L’abstention US à l’ONU et la réponse de Netanyahu reflètent une alliance en crise, une guerre ralentie
La résolution de cessez-le-feu du Conseil de sécurité va renforcer les pressions internationales sur Israël alors que le Hamas se contentera d'ignorer la demande de libération des otages
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Les États-Unis peuvent affirmer que leur décision de ne pas utiliser leur droit de veto lors du vote de la Résolution 2 728 du Conseil de sécurité des Nations unies, lundi, n’a signalé aucun changement en matière de politique. Ils peuvent dire qu’il a été conforme au soutien américain apporté « à un cessez-le-feu dans le cadre d’un accord portant sur la libération des otages » – toutefois, le texte qui a été soumis aux membres du Conseil nous dit quelque chose de différent.
La Résolution dont les États-Unis ont permis l’adoption – en s’abstenant et en renonçant à recourir à leur droit de veto – « demande un cessez-le-feu immédiat pendant le mois du ramadan qui sera respecté par toutes les parties et qui mènera, à terme, à un cessez-le-feu durable » et « demande également la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages » immédiatement après. Mais elle ne conditionne pas ces requêtes l’une à l’autre, c’est-à-dire qu’elle n’exige pas du Hamas la remise en liberté des 130 captifs qu’il détient depuis le 7 octobre pour que la demande de cessez-le-feu devienne active.
De plus, le texte lance un appel au cessez-le-feu qu’Israël, signataire de la charte de l’ONU, sera dorénavant poussé à respecter sous le poids des pressions internationales tandis que le Hamas, groupe terroriste barbare qui considère ne devoir répondre à rien d’autre qu’à son idéologie génocidaire et antisémite, pourra allègrement ignorer la requête portant sur la libération inconditionnelle des otages.
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Et en effet, le Hamas a pris soin de rapidement féliciter le Conseil de sécurité pour cette initiative et il a appelé le cessez-le-feu initial du ramadan à devenir permanent, exigeant le retrait des soldats israéliens de Gaza – ouvrant ainsi la porte à la survie du groupe terroriste et à sa revitalisation militaire. Ses enlèvements, sa détention cruels des otages, pendant des négociations interminables sur un accord de trêve, ont été à l’origine, depuis des semaines, du report d’une offensive terrestre majeure à Rafah, à l’extrémité sud de Gaza où sont encore déployés six bataillons du groupe terroriste encore intacts. Il a aujourd’hui des raisons de croire que l’offensive pourrait bien ne jamais avoir lieu.
Indépendamment de la manière dont l’administration Biden choisira de présenter sa décision, cette absence de veto constitue manifestement une détérioration supplémentaire et importante de liens qui s’effilochent entre les États-Unis et la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu – mais avec des conséquences pour la nation toute entière.
Exprimant l’animosité ressentie par l’administration à l’encontre de Netanyahu et de sa coalition d’extrême-droite, la vice-présidente Kamala Harris avait noté, il y a deux semaines, qu’il « est important pour nous de faire la distinction ou, tout du moins, de ne pas confondre gouvernement israélien et population israélienne ».
Elle avait aussi néanmoins promis de « défendre la sécurité d’Israël et de son peuple ». Le vote de lundi risque, malgré tout, d’entraîner le contraire. Diplomatiquement et potentiellement dans la pratique, il vient affaiblir les capacités d’Israël à achever le démantèlement de la machine de guerre du Hamas et il encourage les autres ennemis d’Israël.
C’était prévisible – et déplorable : la réponse apportée par Netanyahu au renoncement des États-Unis à utiliser leur droit de veto n’a fait qu’accroître les dégâts.
Ayant inéluctablement échoué à dicter son vote à l’administration américaine, il est allé au bout de son ultimatum malheureux et il a annulé le départ imminent à Washington de deux de ses proches conseillers, le ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer et le Conseiller à la Sécurité nationale Tzachi Hanegbi.
Netanyahu avait accepté d’envoyer ses représentants à Washington, DC, suite à une demande personnelle expresse qui avait été soumise par le président américain Biden lors du dernier entretien téléphonique entre les deux dirigeants, la semaine dernière. Un déplacement dont l’objectif était de débattre et de discuter de la campagne militaire programmée par l’armée israélienne à Rafah.
