Pour l’extrême-droite, les attaques des extrémistes juifs ne sont pas du terrorisme
Pour Smotrich mettre sur le même plan des attentats palestiniens et les actions violentes des résidents d'implantation contre les civils palestiniens est inacceptable
Les députés d’extrême-droite et de hauts-responsables du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont rejeté les vives critiques des militaires et de l’establishment de la Défense, samedi, des critiques qui ont dénoncé les partisans du mouvement pro-implantation qui se sont livrés à des déchaînements de violences dans les villes palestiniennes, ces derniers jours, dans le cadre d’attaques de représailles contre des civils palestiniens suite à une attaque à l’arme à feu palestinienne qui avait été commise mardi.
Les chefs de l’armée, du Shin Bet et de la police avaient émis un communiqué conjoint, samedi matin, condamnant les attaques perpétrées par les partisans du mouvement pro-implantation qui se succèdent en Cisjordanie, dénonçant « un terrorisme nationaliste dans le sens plein et entier du terme ».
Ce sont des centaines de résidents d’implantation qui ont pris part à ces attaques depuis mardi – quatre Israéliens avaient alors été abattus dans une station-service, un attentat qui avait été mené par des hommes armés affiliés au groupe terroriste palestinien du Hamas aux abords de l’implantation d’Eli.
Samedi soir, le ministre des Finances Bezalel Smotrich, à la tête du parti Hatzionout HaDatit d’extrême-droite et le ministre d’extrême droite de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, d’Otzma Yehudit, ont vivement recommandé à l’armée et aux forces de sécurité de répondre avec plus de force au terrorisme palestinien, semblant suggérer que ces dernières avaient la main plus lourde avec les partisans du mouvement pro-implantation qu’avec les terroristes.
« La tentative visant à mettre sur le même plan le terrorisme arabe meurtrier et des actions contre les civils, indépendamment de leur niveau de gravité, est moralement une mauvaise chose et elle est dangereuse en pratique », a estimé Smotrich sur Twitter.
« L’armée et les forces de sécurité doivent faire preuve de plus de fermeté contre le terrorisme et contre les émeutes arabes », a continué Smotrich dans un autre post. « Nous ne pouvons pas accepter une réalité où les résidents d’implantation ont le sentiment d’être des cibles faciles sur les routes et autour des implantations, chaque jour, une réalité où ils comptent leurs morts ».
Smotrich a dénoncé le recours à la détention administrative pour les suspects juifs d’extrême droite et a affirmé que les forces de sécurité appliquaient une « punition collective » à Ateret à la suite d’une attaque menée plus tôt samedi dans le village palestinien d’Umm Safa, se référant à des informations faisant état de contrôles à l’entrée de l’implantation.
« Mais même dans cette situation complexe, faire justice soi-même est mauvais, préjudiciable et peut conduire à une perte de contrôle et à une dangereuse anarchie », a déclaré Smotrich, appelant « chacun à s’abstenir d’actes qui nuisent aux implantations ».
Le ministre de l’Énergie, Israel Katz (Likud), a déclaré qu’ « il ne peut y avoir de comparaison, le terrorisme est le terrorisme que les Palestiniens perpètrent contre les Juifs, les soldats et les innocents ».
De son côté, Ben Gvir, qui a exhorté vendredi les résidents juifs des implantations à « se diriger vers les sommets des collines » pour établir et étendre des avant-postes illégaux en réponse au terrorisme palestinien, a déclaré que « même en ces temps difficiles, quand le sang bouillonne, vous ne devez pas prendre la loi entre vos mains. »
Ben Gvir a déclaré que la police devait faire appliquer la loi de manière égalitaire entre les communautés sans « choisir » où le faire.
Le ministre d’extrême-droite a estimé qu’il était inacceptable que la mise en détention administrative, par exemple, ne soit « utilisée que contre les partisans du mouvement pro-implantation et non contre les criminels dans la société arabe ».
Ben Gvir, qui a mené une carrière d’avocat en défendant des individus soupçonnés de terrorisme juif, prône avec force la mise en vigueur de la pratique controversée de la détention administrative dans le cadre de la lutte contre une vague criminelle meurtrière qui balaie la communauté arabe dans tout Israël et qui a fait plus d’une centaine de morts depuis le début de l’année 2023. Cette pratique, utilisée par le ministre de la Défense contre les terroristes présumés, permet un emprisonnement sans mise en examen préalable et sans procès pour six mois d’affilée. Elle est renouvelable indéfiniment et permet aux procureurs militaires de ne pas devoir présenter les éléments de preuve qu’ils ont en leur possession aux individus mis en cause.
Dimanche dernier, Ben Gvir a ordonné à la police de mener une enquête sur les « punitions collectives » dans l’implantation d’Ateret en Cisjordanie.
Dans un communiqué, il a déclaré qu’il avait demandé une explication sur la raison pour laquelle la porte d’Ateret était bloquée, et les personnes entrant et sortant de l’implantation devaient subir des inspections. En outre, il a déclaré que la police devait expliquer pourquoi un homme avait subi des coups de Taser des forces spéciales.
« Ben Gvir a clairement indiqué hier soir lors d’une conversation avec le chef de police [Kobi] Shabtaï et le commandant régional qu’il s’oppose à toute violation de la loi. Mais en même temps, il est interdit de punir toute une communauté », lit-on dans le communiqué.
