La reprise de la guerre règle les problèmes de Netanyahu. Mais qu’en est-il d’Israël ?
La coalition s'est rétablie, Ben Gvir est revenu, un chef de la sécurité gênant est sur la sellette, tout comme la procureure générale, et le système judiciaire est en danger. Pourtant, le pays est en ébullition
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

D’un seul coup, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a réglé ses problèmes personnels et politiques les plus urgents.
En donnant l’ordre de reprendre les combats contre le Hamas à Gaza, dans la nuit de lundi à mardi, il a garanti l’adhésion du parti HaTzionout HaDatit à sa coalition – alors que le chef du parti d’extrême droite, Bezalel Smotrich, avait menacé à plusieurs reprises de s’en retirer si Israël donnait son aval à la deuxième phase d’un accord cessez-le-feu contre otages, en lieu et place d’une reprise de la guerre.
Mieux encore, le deuxième parti d’extrême droite de la Knesset, Otzma Yehudit, qui avait, lui, quitté la coalition il y a de cela deux mois parce que Netanyahu avait accepté la première phase de l’accord de cessez-le-feu – en vertu duquel 33 otages, dont 25 vivants, ont pu regagner Israël – est revenu au gouvernement. Ben-Gvir, criminel récidiviste, est sur le point de reprendre les rênes du ministère de la Sécurité nationale.
Loin de faire face à une crise de coalition ou à la fin de son gouvernement s’il ne parvenait pas à adopter le budget 2025 avant le 31 mars, son gouvernement détiendra désormais 68 sièges sur les 120 que compte la Knesset et n’aura aucun problème à voter le budget dans les temps.
Le parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah, dont le chef Yitzhak Goldknopf avait promis la révolte si Netanyahu ne faisait pas adopter la loi d’exemption militaire des ultra-orthodoxes avant le vote du budget, n’a plus les cartes de la Knesset en main pour constituer une menace plausible. Pour le garder avec lui, le Premier ministre a accordé des sommes d’argent considérables à sa communauté, sans oublier les innombrables promesses d’adoption de la loi d’exemption de la conscription. Et pendant ce temps, l’armée israélienne ne parvient pas à faire venir en nombre les ultra-orthodoxes réfractaires, parce qu’elle ne bénéficie pas du soutien du gouvernement.

Netanyahu a également annoncé son intention de limoger Ronen Bar, le chef du Shin Bet, membre des autorités de la sécurité israélienne depuis 17 mois de guerre sur divers fronts, mais qui, depuis cette semaine, est présenté par le Premier ministre comme une personne en laquelle il ne peut plus avoir confiance.
Ce n’est pas une coïncidence si le Shin Bet de Bar a terminé ce mois-ci les enquêtes sur ses défaillances avant et après le 7 octobre 2023, et ce que l’on sait de leurs conclusions fait état de transactions entre le Qatar et Gaza à la demande de Netanyahu – au rythme de 30 millions de dollars en espèces chaque mois – qui ont permis au Hamas de se renforcer en vue du pogrom.
Une annexe non publiée de l’enquête du Shin Bet, intitulée « La trajectoire du 7 octobre », irait plus loin, citant des preuves du Hamas découvertes dans les tunnels de Gaza ou lors d’interrogatoires de détenus du Hamas établissant que l’argent qatari avait effectivement servi à renforcer le Hamas et que Netanyahu a maintenu cet état de fait en dépit des nombreuses mises en garde du Shin Bet au Premier ministre d’un risque imminent d’attaque du Hamas.
Ce n’est pas non plus une coïncidence si le Shin Bet de Bar, ainsi que la police israélienne, ont enquêté sur des rumeurs de relations de proches de Netanyahu avec le Qatar – l’un d’entre eux (Eli Feldstein) travaillant sous couvert d’une société étrangère engagée par Doha pour alimenter les journalistes israéliens en articles pro-Qatar et deux autres (Jonatan Urich et Yisrael Einhorn) menant une campagne de relations publiques pour redorer l’image du Qatar avant la Coupe du monde de football 2022, organisée à Doha.

