L’Autriche garde en prison un historien juif malgré des preuves qui l’innocenteraient
Stephan Templ a été emprisonné pour demande frauduleuse de restitution de bien de l’Holocauste, mais le dossier gardé par l’Etat montre qu’il n’a rien fait de mal, selon le Guardian
L’historien autrichien juif, Stephan Templ, purge une peine d’un an pour avoir fraudé le gouvernement de son pays dans une affaire de restitution, malgré la découverte de nouvelles preuves qui réfuteraient les accusations de fraude pour lesquelles il a été condamné.
Templ, 55 ans, est l’auteur de Unser Wien (Notre Vienne), un livre détaillant tous les biens immobiliers de la capitale qui ont été confisqués à des juifs dans les jours et les mois précédant l’Holocauste et qui n’ont jamais été rendus à leurs propriétaires. Il a été un critique important du comportement de Vienne pendant l’Holocauste.
Templ est lui-même un prétendant indirect au Fuerth, un immeuble qui appartenait à ses ancêtres et qui a été confisqué en 1938. Il a été condamné par l’Autriche pour avoir induit en erreur les autorités en ne dévoilant pas l’existence d’une tante séparée quand il a candidaté, au nom de sa mère Hélène, 80 ans, pour le retour de l’immeuble, et est emprisonné pour ce délit depuis octobre dernier. La peine initiale de trois ans a été réduite à un an en appel.
La tante, Elisabeth Kretschamr, qui aurait été éligible pour recevoir un douzième de la propriété de l’immeuble, qui serait à son tour revenu à l’Etat s’il avait connu son existence, ont accusé les autorités autrichiennes dans l’affaire contre Templ.
Selon un article du Guardian de samedi, les papiers retrouvés dans les bureaux de l’Etat qui s’occupent de faciliter le retour des propriétés aux héritiers et à leurs descendants montrent que les autorités avaient en fait été informées en 2003 de l’existence de Kretschmar par Templ.
Les documents remplis par Templ dans sa demande restitution ont été trouvés dans les bureaux du fond général de règlements situé à Vienne par l’équipe juridique de Templ le 22 décembre, trois ans après qu’ils aient demandé à les voir pour la première fois, a rapporté le Guardian.
Templ avait noté le nom et l’adresse de sa tante sur le formulaire de candidature six fois au total.
Malgré cela, les représentants de l’organisation de restitution autrichienne ont témoigné pendant le procès de Templ, déclarant qu’ils ne connaissaient pas l’existence de Kretschmar. Le juge a estimé que Templ avait délibérément retenu cette information sur elle, et l’a accusé de « nuire à la République d’Autriche ».
Templ a déclaré au Guardian : « L’inculpation est ruinée, donc je ne comprends pas pourquoi ils ne me libèrent pas. A part le fait qu’ils n’auraient jamais dû mettre en prison la victime de vol [de propriété] derrière les barreaux en premier lieu, cela fait maintenant six semaines que cette nouvelle preuve a été mise en lumière, et les autorités ne font rien. C’est une preuve supplémentaire de la farce qu’est toute cette affaire, comme je l’ai dit depuis le début. »
Robert Amsterdam, l’avocat de Templ, a déclaré au Guardian : « Après des démentis et des refus répétés, l’équipe juridique de M. Templ a finalement eu accès aux documents qui prouvent de façon probante que les autorités autrichiennes connaissaient l’existence de sa tante […]. Il est scandaleux pour l’Autriche d’affirmer que Templ a dissimulé l’existence de sa tante quand son nom est mentionné six fois dans les documents qu’il a soumis à la commission. »
« Depuis le premier regard sur cette affaire, nous avons pensé que c’était politique, et n’avait rien à voir avec la loi ou un sens de la justice, mais tout à faire avec la singularisation d’un fauteur de troubles juif, a déclaré Amsterdam. Toute cette affaire est fondée sur une fiction juridique – l’État n’a jamais subi de nuisances et c’est une obscénité historique absolue pour l’Autriche d’affirmer que c’est le cas. »
L’historien Efraim Zuroff, connu pour ses efforts à faire comparaitre les criminels nazis devant les tribunaux de justice, a déclaré l’année dernière à la BBC que l’emprisonnement de Templ était « absolument scandaleux ». Zuroff était l’un des 75 historiens de l’Holocauste qui ont protesté contre son jugement.
« La décision du gouvernement autrichien d’intervenir en poursuivant et en emprisonnant M. Templ sera vue comme une réaction exagérée extrême au livre important de M. Templ », ont-ils écrit dans une lettre envoyée à l’ambassadeur autrichien à Washington, Hans Peter Manz.
Le bâtiment Fuerth était un sanatorium possédé par des membres de la famille de Templ, Lothar Fuerth et sa femme, a rapporté la BBC l’année dernière. « Quand l’Autriche a été annexée par l’Allemagne nazie en 1938, Lothar Fuerth a été forcé de nettoyer le trottoir devant l’hôpital avec des brosses à dents dans le cadre de la persécution de masse des juifs de Vienne, a rapporté la BBC. Le couple est ensuite rentré dans le bâtiment et s’est suicidé. »
Un porte-parole du fond général de règlements a démenti que l’organisation ait connu l’existence de la tante de Templ. Le ministère de la Justice autrichien n’a pas souhaité répondre aux demandes répétées de commentaires par le quotidien britannique.