Dans un communiqué, la direction d’Ateret a déclaré que les personnes impliquées dans les violences n’étaient pas des résidents, mais que certaines s’étaient échappées dans la communauté après l’attaque contre Umm Safa, lorsque la police est arrivée sur les lieux.
« Afin de les localiser, les commandants de l’armée ont décidé de vérifier l’entrée et la sortie de l’implantation afin d’en identifier le plus grand nombre possible », indique le communiqué.
L’implantation a déclaré que la porte de la communauté n’était actuellement pas bloquée par l’armée, mais à la place « des personnes venues de l’extérieur de l’implantation bloquent maintenant la sortie pour empêcher l’armée de prendre des véhicules qui ont été utilisés par ceux qui sont arrivés le Shabbat ».
Les forces de l’ordre et le Shin Bet ont averti qu’ils ne disposaient pas de l’autorité légale nécessaire pour employer des outils utilisés dans un contexte de lutte contre le terrorisme palestinien, un terrorisme qui vise des civils.
Ben Gvir a aussi raillé la police pour avoir, selon lui, « cédé aux violences » des membres de la communauté druze qui ont affronté les policiers, la semaine dernière, alors qu’ils manifestaient contre la construction d’éoliennes sur le plateau du Golan. Au moins quatre druzes ont été grièvement blessés et 12 policiers ont, eux aussi, été blessés lors de ces échauffourées massives de mercredi.
Ben Gvir a adopté une approche dure contre les manifestations des Druzes et il s’est engagé à poursuivre les travaux entamés.
La police, a indiqué Ben Gvir samedi, « ne peut pas céder aux violences des Druzes d’un côté et traiter d’une main de fer les partisans du mouvement pro-implantation ».
« Quand certains Druzes, qui ne représentent pas la communauté toute entière, ont utilisé des violences graves et ouvertes contre les policiers israéliens – qui ont bénéficié de mon soutien dans l’incident – il a été décidé de se retirer contre mon avis », a noté Ben Gvir en évoquant les émeutes survenues mercredi sur le plateau du Golan.
« Sur l’autoroute Ayalon, des centaines de personnes se livrent à des émeutes » et la police affiche de la tolérance, a ajouté le ministre d’extrême-droite en faisant référence aux manifestations hebdomadaires qui ont lieu tous les samedis, dans la soirée, qui dénoncent le plan de refonte du système judiciaire israélien, un mouvement de protestation qui est dans sa 25e semaine.
« De l’autre côté, contre les partisans du mouvement pro-implantation, la population qui apporte la plus grande contribution à l’armée et au pays, des sanctions collectives d’une grande sévérité sont appliquées, ce qui est inacceptable », a-t-il poursuivi.
La députée d’Otzma Yehudit, Limor Son Har Melech, a également pris pour cible l’establishment de la sécurité samedi, tweetant que « manger du houmous et faire le plein de la voiture en toute sécurité » comme le faisaient les victimes de l’attaque terroriste de mardi, était « un droit fondamental pour chaque citoyen ». « Si l’establishment de la sécurité est incapable de fournir cette protection de base, alors nous verrons [se développer] le phénomène de citoyens qui choisissent de protéger leur vie », a-t-elle déclaré.
Depuis mardi, des partisans du mouvement pro-implantation ont mis le feu à des voitures et à des habitations dans les villes palestiniennes. Des livres ont été déchirés dans une mosquée et dans certains cas, les extrémistes ont ouvert le feu sur les Palestiniens, des attaques « de terrorisme nationaliste au sens propre du terme », ont déclaré Herzi Halevi, chef d’état-major de Tsahal, Ronen Bar, qui dirige le Shin Bet et Kobi Shabtai, le commissaire de police, dans un communiqué conjoint qui a été émis samedi.
Samedi dans la matinée, des dizaines de résidents d’implantation étaient entrés dans le village d’Umm-Safa, incendiant des voitures et des maisons et ouvrant le feu au cinquième jour consécutif des attaques des justiciers extrémistes.
Quatre suspects, dont un soldat en permission, avaient été placés en détention suite à ce déchaînement de violences, samedi.
Vendredi, la police avait indiqué avoir arrêté quatre personnes en lien avec ces attaques de représailles qui avaient eu lieu au début de la semaine, sans donner de détails supplémentaires.
Quelques heures après l’attentat terroriste de mardi qui avait été commis aux abords de l’implantation d’Eli, un nombre indéterminé de membres du mouvement pro-implantation s’étaient livrés à un déchaînement de violences dans plusieurs villes palestiniennes du nord de la Cisjordanie, notamment à Huwara, qui avait essuyé des violences meurtrières des extrémistes juifs au début de l’année, là encore dans le sillage d’un attentat terroriste.
Mercredi, des centaines de résidents d’implantation s’étaient aussi livrés à un saccage qui avait eu lieu dans les villes palestiniennes de Turmus Ayya et d’Urif — peu après les funérailles des victimes de l’attentat de la veille. Ils avaient ouvert le feu sur les résidents, les terrorisant et incendiant habitations, voitures et champs. Un Palestinien – Omar Qattin, 27 ans — avait été tué dans des circonstances indéterminées à Turmus Ayya.
Les suspects placés en détention ont été interrogés par l’agence de sécurité du Shin Bet. Selon le groupe d’aide juridique de droite Honenu, les quatre principaux suspects n’ont pas pu rencontrer un avocat.