Netanyahu conteste également ouvertement l’intégrité de la procureure générale Gali Baharav-Miara, dont il prétend qu’elle a donné ordre de mener les enquêtes dites du « Qatar-gate », non pas pour suspicion de comportement illicite, mais pour l’empêcher de licencier Bar, et ce, pour des motifs politiques – en faisant en sorte que le conflit d’intérêts du Premier ministre le prive de la possibilité de limoger légalement un chef du Shin Bet dont l’agence enquête sur ses propres fonctionnaires. Il s’agit là d’un argument fallacieux : en effet, l’enquête du Shin Bet et de la police sur le Qatargate se poursuivra, quel que soit le chef de l’agence. Toutefois, quelqu’un de plus docile que Bar pourrait être moins disposé à le poursuivre avec détermination.
Netanyahu n’a pas encore fait publiquement état de son intention de limoger Baharav-Miara, mais son ministre de la Justice, Yariv Levin, a initié le mouvement. Et l’ex-ministre de la Justice qui l’a nommée, Gideon Saar – ex-allié de Netanyahu devenu un de ses plus féroces critiques, devenu depuis flagorneur (et ministre des Affaires étrangères) – l’a personnellement lâchée mardi soir, comparant sa « conduite préjudiciable au gouvernement » au comportement d’un kamikaze japonais lors de la Seconde Guerre mondiale…
Selon des informations publiées mercredi après-midi, les ministres pourraient voter le limogeage de Bar jeudi et celui de Baharav-Miara dimanche.
La coalition fait par ailleurs avancer rapidement le projet de loi destiné à en finir avec l’indépendance de la justice, pour faire adopter sa refonte du processus de sélection des juges en quelques jours.
Coalition stabilisée ? C’est fait. L’idéologue d’extrême droite Ben Gvir à nouveau à la tête de la police qu’il s’était évertué à maltraiter ? C’est fait. Le chef des services de sécurité Bar, indépendant et très insistant pour que soient documentés toutes les défaillances liées au 7 octobre, sur le point de s’en aller ? C’est fait. La procureure générale Baharav-Miara, elle aussi indépendante et très peu encline à laisser le gouvernement jouer avec la loi, discréditée avant d’être destituée ? C’est fait. Le pouvoir judiciaire mis sous la botte ? En cours.
Mais quid du prix ?

Eh bien, le pays tout entier est en ébullition.
L’inquiétude porte également – avec pertinence, s’agissant de ceux qui sont appelés à aller au front – sur les raisons pour lesquelles Netanyahu a donné l’ordre de reprendre les combats, en ce moment, en plus de tout le reste.
Le retour à un conflit de haute intensité à Gaza, et la promesse de Netanyahu, mardi soir, que toute nouvelle négociation sur les otages ne se tiendrait qu’en parallèle des combats, plongent les familles d’otages et la grande partie du pays qui est à leurs côtés, dans la peur que cela ne scelle le destin de leurs proches.
Leur crainte est que les ravisseurs ne tuent ceux qui sont encore en vie, ou que l’armée israélienne le fasse par erreur, que les dépouilles ne soient jamais restituées et qu’il n’y ait pas d’accord à l’avenir.

L’élimination progressive des dissidents par le Premier ministre signifie également que la perspective de créer une commission d’enquête d’État, voulue par une écrasante majorité – pour déterminer précisément ce qui n’a pas fonctionné avant et après le 7 octobre, pour s’assurer que cela ne se reproduise pas et que les responsables soient effectivement mis face à leurs responsabilités – s’éloigne encore davantage.
Et puis il y a la question assez vaste de savoir si cette étape de la campagne militaire contre le Hamas sera plus efficace que les précédentes.
La commission des Affaires étrangères et de la Défense a été informée que le Hamas et le Jihad islamique ont renforcé leurs rangs pour réunir 30 000 hommes armés, ces dernières semaines. Ses recrues creusent des tunnels, fabriquent des armes et posent des bombes en bord de route, ses coffres gonflés par les profits de la réquisition de l’aide et des approvisionnements en carburant.
Et malgré tous les discours du président américain Donald Trump sur l’évacuation des Gazaouis et la construction d’une « Riviera » immobilière dans l’après-guerre, sur le terrain, le Hamas reste aux commandes, insensible à la perspective d’une autre gouvernance.

Netanyahu a passé des mois à dire qu’il ne pouvait accepter le principe d’un cessez-le-feu permanent en échange de la libération de tous les otages parce que la communauté internationale ne laisserait jamais Israël reprendre la guerre. Mais désormais, il a à ses côtés une administration Trump prête à le soutenir en toutes circonstances ou presque, pour parvenir à détruire le Hamas et récupérer les otages. Et pourtant, il a sabordé l’accord auquel il avait donné son aval et en vertu duquel les derniers otages vivants devaient être libérés, avant de reprendre les combats à toute force.
« Unis nous agirons, et unis nous gagnerons », a-t-il déclaré à la fin de sa brève déclaration télévisée, mardi soir.
C’est vrai de sa coalition. Mais qu’en est-il d’Israël ?
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