Le chef de l’Autorité des titres israélienne quitte ses fonctions à la mi-mandat
Alors que la lutte contre la corruption est à son apogée, Shmuel Hauser est sur le départ. Certains disent qu'il pourrait entrer en politique. Pour le remplacer, Moshe Kahlon nomme Anat Guetta
Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël

Le chef de l’Autorité des titres israélienne (ATI) Shmuel Hauser a annoncé sa démission de son poste de haut-régulateur financier israélien à la fin du mois de décembre, plus d’un an avant la date prévue. C’est Anat Guetta, ancienne directrice-général d’une entreprise appelée Entropy Financial Research Services, qui a été choisie pour le remplacer par le ministre des Finances Moshe Kahlon.
Hauser, qui a annoncé mardi sa décision, est le président de l’ATI depuis le mois de mai 2011, une fonction à laquelle il avait été nommé par le ministre des Finances d’alors, Yuval Steinitz. Au mois de mai 2016, Kahlon lui avait demandé de rester pour un second mandat – qui l’engageait jusqu’au mois de mai 2019 – et Hauser avait accepté.
Plusieurs professionnels et analystes des investissements contactés par le Times of Israel ont exprimé leur surprise face à la décision prise par Hauser dans la mesure où l’ATI avait donné l’impression de progresser dans sa lutte contre le fléau de la corruption qui affecte le secteur financier de l’Etat juif.
C’est Hauser qui avait élaboré la législation adoptée le 23 octobre pour mettre hors-la-loi l’industrie frauduleuse des options binaires israéliennes, une arnaque qui aura escroqué des milliards à des victimes du monde entier au cours de la dernière décennie.

« Je pensais que Hauser faisait des progrès », a commenté Michael Freedman, directeur-exécutif de la Asquith Israel Merchant Bank.
Le chef de l’ATI quitte ses fonctions alors qu’Israël se trouve au coeur d’une bataille renforcée contre la corruption financière. Un analyste a récemment calculé qu’entre les années 2008 et 2014, l’économie du marché noir en Israël est passée d’approximativement 22 % à 28 % du PIB. Le premier chiffre plaçait Israël aux côtés de pays comme l’Italie et l’Espagne, le second ressemble davantage aux économies de Roumanie et de Bulgarie.
Golan Hazani, journaliste du quotidien économique israélien Calcalist, a écrit mardi que « Hauser quitte son poste à l’apogée de sa carrière et de celle de l’Autorité des titres israélienne », se référant à plusieurs enquêtes de corruption majeures entreprises ces dernières années par l’ATI, et spécifiquement à l’enquête consacrée à des délits présumés qui auraient été commis au sein de Bezeq, entreprise israélienne de télécommunications.
Le 5 novembre, l’ATI a annoncé qu’elle avait terminé son investigation sur Bezeq, indiquant que l’Autorité disposait de « preuves suffisantes » pour inculper plusieurs hauts-responsables de l’entreprise ainsi que plusieurs personnalités importantes du gouvernement qui devraient répondre d’accusations de fraude, de fraude boursière et de corruption.
L’un de ces hauts-employés du gouvernement est Shlomo Filber, nommé par Netanyahu, directeur du ministère des Communications, ce qui avait mené de nombreux observateurs à présumer que l’enquête pourrait finalement un jour inclure peut-être le Premier ministre lui-même.
« En quatre mois et demi, l’Autorité des titres israélienne a terminé son enquête au sein de Bezeq et a recommandé des inculpations, et, au moment même où des policiers gradés et des enquêteurs se penchent sur des affaires impliquant le Premier ministre depuis des années, l’ATI a fait son investigation avec une grande efficacité et sans fuites », a écrit Hazani.
Parmi d’autres initiatives anti-corruption notables de Hauser, les enquêtes sur le président d’IDB Nochi Dankner, sur le scandale des pots-de-vin chez Siemens et sur le ministre des Affaires sociales et du travail issu du Likud Haim Katz. C’est Hauser qui aurait également aidé à faire revivre la bourse de Tel Aviv.
Calcalist a fait savoir mardi qu’au moins deux chefs de parti songent à ajouter Hauser à leurs listes en vue des prochaines élections à la Knesset.
Sharona Mazlian-Levy, porte-parole de l’Autorité des titres israélienne, a indiqué au Times of Israel que Hauser avait informé Kahlon, le chef du parti Koulanou, de son désir de quitter ses fonctions il y a plusieurs mois. Kahlon lui a demandé de rester, en vain, puis a finalement accepté avec réticence et lui a demandé de terminer l’année.
Interrogée sur ce que Hauser désire faire après, Mazlian a répondu : « Se reposer ».

