Lapid reproche à May Golan de politiser le ministère chargé des Droits des Femmes
La coalition promeut actuellement une loi visant à placer ce ministère sous un plus grand contrôle politique ; le chef de l'opposition s'en est pris à la ministre en titre

Le leader de l’opposition, Yair Lapid, a accusé mercredi la ministre censée renforcer le statut des femmes au sein de la société israélienne, May Golan, de porter atteinte aux droits des femmes en soutenant un projet de loi controversé destiné à réorganiser le bureau officiel national de promotion de l’égalité entre les deux sexes.
Proposée par la députée d’extrême-droite Limor Son Har-Melech, élue sous l’étiquette du parti Otzma Yehudit, la législation remplacerait l’Autorité pour la Promotion de la condition des femmes par un nouveau bureau placé directement sous l’autorité de la ministre. Pour les critiques, ce texte privera l’autorité de son indépendance, la soumettant directement aux lubies des politiciens.
S’adressant à la plénière depuis la tribune, avant la lecture de la loi, Lapid a estimé que Golan « n’a pas de limites ».
« Tous les dix jours, sous votre mandat, une femme est assassinée en Israël et c’est tout ce que vous trouvez à avancer ? », s’est insurgé Lapid. « Vous n’avez pas honte ? »
Depuis le début de l’année, au moins 17 femmes ont été tuées en Israël, selon l’Israel Women’s Network – ce qui correspond à un féminicide tous les onze jours. Selon l’Observatoire israélien des féminicides, 24 femmes « ont été assassinées parce qu’elles étaient des femmes » en 2022, ce qui a représenté une hausse de 50 % par rapport à 2021 où 16 meurtres de ce type avaient été enregistrés.
Lapid a expliqué que la coalition avait fait supprimer une clause, dans le projet de loi, qui visait à prévenir la discrimination à l’encontre des femmes. Il a accusé Golan de tenter d’utiliser l’Autorité à des fins politiques et plus précisément de l’exploiter pour s’attirer les faveurs des électeurs du Likud, en procédant elle-même à des nominations au sein de l’instance gouvernementale.

« Vous n’avez pas honte ? Nous avons besoin d’une autorité indépendante », a ajouté Lapid. « Ce projet de loi fait ce que fait ce gouvernement depuis le tout premier jour – se saisir des droits des femmes pour les supprimer et démanteler les protections qui sont apportées par l’État. »
Golan, députée du parti du Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui est connue pour ses provocations, s’est levée de son siège et a qualifié Lapid de « menteur insolent ».
« Dites-le nous, est-ce que vous avez rencontré une seule fois le président de l’Autorité chargée de la promotion des femmes pendant votre gouvernement ‘du changement’? », a répondu Golan, qui a ensuite accusé Lapid d’avoir soutenu des initiatives en faveur de la communauté arabe israélienne quand il était Premier ministre au détriment des femmes.
Après ces échanges tendus, la législation a été adoptée en première lecture. Elle devra être approuvée en deuxième lecture et en troisième lecture avant d’avoir force de loi.
Golan, dans le passé, avait été critiquée pour accorder la priorité à sa loyauté à l’égard du Likud au détriment des droits des femmes.
Au mois de mars, elle avait ainsi voté contre un projet de loi qui aurait rendu obligatoire, pour les auteurs de violence conjugale, de se soumettre à un système de suivi électronique. Les experts et les partisans de la législation affirmaient alors que ce système pourrait sauver des vies.
Après avoir bloqué la législation, Ben Gvir avait indiqué que cette dernière devait être plus équilibrée dans son approche des droits des hommes.
Le mois dernier, le ministre de la Sécurité d’extrême-droite a présenté une version amendée de la même loi qui prévoit un plus grand nombre de conditions préalables à respecter pour autoriser le suivi électronique des auteurs de violences conjugales – une version qui a été approuvée par le cabinet et qui est actuellement examinée à la Knesset.

En juillet 2021, Golan s’était opposée à un projet de loi qui aurait permis de conserver les échantillons médico-légaux prélevés sur les victimes de crime sexuel pendant une durée indéterminée. L’objectif de ce texte était d’aider les victimes en leur permettant de fournir des éléments de preuve susceptibles de servir dans le cadre d’un procès.
La commission des Lois a approuvé le projet de loi sur l’Autorité pour la Promotion des Femmes dans la journée de dimanche.
Les députés de l’opposition et les groupes de défense des droits des femmes les plus importants d’Israël ont fustigé le texte, déplorant qu’il mettrait un terme à 25 années de fonctionnement indépendant du bureau actuel et qu’il créerait une instance subordonnée à la coalition au pouvoir.
Selon les dispositions de la nouvelle législation, un nouvel organisme portant le même nom d’Autorité pour la Promotion du statut des Femmes en Israël, sera créé. Son budget et ses politiques seront contrôlés par la ministre de la Promotion du statut des femmes et par les dirigeants politiques, qui pourront nommer – ou limoger – son directeur, a rapporté le site d’information Walla.
Le projet de loi prévoit également la création d’un comité consultatif qui agira auprès de la nouvelle autorité et qui sera composé de personnes nommées par les ministres du gouvernement. Le président du comité sera choisi par la ministre chargée de la promotion des femmes et non par le responsable de l’Autorité, selon Walla.
Le groupe de défense des droits des femmes, Israel Women’s Network, a critiqué le projet de loi.
« Il est impensable que des outils statutaires qui font, depuis de nombreuses années, leurs preuves s’agissant de réduire les écarts entre les deux sexes, et qui ont été fondés sur les recommandations faites par la Commission internationale pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes, soient absolument subordonnés à la politique de la hiérarchie politique – sans octroyer aucune autorité ni influence réelle aux positionnements qui sont ceux des femmes et des spécialistes du sujet », a déclaré Israel Women’s Network dans un communiqué.
Le groupe a déclaré que la loi « nuira gravement à l’amélioration du statut des femmes en Israël ».
L’Autorité existante avait été créée suite à l’adoption d’une loi en tant qu’organisme professionnel en 1998. Il y a trois mois, elle a été transférée du ministère de l’Égalité au nouveau ministère de Golan.
Golan avait rapidement évincé la directrice de l’Autorité chargée de la promotion des femmes, Ayelet Razin Bet Or, ce qui avait soulevé des critiques de la part des militantes des droits des femmes.