucieux d’envoyer des signaux positifs aux marchés, le nouveau ministre des Finances Berat Albayrak, qui est également le gendre du président Erdogan, a insisté sur l' »importance » selon lui de l' »indépendance de la banque centrale » turque.

Depuis sa nomination à ce poste après la réélection de M. Erdogan en juin, M. Albayrak s’est efforcé sans succès d’apaiser les marchés qui voient d’un mauvais oeil la mainmise croissante sur les affaires économiques du président dont les positions peu orthodoxes inquiètent.

M. Erdogan, qui s’est octroyé l’ensemble des pouvoirs exécutifs aux termes d’une révision constitutionnelle controversée et nomme ainsi directement le gouverneur de la banque centrale, est ainsi un « ennemi » autoproclamé des taux d’intérêt.

Or de nombreux économistes appellent de leurs voeux une hausse des taux d’intérêt de la banque centrale afin d’enrayer l’inflation, un levier traditionnellement utilisé dans le monde pour maîtriser la hausse des prix et soutenir la monnaie nationale.

L’agonie de la livre turque cette semaine n’a quasiment pas été traitée par les principales chaînes de télévision et les journaux à grand tirage, pour la plupart contrôlés par le pouvoir.

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