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Analyse

L’axe iranien tente sa chance contre Israël et les Etats-Unis

Téhéran, le Hezbollah et Damas saluent une "nouvelle ère" avec la chute du F-16 israélien, mais une sévère riposte pourrait les amener à y réfléchir à deux fois à l'avenir

Avi Issacharoff

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Des militants du Hezbollah se rassemblent dans la zone de Fatima's Gate à Kfar Kila, à la frontière libanaise avec Israël, le 10 février 2018, pour célébrer le crash d'un avion à réaction israélien et dénoncer les attaques israéliennes contre la Syrie. (AFP PHOTO / Ali DIA)
Des militants du Hezbollah se rassemblent dans la zone de Fatima's Gate à Kfar Kila, à la frontière libanaise avec Israël, le 10 février 2018, pour célébrer le crash d'un avion à réaction israélien et dénoncer les attaques israéliennes contre la Syrie. (AFP PHOTO / Ali DIA)

Depuis samedi matin, les autorités syriennes et iraniennes multiplient les manifestations de joie suite au crash d’un chasseur israélien de type F-16 par les défenses aériennes syriennes.

A Damas, les habitants ont distribué des bonbons aux passants. Les internautes sur les réseaux sociaux ont partagé des caricatures montrant un avion israélien frappé par des missiles syriens, tandis qu’à Damas, Téhéran et même Gaza, il y a eu des déclarations parlant de « changement stratégique dans la région » et de « nouvelle équation ».

En effet, ce fut une victoire symbolique pour l' »axe chiite » dirigé par les Iraniens, avec ses alliés, la Syrie et le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, qui ont réussi là où personne d’autre n’a réussi depuis la Première guerre du Liban en 1982.

L’Iran déclare d’ores et déjà qu’il n’autorisera plus aucune action israélienne violant la souveraineté de la Syrie, et Téhéran et ses alliés peuvent paraître triomphants, en particulier parmi leurs populations déjà anti-israéliennes.

Mais Israël peut également déclarer victoire, l’armée israélienne affirmant que ses frappes contre les cibles en Syrie ont été « les plus importantes et les plus significatives » depuis 1982.

Ces positions respectives expliquent peut-être le calme relatif qui règne depuis les représailles israéliennes de samedi matin.

Une photo prise le 10 février 2018 montre les restes d’un missile syrien qui a atterri dans le nord d’Israël (Crédit : AFP Photo/Jack Guez)

La principale leçon à tirer de l’escalade n’est cependant pas les points marqués à domicile par les deux parties, mais ce que cela signifie pour la dissuasion israélienne, ainsi que pour l’Iran et la Syrie.

L’Iran et son mandataire, le Hezbollah, ont déjà déclaré que la chute de l’avion marque la « fin de l’ère de l’agression israélienne en Syrie ».

Il est toutefois peu probable que cela se produise, car Israël continuera probablement de frapper en Syrie, alors que l’Iran continue d’essayer de transférer des armes sophistiquées au Hezbollah et à d’autres groupes chiites, ainsi que de mettre en place des usines de missiles perfectionnés et de consolider sa présence militaire en Syrie.

Le commandant des forces Al-Qods des Gardiens de la Révolution islamique, Qassem Soleimani (Crédit : YouTube/BBC Newsnight)

Et les Iraniens ? La Force Quds du Corps des Gardiens de la Révolution iranienne, dirigée par le tristement célèbre général Qassem Soleimani, ne cessera pas son enracinement militaire en Syrie. Soleimani, qui s’enorgueillit de ses victoires au Yémen, en Irak et en Syrie, fera probablement le contraire et continuera comme prévu.

Le drone iranien qui a pénétré dans l’espace aérien israélien, déclenchant l’échange de tirs du matin, a été lancé depuis la base aérienne militaire T-4, près de l’ancienne ville abandonnée de Palmyre. La base avait été aux mains du groupe terroriste de l’État islamique, mais reprise avec l’aide de la Force Quds.

Après avoir décollé en Syrie, le drone high-tech a survolé la Jordanie, avant d’entrer dans l’espace aérien israélien, où il est resté pendant une minute et demie avant d’être abattu, ce qui montre que l’audace de l’Iran est à son plus haut niveau.

Cependant, Téhéran devrait y réfléchir à deux fois avant de refaire voler un drone iranien au-dessus d’Israël, à la lumière du prix de la réponse d’Israël sur les défenses aériennes syriennes.

L’escalade de samedi a eu lieu au moment où la Syrie et l’Iran sont engagés dans des combats acharnés contre les groupes rebelles dans la province septentrionale d’Idlib et les banlieues de Damas.

A ce stade, on ne peut qu’espérer que l’Iran comprendra qu’un conflit militaire avec Israël serait trop lourd à supporter.

Qu’est-ce qui a motivé l’Iran à faire voler un drone dans l’espace aérien israélien ?

Avec sa victoire sur la sécurité israélienne et le désintérêt des Américains ou des Russes pour son renforcement militaire en Syrie, Téhéran est peut-être devenu trop confiant, croyant qu’il pouvait faire voler un drone dans le ciel israélien sans qu’Israël s’en aperçoive, ou que toute réponse serait limitée.

Les débris du drone iranien abattu par les forces aériennes israéliennes après avoir pénétré dans l’espace aérien israélien le 10 février 2018. (Forces de défense israéliennes)

Le drone iranien était un modèle « low signature », ce qui signifie qu’il est difficile à capter par les radars, et la capacité d’Israël à détecter le drone a été un témoignage du succès des défenses aériennes de Tsahal.

Apparemment, c’est en raison d’une erreur de jugement ou d’un malentendu sur la position israélienne et l’étendue des capacités de renseignement d’Israël en Syrie, que les Iraniens ont pris cette initiative.

Cet aveuglement, ou hubris, a également été le principal facteur qui a motivé la décision de l’armée syrienne de planifier une attaque à grande échelle contre les forces démocratiques syriennes – composées de combattants kurdes et syriens soutenus par les États-Unis dans l’est de la Syrie.

Quelle qu’en soit la raison, la Syrie pensait qu’une telle attaque contre les forces alliées des États-Unis ne susciterait pas une réponse forte. Les États-Unis, qui étaient au courant avant l’attaque prévue, ont lancé une attaque préventive contre les forces syriennes, contrecarrant l’offensive et tuant plus de 100 combattants soutenus par les Syriens.

Tout cela montre que la victoire contre Israël est montée à la tête de l’Iran et de la Syrie. On ne peut qu’espérer que malgré avoir réussi à abattre un F-16, la réponse israélienne parviendra à calmer l’axe chiite dirigé par l’Iran et à le ramener sur terre.

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