Le cabinet va donner à Avi Maoz le pouvoir de contrôler les contenus dans les écoles
Des maires affirment qu'ils ne travailleront pas avec le vice-ministre d'extrême-droite et homophobe ; un forum réunissant des directeurs d'établissements évoque une "honte"
Le cabinet doit voter, dimanche, la nomination du député d’extrême-droite Avi Maoz au poste de ministre-adjoint au bureau du Premier ministre en charge de « l’unité de l’identité juive » – un titre qui lui donnera l’autorité nécessaire pour inspecter les programmes externes qui sont enseignés dans les écoles.
Maoz est un homophobe avoué qui a, dans le passé, fait des déclarations misogynes sur le rôle tenu par les femmes dans la société et qui a dénigré les courants non-orthodoxes du judaïsme.
La résolution du cabinet a été proposée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, et le ministre de l’Éducation, Yoav Kisch, lui a donné son approbation.
La résolution qui a été formulée en des termes vagues fixe des objectifs pour l’unité – comme le renforcement de l’identité juive dans les écoles – qui sont d’ores et déjà financés par d’autres ministères.
Elle contient néanmoins une disposition consacrée à « un système de transparence offert aux parents en ce qui concerne les programmes externes enseignés dans les écoles, un système qui sera accessible pour le public en général ».
Selon de nombreuses informations, Maoz — qui, dans le passé, avait accusé sans preuve le ministère de l’Éducation de recevoir des financements étrangers pour les programmes externes et d’avoir approuvé des sujets d’études apparemment (trop) libéraux – lancera une enquête sur les contenus et sur les sources de financement servant à ces programmes, et ce, même si ces renseignements sont déjà publics, a fait savoir Haaretz.
Maoz avait déclaré penser qu’il fallait élargir le système de manière à ce qu’il permette de contrôler toutes écoles au niveau individuel – ce qui signifie qu’il espère bien pouvoir examiner les décisions qui sont prises par chaque directeur d’établissement concernant les programmes externes.
Si ces informations seront à la disposition des parents, elles seront collectées et rassemblées par l’unité de Maoz et non par le ministère de l’Éducation – ce qui a entraîné des inquiétudes portant sur une éventuelle partialité.
Selon les informations transmises, cette initiative de supervision viserait à identifier les directeurs d’écoles qui font la promotion de programmes se focalisant notamment sur les questions LGBTQ+ et sur l’éducation sexuelle de manière à ce que les parents puissent exercer des pressions sur les éducateurs.
Kisch a indiqué dimanche qu’il n’y aurait « pas de changement dans la politique ministérielle et dans les programmes enrichissant les élèves ».
« Tous les pouvoirs vont rester entre les mains du ministère de l’Éducation seulement », a écrit le ministre sur Twitter, avec la capture d’écran d’un extrait de la résolution qui établit que le nouveau système de contrôle sera adopté à la condition seule « qu’elle ne nuira pas à l’autorité du ministère de l’Éducation ».
Le député Travailliste Gilad Kariv a directement répondu à la publication de Kisch en disant que le ministre avait d’ores et déjà abandonné les enfants et leurs éducateurs.
« De qui vous moquez-vous ? Vous donnez le feu vert à la mise en place d’un système de contrôle et de signalement des directeurs d’école et des enseignants et tout ce qui vous préoccupe, c’est de savoir que votre pouvoir ne sera pas compromis ? », a-t-il interrogé.
« Un quart de milliard de shekels en faveur de l’influence fondamentaliste sur les écoles et vous nous dites que tout va bien. Vous abandonnez nos enfants, leurs enseignants et les principaux des écoles. Quel autre ministre de l’Éducation accepterait ainsi un tel déshonneur ? », a-t-il ajouté.
Meirav Cohen, de Yesh Atid, a noté que si le budget octroyait de l’argent aux institutions haredim qui ne sont pas supervisées, Maoz allait avoir le contrôle de tout le reste du système.
« Il n’y aura ni supervision ni règle introduite et applicable dans le système de l’enseignement ultra-orthodoxe, qui recevra plus de fonds dans le but de ne pas enseigner les matières du tronc commun et de perpétuer la pauvreté au sein de la communauté. Mais il y aura une supervision des contenus entrant dans le cadre de l’éducation de vos enfants de la part d’un homophobe obscur et raciste pour tenter de détruire la pensée libérale et laïque », a dit Cohen.
« Netanyahu vend l’avenir de nos enfants, haredim et laïcs, à ses partenaires politiques », a dit Cohen.
Le parlementaire de Yesh Atid Yorai Lahav-Hertzano a dit que « Netanyahu et Kisch ouvrent nos écoles à des homophobes, des racistes, à des misogynes. Avi Maoz ne se contentera pas de faire de la supervision, il éduquera ».