Les États-Unis, ouvertement furieux face au bilan humain « massif », côté palestinien, de l’offensive à Gaza, ne sont pas persuadés que Tsahal sera en mesure de mener des opérations à Rafah, où plus d’un million de Gazaouis se sont réfugiés, sans considérablement porter atteinte aux civils. Les militaires israéliens, de leur côté, sont convaincus de pouvoir évacuer les civils et de pouvoir concentrer leurs actions sur les membres du Hamas. Il semble que dans ce contexte, les États-Unis s’apprêtaient à présenter à leurs invités israéliens des idées et des plans alternatifs – il est probable que les Israéliens auraient écouté, discuté, et qu’ils auraient ramené à Jérusalem le contenu et les conclusions de ces discussions.
Tout indiquait qu’un arrangement, pour l’avenir proche, serait déterminant pour garantir que le soutien américain à la guerre continuerait, qu’il serait précieusement conservé. Mais ce dialogue n’aura pas lieu.
Netanyahu aurait pu également rappeler le ministre de la Défense Yoav Gallant qui, lundi, a commencé sa première visite aux États-Unis depuis le 7 octobre (Gallant a estimé que le vote aux Nations unies était « scandaleux »). Mais le Premier ministre a bien pu avoir conclu que Gallant ignorerait tout ordre de sa part. Au moment où il s’apprêtait à entrer à la Maison Blanche pour des entretiens, le ministre de la Défense a fait savoir qu’il n’avait reçu aucune instruction concernant un éventuel retour anticipé en Israël.
Netanyahu considère probablement que cet affrontement avec les États-Unis est la dernière preuve de sa formidable capacité, dit-il, à résister aux pressions, fussent-elles exercées par le meilleur des alliés et par sa capacité à défendre ostensiblement les intérêts d’Israël. Il peut bien croire qu’il paraît ainsi fort face à l’adversité et que cela l’aidera à sauver sa popularité, qui a été détruite par son incapacité à prévenir l’invasion horrible, par les hommes armés du Hamas, du sud d’Israël. C’est sur ce même ton qu’une « source de premier plan » qui a été citée par les médias israéliens a affirmé, lundi soir, que « la confrontation avec les États-Unis n’affaiblit pas Israël ; elle exprime de la force. Le monde, et en particulier nos ennemis, constatent qu’Israël sait comment se défendre contre toutes les pressions et ce, même au prix d’une confrontation avec le meilleur de nos amis ».
Mais comme Netanyahu l’a lui-même souligné ces derniers mois, il est vital de déjouer « les initiatives internationales entreprises à l’encontre d’Israël qui pourraient mettre en péril la continuation des combats ». Et il s’est, en effet, fréquemment enorgueilli de sa capacité à le faire.
Mais cela n’a pas été le cas lundi.
Il a aussi souvent reconnu qu’Israël ne pouvait pas continuer à combattre le Hamas à Gaza sans la délivrance constante – et cruciale – d’armements et de matériel de défense américains. Biden a d’ores et déjà laissé entendre que ces approvisionnements, dans leur totalité, n’étaient pas garantis, disant à MSNBC, il y a deux semaines, que « il n’y a pas de ligne rouge [qui] me conduirait à interrompre nos livraisons d’armes au point que les Israéliens n’aient plus le Dôme de fer [système de défense antimissile] pour les protéger » – une formulation qui, de manière frappante, ne contenait pas la promesse de continuer à fournir des armes offensives à l’armée israélienne. Ne pas envoyer Dermer et Hanegbi à Washington est loin d’être le meilleur moyen de convaincre le président de continuer à livrer les armes américaines à l’armée israélienne qui est actuellement sur le terrain à Gaza.
Benny Gantz, partenaire de Netanyahu, entré en urgence au gouvernement suite à la déclaration de guerre qui a suivi le massacre du 7 octobre, est de plus en plus mécontent. Il a déclaré, lundi soir, que Netanyahu aurait dû envoyer Dermer et Hangebi à Washington, comme c’était prévu. Il a même dit mieux : C’est Netanyahu qui, selon lui, devrait partir sans tarder aux États-Unis pour s’entretenir directement avec Biden.
Peut-être Gantz n’avait-il plus à l’esprit, à ce moment-là, que le président américain n’a encore jamais invité le Premier ministre à la Maison Blanche. Ou peut-être Gantz estime-t-il que la conversation difficile et franche que Biden avait promis à Netanyahu est devenue aujourd’hui plus urgente que jamais.
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