L’armée ne peut (ou ne veut) pas empêcher les attaques des habitants des implantations
Les soldats sont autorisés à détenir des suspects israéliens, mais l'armée préfère laisser la police, dont les effectifs sont très limités en Cisjordanie, s'en occuper
La fameuse formule employée par l’armée israélienne, « Ce n’est pas que vous ne pouvez pas, c’est que vous ne voulez pas », semble parfaitement illustrer la réaction de l’armée israélienne, qui n’a pas réussi à empêcher les saccages et les émeutes perpétrés dans plusieurs villes et villages arabes par des résidents d’implantations violents.
Ces dernières années, il y a eu de nombreux cas répertoriés de soldats de Tsahal assistant sans réagir aux attaques de résidents d’implantations contre des Palestiniens. Dans certains cas, comme ce fut le cas lors des derniers évènements, les soldats de Tsahal n’étaient même pas présents ; ils ne sont arrivés qu’après coup et se sont heurtés à la population palestinienne locale.
Les soldats sont autorisés, voire tenus dans certains cas, d’intervenir pour empêcher des attaques violentes, quelle que soit la nationalité de l’agresseur. L’armée préfère généralement laisser la police s’occuper des attaques et des arrestations des habitants des implantations, mais les forces de police sont extrêmement sollicitées en Cisjordanie.
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Tsahal a dit avoir « échoué » à mettre fin aux dernières émeutes organisées par les habitants des implantations, et dans une déclaration commune samedi soir, le chef militaire, le lieutenant-général Herzi Halevi, le chef du Shin Bet, Ronen Bar, et le chef de la police, Kobi Shabtai, ont déclaré qu’ils allaient consacrer davantage de forces à la lutte contre ce qu’ils ont qualifié de « terrorisme nationaliste au sens le plus large du terme ».
Dans le sillage d’une fusillade meurtrière près de l’implantation d’Eli mardi, des centaines d’habitants des implantations se sont déchaînés pendant plusieurs jours à l’intérieur de villes et de villages palestiniens, incendiant des maisons, des voitures, et tirant parfois des coups de feu. Un Palestinien de 27 ans a été tué mercredi dans des circonstances indéterminées.
L’armée israélienne a déclaré que des troupes et des agents de la Police des frontières avaient été dépêchés sur les lieux pour désamorcer les « frictions violentes » entre les résidents d’implantations et les Palestiniens. Les Palestiniens se plaignent toutefois que les mesures anti-émeutes ne sont utilisées que contre eux et pas contre les assaillants israéliens.
Un général réserviste, ancien responsable de l’armée israélienne en Cisjordanie, a confié au Times of Israel que la raison pour laquelle l’armée n’a pas réussi à empêcher les attaques perpétrées par les résidents d’implantations était dû à un manque de motivation, plutôt qu’à un prétendu problème d’effectifs limités.
« Le problème de Tsahal n’est pas qu’il ne peut pas, c’est qu’il ne veut pas s’en occuper », a-t-il affirmé sous le couvert de l’anonymat.
Il s’est dit « déçu » par la réponse inadéquate de l’armée aux attaques des habitants d’implantations.
Pour compliquer la tâche de Tsahal, certains soldats servant en Cisjordanie vivent eux-mêmes dans les implantations voisines, d’autres sont des amis des résidents d’implantations qui commettent les attaques, ou bien ils sont eux-mêmes soldats, en permission, et se joignent aux assaillants.
Dvir Kariv, qui a été agent de la division juive du Shin Bet de 1994 à 2012, estime que les soldats qui vivent et servent en Cisjordanie devraient être capables de maîtriser les violences commises par les habitants des implantations.
« L’armée a des procédures claires qui doivent être appliquées par les soldats. D’une manière générale, l’armée exerce un contrôle étroit sur ses soldats et ceux-ci font ce qu’on leur dit de faire », a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphonique avec le Times of Israel.