L’ex-ministre de l’Éducation Yifat Shasha-Biton a estimé sur Twitter que « des obscurantistes vont intervenir dans le système de l’éducation ».
Si de nombreux maires ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils ne coopéreraient pas avec Maoz, un certain nombre ont rapidement réaffirmé que les autorités ne travailleraient pas avec l’unité du député d’extrême-droite.
Le maire de Hod Hasharon, Amir Kochavi, a déclaré que « nous avons d’ores et déjà annoncé que nous financerons les programmes qu’il rejette et j’ajoute que nous ne partagerons aucune information qui viendrait servir la persécution politique des éducateurs », a écrit Kochavi.
Le maire de Givatayim, Ran Kunik, a publié sur Twitter la capture d’écran d’un article sur le vote programmé au cabinet, écrivant : « Non merci, Avi. Tout ira très bien sans vous ».
Menashe Levy, chef du forum des directeurs d’établissement, s’en est aussi pris à Maoz et au programme.
« Avi Maoz est un homophobe, un misogyne, un raciste, un kahaniste. L’État d’Israël devrait avoir honte qu’une telle personnalité retrouve un poste d’influence dans le système de l’éducation. Quand il avait démissionné de son poste, nous avions pensé que nous étions sauvés du danger qu’il laisse planer sur les enfants d’Israël », a dit Levy devant les caméras de la Douzième chaîne.
« Je recommande aux parents de vérifier tous les programmes et les ‘enrichissements’ que Maoz pourrait tenter d’instiller dans les esprits de vos enfants dans les écoles », a-t-il ajouté.
« Aux directeurs des écoles – je vous recommande aussi avec force de renoncer aux subventions généreuses qu’Avi Maoz va faire pleuvoir sur vous à la condition que vous ouvriez les écoles dont vous avez la charge à ses desseins », a poursuivi Levy.
Maoz, seul représentant de la faction Noam à la Knesset, avait quitté le gouvernement à la fin du mois de février, écrivant dans sa lettre de démission adressée à Netanyahu qu’il était « scandalisé de constater qu’il n’y avait jamais eu d’intention sérieuse de donner suite à l’accord de coalition » qui avait fait de lui un vice-ministre ayant les capacités de mettre en œuvre des programmes « d’identité juive » dans le cadre d’un nouveau bureau de l’identité juive nationale.
Maoz devrait maintenant faire son retour après l’adoption, par le gouvernement, du budget de l’État controversé, qui comprend les fonds nécessaires – 120 millions de shekels – pour le fonctionnement de son bureau en 2023. Une somme de 165 millions de shekels sera par ailleurs mise à sa disposition en 2024, selon le budget qui a été approuvé la semaine dernière.
Depuis qu’il a quitté son rôle ministériel, Maoz a continué à soutenir la coalition de Netanyahu, qui est constituée de partis de droite, d’extrême-droite et ultra-orthodoxes, depuis les rangs de la Knesset.
Dans le cadre de l’accord de coalition, il devait initialement avoir toute autorité sur un département du ministère de l’Éducation qui supervise les programmes extra-scolaires pour les écoles publiques – une nomination qui avait entraîné l’indignation nationale et les condamnations des députés de l’opposition, des parents et de certaines autorités locales. L’unité reste actuellement placée sous la compétence du ministère de l’Éducation.
Dans des propos tenus depuis qu’il a quitté son poste, Maoz a indiqué avoir ressenti « de l’humiliation et de la douleur » devant la présence d’Amir Ohana, président de la Knesset ouvertement gay, et de son mari lors des cérémonies officielles qui ont été organisées à l’occasion de Yom HaShoah, de Yom HaZikaron ou de Yom HaAtsmaout.
Durant son bref passage au poste de vice-ministre, Maoz avait tenté, en vain, de réintroduire les qualifications « Père » et « Mère » sur les formulaires officiels pour remplacer « Parent 1 » et « Parent 2 », qui avaient été introduits par la précédente coalition.
Maoz avait indiqué, l’année dernière, qu’il « s’assurerait » que la Marche des fiertés annuelle, à Jérusalem, serait annulée – un vœu que Netanyahu avait rejeté à ce moment-là.
Selon un article paru l’année dernière, la faction Noam de Maoz avait fait une liste de membres de la communauté LGBTQ+ travaillant dans les médias.
Il avait aussi essayé d’amender une politique de l’État portant sur l’espace de prière égalitaire au mur Occidental. Au mois de février, le gouvernement avait dit à la Haute-cour de justice qu’il prévoyait encore de rénover la section allouée à la prière non-orthodoxe. La prière égalitaire, ainsi que les qualifications parentales progressistes ajoutées sur les formulaires, entrent dans le cadre, selon Maoz, « de procédures qui visent à changer les concepts qui sont à la base du peuple d’Israël et de la famille juive ».
Carrie Keller Lynn a contribué à cet article.