Hauser a joué un rôle central dans l’interdiction de l’industrie des options binaires israéliennes, une escroquerie qui aura engrangé des milliards de dollars et qui avait été révélée dans une série d’articles du Times of Israel à partir du mois de mars 2017.
Alerté sur l’ampleur de ce crime, il avait indiqué lors d’une interview accordée en août 2016 qu’il était consterné par cette fraude, qu’elle nuisait profondément à la réputation d’Israël et que « quelque soit la façon dont vous le regardez, en tant qu’être humain, en tant que citoyen, en tant que régulateur, en tant que sioniste, en tant que père, et en tant que grand-père, cela me semble affreux ». Et alors que la fraude avait été largement documentée par le Times of Israel, les régulateurs internationaux, alarmés, avaient fait pression sur Hauser pour qu’il s’attaque à ce fléau.
Toutefois, son projet de loi original avait été édulcoré après une forte pression venant notamment de l’industrie.
A l’occasion d’une réunion de la Commission des Réformes de la Knesset, au mois d’août, où la législation écourtée avait été débattue, certaines personnes, dans le public, avaient affirmé que le projet, radouci, permettrait aux escrocs de l’industrie des options binaires de donner un nom différent à leurs produits – offrant des produits du Forex, CFD ou autres – et pourraient ainsi continuer à arnaquer les consommateurs dans le monde en toute impunité.
Une source impliquée dans la législation avait déclaré au Times of Israel à ce moment-là que « la loi élargie aurait été idéale, mais je ne pense pas qu’elle aurait été en mesure d’être adoptée lors d’un vote final à la Knesset, même avec l’approbation de la commission. Vous ne pouvez pas imaginer les pressions exercées sur les membres de la Knesset pour affaiblir ce projet de loi. L’industrie dispose d’énormes montants d’argent et exerce des pressions massives ».

Dans un communiqué de presse datant du 28 novembre, le ministre des Finances Kahlon a indiqué : « J’ai demandé à Hauser de rester jusqu’au début de l’année 2018 pour achever les processus importants qu’il a mis en marche, notamment une restructuration du marché boursier, une facilitation des régulations appliquées aux entreprises de R&D, une facilitation des processus pour les nouvelles introductions en bourse, la promulgation de la loi sur l’interdiction des options binaires, les profits pour les petites et moyennes entreprises et le renforcement des exécutions, pour gagner la confiance de l’opinion publique ».
Dans le même communiqué de presse, Hauser a déclaré : « je termine mon mandat avec un sentiment de grande satisfaction d’avoir atteint les objectifs que je m’étais fixés à moi-même ainsi qu’à l’ATI et je regarde avec fierté l’amélioration du marché des capitaux en Israël ».
Kahlon a annoncé qu’il avait choisi pour remplacer Hauser Anat Guetta, directrice et cofondatrice de l’entreprise Entropy Financial Research Services, une société de conseil aux investisseurs institutionnels israéliens.
Plusieurs initiés du milieu de l’industrie financière ont indiqué au Times of Israel ne pas la connaître, précisant toutefois que la compagnie qu’elle a créé, Entropy, est très respectée.
Matthew Salter, président de la Société israélienne des professionnels des investissements, a ajouté que Hauser était en général apprécié et jouissait d’une bonne réputation au sein de la communauté israélienne des investissements.
Hauser avait-il des ennemis, des gens qui souhaitaient le voir quitter ses fonctions ? A cette question, Salter a répondu : « Je pense qu’il s’agit peut-être seulement du remplacement d’un régulateur intelligent et compétent par une autre personne intelligente et compétente ».