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La Turquie bloque le retour de l’ambassadeur néerlandais, traite Merkel de suppôt du « terrorisme »

Après avoir comparé les politiques néérlandaises et allemandes au nazisme, Erdogan est monté d'un cranc ; l'UE, les Etats-Unis et l'OTAN appellent à l'apaisement

Le président turc Recep Tayyip Erdogan à Istanbul, le 11 mars 2017. (Crédit : Ozan Kose/AFP)
Le président turc Recep Tayyip Erdogan à Istanbul, le 11 mars 2017. (Crédit : Ozan Kose/AFP)

La Turquie, furieuse de voir ses ministres privés de meetings électoraux en Europe, est montée d’un cran lundi dans sa réponse en barrant la route du retour à Ankara à l’ambassadeur néerlandais et en accusant Angela Merkel de « soutenir le terrorisme ».

Les Pays-Bas sont dans le viseur du président Recep Tayyip Erdogan après leur décision d’empêcher deux ministres turcs de participer sur le sol néerlandais à des meetings en sa faveur avec la diaspora turque, avant un référendum sur le statut présidentiel.

Après avoir qualifié de « nazis » les dirigeants néerlandais, Ankara est passé lundi soir aux mesures concrètes : la Turquie, a déclaré le vice-premier ministre, refuse le retour de l’ambassadeur Kees Cornelis van Rij « jusqu’à ce que les conditions que nous avons posées soient remplies » pour résoudre la crise diplomatique. Et Numan Kurtulmus d’annoncer la suspension des relations au plus haut niveau avec les Pays-Bas.

Face à la crise, la responsable de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a jugé « essentiel d’éviter une nouvelle escalade et de trouver les moyens de calmer la situation ». De son côté le département d’Etat américain a exhorté Ankara et La Haye à « simplement éviter l’escalade et de s’efforcer de régler la situation ».

La chancelière allemande Angela Merkel lors d’une allocution prononcée devant la coalition interparlementaire de lutte contre l’antisémitisme, le 14 mars 2016. (Crédit : capture d’écran YouTube)
La chancelière allemande Angela Merkel lors d’une allocution prononcée devant la coalition interparlementaire de lutte contre l’antisémitisme, le 14 mars 2016. (Crédit : capture d’écran YouTube)

Mais la tension a aussi grimpé avec l’Allemagne ces derniers jours, lorsque plusieurs villes allemandes ont refusé la tenue de meetings électoraux turcs.

Lundi, Erdogan s’en est pris directement à la chancelière Angela Merkel, accusée de « soutenir les terroristes ». « Mme Merkel, pourquoi cachez-vous des terroristes dans votre pays ? Pourquoi n’agissez-vous pas ? », a lancé le président turc à la télévision.

Cette diatribe était destinée à dénoncer le « soutien » qu’apporterait Berlin, selon lui, à des militants de la cause kurde et à des suspects recherchés pour le coup d’Etat manqué du 15 juillet dernier, en leur offrant refuge.

Merkel a jugé ces propos « aberrants ». « La chancelière n’a pas l’intention de participer à un concours de provocations », a déclaré son porte-parole Steffen Seibert.

Dans son allocution, Erdogan a également accusé l’Allemagne de « nazisme », une critique au soutien de Merkel à son homologue néerlandais Mark Rutte dans le bras de fer avec Ankara.

‘Désescalade’

Ankara est un partenaire indispensable de l’Union européenne (UE), notamment dans la gestion de l’afflux de migrants vers l’Europe.

Mais à la lumière de la crise actuelle, un ministre turc a évoqué lundi un « réexamen » du pacte sur la lutte contre l’immigration conclu il y a un an avec l’Europe.

« La Turquie devrait réexaminer le volet des passages terrestres », a déclaré le ministre des Affaires européennes Omer Celik, cité par l’agence progouvernementale Anadolu.

La ministre turque de la Famille, Fatma Betul Sayan Kaya, au centre, à son arrivée à l'aéroport Atatürk d'Istanbul après son expulsion des Pays-Bas, le 12 mars 2017. (Crédit : Ozan Kose/AFP)
La ministre turque de la Famille, Fatma Betul Sayan Kaya, au centre, à son arrivée à l’aéroport Atatürk d’Istanbul après son expulsion des Pays-Bas, le 12 mars 2017. (Crédit : Ozan Kose/AFP)

La crise a été déclenchée par le refus des Pays-Bas d’autoriser samedi une visite du chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu, suivi de l’expulsion de la ministre de la Famille Fatma Betül Sayan Kaya.

Ils devaient participer à des meetings pour convaincre l’importante diaspora turque de voter « oui » lors du référendum du 16 avril.

La présence d’hommes politiques turcs à de tels rassemblements a donné lieu ces dernières semaines à des passes d’armes entre Ankara et plusieurs capitales européennes.

Le chef de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a lui aussi appelé lundi la Turquie et les pays européens, tous membres de l’Alliance atlantique, à une « désescalade des tensions ».

Appels à la vigilance

Dans ce contexte extrêmement tendu, les Pays-Bas ont appelé lundi leurs ressortissants en Turquie à rester « vigilants », après un week-end marqué par des manifestations devant les représentations diplomatiques néerlandaises en Turquie.

Le ministère turc des Affaires étrangères à convoqué le chargé d’Affaires néerlandais lundi matin et lui a remis deux lettres de protestation contre « le traitement infligé aux ministres et aux citoyens turcs aux Pays-Bas ».

De l’avis de Soner Cagaptay, analyste spécialiste de la Turquie au Washington Institute, « Erdogan se cherche des ennemis étrangers imaginaires pour courtiser sa base nationaliste à l’approche du référendum. C’est aussi simple que cela et les Néerlandais sont tombés dans ce piège au lieu d’ignorer le meeting pro-Erdogan. »

« Aujourd’hui, c’est le bal des hypocrites. On prétend que les négociations d’adhésion [de la Turquie à l’UE] existent encore, mais c’est faux. Il n’y a rien de pire que la situation actuelle. Elle laisse le populisme d’Erdogan s’exprimer », estime pour sa part Didier Billon, de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris.

Cette crise survient quelques jours avant les élections législatives prévues mercredi aux Pays-Bas, où le parti du député anti-islam Geert Wilders est donné en deuxième place par les sondages.

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