Le 4 octobre, un ex-responsable du Shin Bet disait que l’agence savait ce qui se passait à Gaza
La Douzième chaine a diffusé hier cet interview inédit du 4 octobre, avec un nouveau témoignage de cet ex-dirigeant du Shin Bet qui explique les failles de la sécurité israélienne

Un ancien chef des services technologiques du Shin Bet avait déclaré, lors d’une interview accordée le 4 octobre 2023 – soit trois jours avant l’invasion par le Hamas du sud d’Israël – que l’agence de renseignement savait « globalement tout » ce que faisait le Hamas à Gaza.
Vieille de près de six mois, l’interview de Sasi Eliya a finalement été diffusée par la Douzième chaîne, qui avait prévu de la rendre publique dans la soirée du samedi 7 octobre mais qui l’avait mise de côté suite au massacre qui a touché le sud d’Israël.
La chaîne a donc diffusé cette interview hier soir, accompagnée d’une autre, plus brève et plus récente, avec Eliya – dans laquelle il reconnaît avoir lui aussi cru que le Hamas ne préparait pas d’attaque majeure contre Israël.
Lauréat de deux distinctions israéliennes pour sa contribution apportée à la sécurité, il avait démissionné de son poste au Shin Bet il y a de cela trois ans, a rappelé la Douzième chaîne, précisant qu’il avait avant cela supervisé le développement des capacités SIGINT (renseignements d’origine électromagnétique) du Shin Bet à Gaza, conçues pour s’assurer que l’agence reste au fait de ce qui se passe dans l’enclave dirigée par le Hamas.
Sur fond d’images de l’invasion du 7 octobre, la chaîne a repassé des images de l’interview du 4 octobre dans laquelle le journaliste demande à Eliya s’il sait « tout sur eux » – ce à quoi il répond : « Globalement, oui. Je ne sais pas tout. Le Shin Bet sait tout. »
Il ajoute que le réseau du Shin Bet chargé de la surveillance de Gaza suivait les transmissions sans limitation de capacités, « à partir de n’importe quel capteur » et sonnait l’alerte « sur les sujets inquiétants ».
Évoquant l’existence d’un réseau similaire en Cisjordanie, il explique : « À ma connaissance, cela a toujours permis de retrouver un attaquant ou le cerveau d’un attentat terroriste. »
En réponse à une question, Eliya déclare que si le Shin Bet avait bénéficié, à l’époque, de « cette infrastructure, ces connaissances et cette expérience », il aurait sans doute pu empêcher l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995.
Le reportage évoque le témoignage d’autres experts du renseignement pour lesquels la collecte de renseignements humains à Gaza s’est complexifiée au fil du temps, le Hamas, de plus en plus difficile à approcher, ayant tué de présumés collaborateurs d’Israël.
Toujours selon le reportage télévisé, les difficultés ont culminé en 2009 : les services de renseignement de Tsahal ont fermé l’unité de recrutement de sources à Gaza et le Mossad – l’agence de sécurité extérieure d’Israël – a été empêché de recruter à Gaza, à la fois par le Shin Bet et par les services de renseignement de Tsahal.
Le reportage affirme que c’est l’échec d’une opération de renseignement de Tsahal sur le territoire de Gaza, en 2018, qui a accentué la dépendance à l’égard des renseignements électroniques et technologiques au détriment des renseignements humains.
Selon des témoignages d’experts du renseignement repris par la chaîne, le Hamas a amélioré ses capacités et notamment celle de maintenir les services de sécurité israéliens dans l’ignorance – sans qu’Israël n’en ait conscience – avec des conséquences catastrophiques, illustrées par le massacre du 7 octobre.

Dans l’interview la plus récente, Eliya indique que les services de renseignement israéliens disposaient « d’informations précises » sur les projets du Hamas d’infiltration et/ou enlèvement, mais sans commune mesure avec ce qui s’est effectivement passé.
« Nous avons échoué ; l’ensemble de notre dispositif a échoué », admet-il, faisant allusion à l’échec total des services de sécurité et des politiques.
« Le monde du renseignement n’est pas fiable à 100 %. Parfois ça foire… Il faut d’autres dispositifs. Je fais davantage confiance à la dissuasion et aux mécanismes qui permettent de s’assurer que toutes les menaces sont prises en compte. »
Il ajoute : « Le Shin Bet estimait que Gaza était assez bien couverte. De toute évidence, cela aurait pu être mieux fait si nous avions été présents sur place. La plupart du temps, on sait ce qui se passe, mais on ne peut rien y faire. Si une sorte de missile entre par Rafah, que peut-on y faire ? Sans présence à l’intérieur du territoire pour y faire face, ce missile viendra un jour vers vous. »