La Haute Cour ordonne la cessation du financement des yeshivot après le 1er avril
La procureure générale a déclaré que la conscription des Haredim devrait commencer lundi ; Netanyahu avait demandé au tribunal une prolongation de 30 jours sur le projet de conscription, et a été vivement critiqué par Lapid
Dans un geste spectaculaire, la Cour suprême de justice a émis une ordonnance provisoire interdisant au gouvernement de payer les allocations mensuelles d’au moins certains étudiants ultra-orthodoxes des yeshivot après le 1er avril, étant donné que le cadre juridique leur permettant de différer leur service militaire aura expiré.
Les étudiants des yeshivot qui n’ont pas obtenu de report du service militaire après le 1er juillet 2023 et qui ne se sont pas présentés à la conscription seront désormais inéligibles aux allocations mensuelles, selon la décision du tribunal.
Ceux qui ont bénéficié d’une exemption avant cette date seront toujours éligibles, mais leurs allocations pourraient également être supprimées si le gouvernement n’adopte pas un nouveau cadre législatif leur permettant d’obtenir des exemptions de service militaire.
Des dizaines de milliers d’étudiants ultra-orthodoxes reçoivent des allocations mensuelles pour leurs études dans les yeshivot, et ces paiements sont essentiels pour les partis politiques ultra-orthodoxes.
Plus tôt jeudi, le bureau de la procureure générale avait déjà annoncé à la Haute Cour qu’à partir de lundi matin, l’État serait légalement obligé de procéder à la conscription des étudiants ultra-orthodoxes des yeshivot et qu’il n’y aurait plus de base légale permettant à l’État de leur verser une allocation mensuelle.
Cette situation juridique est à la fois radicale et dramatique, car des milliers d’étudiants haredim de yeshivot pourraient être soudainement appelés au service militaire.
La procureure générale a toutefois précisé qu’il devrait y avoir au moins une période intérimaire jusqu’à la fin de l’année académique des yeshivot au cours de laquelle les allocations des yeshivot pourraient continuer d’être payées.
Le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël a salué la position de la procureure générale, déclarant que « l’époque où certains citoyens de l’État d’Israël n’avaient que des droits et pas d’obligations est révolue ».
La position reprend pour l’essentiel les termes de la réponse sur la conscription publiée mercredi soir, dont l’adoption a été retardée au cours de la journée écoulée, le gouvernement peinant à élaborer un plan visant à augmenter la conscription dans le service militaire des ultra-orthodoxes, afin de le présenter à la Cour.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a reconnu que cet effort avait échoué lorsqu’il a écrit à la Haute Cour de Justice pour demander une prolongation de 30 jours de la date butoir.
Il s’agit de la quatrième prolongation du délai demandé par le gouvernement au cours des dernières 24 heures pour permettre à l’État de présenter sa réponse aux requêtes exigeant la conscription immédiate des étudiants ultra-orthodoxes.
Plus tôt dans la journée, l’État avait demandé une prolongation de deux heures pour indiquer à la Haute Cour comment il entendait résoudre le problème, après avoir demandé une prolongation d’une demi-journée mercredi soir. La date butoir initiale pour que l’État introduise sa réponse était le 24 mars, mais l’État avait demandé une prolongation de trois jours, que la Cour avait acceptée.
Ayant dépassé ces dates butoirs, Netanyahu a personnellement écrit une lettre à la Cour jeudi, déclarant que des « progrès considérables » avaient été accomplis dans la recherche d’une formule permettant de résoudre ce dilemme juridique et sociétal vieux de plusieurs décennies, mais que le gouvernement avait encore besoin de 30 jours pour élaborer ce plan.
Le Premier ministre a expliqué qu’en raison de la guerre en cours, son gouvernement n’avait pas pu consacrer le temps nécessaire à la recherche d’une solution à ce problème déjà ancien.
Netanyahu a ajouté que la formule en cours d’élaboration établirait « des moyens et des cadres qui permettraient à ceux qui veulent s’enrôler de préserver leur mode de vie tout au long de leur service », ajoutant notamment qu’elle « garantirait également que ceux pour qui ‘leur Torah est leur profession’ pourront étudier la Torah. »
« Pour ces raisons, je demande à l’honorable tribunal de ne pas prendre de décision sur la question de la conscription et toutes les questions connexes pour les 30 prochains jours, afin de nous permettre de formuler les accords de manière définitive et d’achever le travail des professionnels et de réglementer les pistes et les cadres nécessaires », a expliqué Netanyahu à la Haute Cour.
Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a vivement critiqué le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour sa demande de prolongation.
« Alors que le pays est en guerre, la principale préoccupation du Premier ministre ces derniers jours a été de trouver un moyen d’exempter les ultra-orthodoxes de la conscription afin d’assurer la stabilité de sa coalition », a indiqué Lapid.
Qualifiant la demande « d’insulte », Lapid a insisté sur le fait qu’il n’y avait « aucune raison d’approuver une nouvelle date butoir ».
Le parti ultra-orthodoxe israélien Yahadout HaTorah a rejeté l’ordonnance provisoire de la Haute Cour de justice supprimant les allocations de yeshivot à partir du 1er avril, la décrivant comme une guerre contre la Torah.
Dans un communiqué, le parti Yahadout HaTorah a accusé le système judiciaire de déclarer « une guerre totale » contre l’étude de la Torah.
« Comment une ordonnance provisoire peut-elle être émise en une heure, alors qu’une personne ordinaire peut attendre des années avant d’obtenir un arrêt ? », s’est interrogé le parti, qui a promis de « s’occuper des étudiants de la Torah et de l’éducation à la Torah ».
« L’ordre donné par les juges de la Cour suprême de justice, dont le but est de porter gravement atteinte à la Torah et au peuple juif ici en Terre d’Israël – l’Etat du peuple juif – est synonyme de honte et de mépris », a estimé le président de Yahadut HaTorah, Yitzhak Goldknopf.
« L’État d’Israël a ressurgi pour être le foyer du peuple juif dont la Torah est une Torah de vérité… Sans la Torah, nous n’avons pas le droit d’exister », a-t-il affirmé. « Nous nous battrons par tous les moyens pour que chaque juif ait le droit d’apprendre la Torah et nous ne ferons aucun compromis sur ce point. »
Le législateur principal de Yahadout HaTorah, Meir Porush, a également condamné le tribunal, l’accusant de prendre la « mesure sans précédent d’imposer des sanctions économiques contre ceux qui ont choisi d’étudier la Sainte Torah ».
« Cela constitue une grave violation de notre droit à exister sur la Terre d’Israël – la plus haute autorité judiciaire de l’État d’Israël cherche à jeter des érudits de la Torah en prison », a-t-il ainsi ajouté. « Nous ne tolérerons pas cette situation et nous nous battrons pour annuler immédiatement la décision, ainsi que les efforts visant à réglementer de manière expéditive le statut des membres des yeshivot afin qu’ils puissent observer la Torah sans aucune interruption. »
S’adressant au Times of Israel, le député de Yahadout HaTorah Moshe Roth déclare que si les étudiants de yeshiva sont incorporés, le parti « quittera la coalition. » « La décision », a-t-il ajouté, « relève toutefois du conseil des anciens de la Torah », qui définit la politique du parti.
L’ordonnance provisoire de la Haute Cour de Justice a été accueillie favorablement par le ministre du cabinet de guerre Benny Gantz.
Dans un tweet, l’ancien chef d’état-major de Tsahal a indiqué que « la question ne porte ni sur la Haute Cour de justice ni sur la procureure qui fait fidèlement son travail, mais sur notre besoin de soldats pendant une guerre difficile, et sur la nécessité pour que tout le monde au sein de notre société participe à l’exercice du droit de servir le pays. »
« La Haute Cour s’est prononcée sur l’évidence aujourd’hui, le temps est venu pour le gouvernement de faire ce qu’il faut. Il est temps d’agir », a-t-il ajouté.
La décision a également été saluée par la dirigeante sortante du parti Avoda, Merav Michaeli, qui a estimé qu’il s’agissait du « strict minimum, et que cela aurait dû se produire il y a bien longtemps. »
« Ce n’est vraiment pas contre les ultra-orthodoxes ni contre l’étude de la Torah », a-t-elle souligné. « C’est en faveur de la législation du pays, qui stipule que tout le monde doit servir dans l’armée des citoyens – l’un des fondements sur lesquels repose l’existence de notre pays ».