Il a ajouté qu’il y avait eu de rares cas de soldats de Tsahal qui, alors qu’ils n’étaient pas en service, avaient participé activement à des attaques contre des Palestiniens, comme ce fut le cas cette semaine, ou d’autres cas encore où des soldats servant en Cisjordanie avaient informé des habitants d’implantations extrémistes sur les activités militaires afin de faciliter les attaques contre les Palestiniens.
Les officiers de Tsahal, quant à eux, semblent craindre pour leur carrière au sein de l’armée et ne veulent pas être ceux par qui changeront la politique tacite de ne pas utiliser les mêmes règles d’engagement contre les assaillants israéliens que celles utilisées contre les Palestiniens.
Selon l’officier haut-gradé, les attaques des habitants d’implantations « doivent être définies comme des actes de terrorisme et les procédures de tir ouvert doivent être actualisées », mais il a précisé que ce serait pratiquement impossible à mettre en œuvre. « Les soldats n’en sont pas capables ».
Le manque de motivation au sein de l’armée pour faire face à la violence des habitants des implantations touche également le temps de réponse pour atteindre les villes palestiniennes qui sont attaquées.
La mission principale de Tsahal en Cisjordanie est de lutter contre le terrorisme palestinien et de protéger les implantations israéliennes. Les troupes de Tsahal ne sont généralement pas stationnées à l’extérieur des villes et villages palestiniens pour les protéger des Israéliens violents.
Lorsqu’un groupe d’habitants des implantations pénètre dans une ville, comme cela a été le cas ces derniers jours, il faut souvent un certain temps aux forces israéliennes pour arriver. À leur arrivée, les habitants d’implantations s’enfuient généralement laissant les troupes face à la population palestinienne locale.
Selon d’anciens responsables de l’armée et du Shin Bet, l’armée ne manque pas de renseignements sur les attaques planifiées par les habitants des implantations contre les Palestiniens, mais elle a identifié le problème des émeutes spontanées à grande échelle.
« Quatre Israéliens ont été assassinés, il y a eu des funérailles, les gens étaient en colère, et quand les gens sont en colère, ils répondent par la colère. La question n’est pas de savoir si le Shin Bet dispose d’informations ou non. Des centaines de personnes qui quittent leur maison [pour mener des attaques], ce n’est pas une information relevant du renseignement, c’est l’atmosphère générale », a déclaré Kariv.
Selon Kariv, le meilleur moyen d’empêcher les attaques des habitants des implantations serait de voir les dirigeants et les responsables des communautés condamner ces incidents et appeler au calme, afin de tempérer les tensions exacerbées par l’attaque meurtrière d’un Palestinien contre des habitants d’une implantation.
« Si le ministre des Finances, Betzalel Smotrich, ou le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, avaient dit, immédiatement après les funérailles ou les meurtres, qu’il ne fallait pas faire justice soi-même, cela aurait calmé l’atmosphère », a-t-il déclaré. « Mais dans la pratique, non seulement ils n’ont pas condamné les émeutes, mais ils les ont approuvées ».
Dans une référence voilée aux législateurs de droite, la déclaration commune des chefs de la Défense note également : « Nous appelons également les dirigeants des implantations, les éducateurs et les responsables publics, à dénoncer officiellement ces actes de violence et à se joindre à la lutte contre eux. »
Tsahal a déclaré dimanche qu’elle déployait des forces supplémentaires en Cisjordanie pour déjouer toute nouvelle attaque potentielle de résidents d’implantations contre des Palestiniens.
Certains se montrent toutefois prudemment pessimistes quant à ce déploiement, estimant qu’il est peu probable qu’il ait l’effet escompté.
Kariv a déclaré que les attaques contre les Palestiniens ne cesseraient que lorsque les membres de la coalition d’extrême droite condamneraient les résidents d’implantations violentes, « le jour où il y aura un mort ».
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