Le Congrès US exige de Trump l’arrêt de tout engagement militaire au Yémen
Le Congrès reprend "sa responsabilité" en matière d'interventions à l'étranger, s'est réjoui Bernie Sanders, "pas seulement en ce qui concerne le Yémen mais aussi à l'avenir"
Le Congrès américain a approuvé jeudi une résolution exhortant Donald Trump à arrêter tout soutien à la coalition saoudienne dans la guerre au Yémen, infligeant un sévère camouflet au président qui va probablement mettre son veto.
En limitant les pouvoirs présidentiels en matière d’engagement dans un conflit à l’étranger, ce vote marque une première historique.
« Nous assistons aujourd’hui au Yémen à un désastre humanitaire sans précédent », a tonné le sénateur indépendant et candidat à la primaire démocrate Bernie Sanders, auteur de la résolution.
La Chambre des représentants, à majorité démocrate, a voté le texte (247 voix pour, contre 175) qu’avait déjà approuvé le Sénat, contrôlé par les républicains.
Au moins une quinzaine d’élus républicains de la Chambre, dont deux proches alliés de Donald Trump, ont approuvé la proposition de loi. Soit un revers particulièrement humiliant pour le président républicain, forcé d’employer son droit de veto présidentiel s’il veut bloquer une mesure adoptée avec le soutien d’une partie de son propre camp.
« Veto attendu »
C’est la première fois en quelque 45 ans que le Congrès utilise une loi, votée en 1973 (War Powers Resolution), afin de limiter les pouvoirs militaires d’un président américain.
Donald Trump « pourrait devenir le premier président de l’histoire » à signer une telle résolution restreignant ses pouvoirs, a souligné un élu démocrate de la Chambre, Ro Khanna.
Avec la résolution sur le Yémen, « le Congrès exige du président le retrait des forces armées américaines des hostilités dans, ou affectant, la république du Yémen, à l’exception » des opérations visant Al-Qaïda et associés, sous trente jours après l’adoption du texte.
Il prévoit que le président puisse demander un report de cette date, à condition que le Congrès l’approuve.
Avec ce texte, le Congrès reprend « sa responsabilité » en matière d’interventions à l’étranger, s’est réjoui Bernie Sanders, « pas seulement en ce qui concerne le Yémen mais aussi à l’avenir ».
La Maison Blanche s’était déclarée en mars « fermement opposée » à cette résolution « bancale ».
Donald Trump « va désormais mettre son veto mais ni l’administration (américaine) ni les partenaires des Etats-Unis dans le Golfe ne devraient se tromper sur le message envoyé par ce vote sans précédent du Congrès: la patience des Etats-Unis face à la guerre au Yémen s’épuise rapidement », a réagi Rob Malley, président de l’organisation de prévention des conflits International Crisis Group.
Colère après Khashoggi
Le Yémen est déchiré par un conflit dévastateur depuis l’intervention d’une coalition arabe sous commandement saoudien en mars 2015 pour soutenir des forces pro-gouvernementales contre les rebelles Houthis.
Ceux-ci sont soutenus par l’Iran, grand rival chiite de l’Arabie saoudite sunnite au Moyen-Orient.
Le conflit a provoqué la pire catastrophe humanitaire au monde selon l’ONU et a fait plus de 10 000 morts sur les deux premières années. Des ONG estiment que le bilan des victimes est largement supérieur.
Depuis 2015, le Pentagone fournit un « soutien non-combattant » à la coalition menée par l’Arabie saoudite au Yémen, dont la livraison d’armes et du renseignement. Depuis fin 2018, les Etats-Unis ont suspendu leurs opérations de ravitaillement en vol de l’aviation saoudienne.
« L’administration n’a demandé aucun compte aux Saoudiens », a déploré jeudi Eliot Engel, chef démocrate de la commission sur les Affaires étrangères à la Chambre.
La rare union entre parlementaires démocrates et certains républicains autour de ce vote s’explique en grande partie par la profonde colère provoquée au Congrès américain par l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, en octobre 2018, par un commando venu de Ryad.
La réaction tiède de Donald Trump face au jeune prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane – considéré comme « responsable » du meurtre par le Sénat américain – avait indigné jusque dans ses rangs.
« Les Etats-Unis ne devraient pas être poussés à s’engager dans une guerre par un régime despote, antidémocratique et meurtrier », a martelé Bernie Sanders.
Donald Trump a fait usage pour la première fois de son droit de veto le 15 mars, pour défendre sa grande promesse présidentielle: la construction d’un mur à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.
Là encore, plusieurs parlementaires républicains s’étaient ralliés aux démocrates pour contrer la procédure d’urgence qu’il avait décrétée afin de débloquer des fonds dédiés à la construction de l’édifice controversé.