Israël en guerre - Jour 374

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Le court-métrage d’une Bosniaque, lauréat du Prix Humanitas, est une mitzvah

Dans le film de Sabina Vajrača, une famille musulmane sauve une famille juive des nazis. 50 ans plus tard, la famille juive retourne la faveur à ses sauveurs à Sarajevo

Image de'Sevap/Mitzvah', un court-métrage réalisé par Sabina Vajrača et qui a gagné le prix Humanitas 2023. (Crédit :  Prize. ©geminisnakeproductions via JTA)
Image de'Sevap/Mitzvah', un court-métrage réalisé par Sabina Vajrača et qui a gagné le prix Humanitas 2023. (Crédit : Prize. ©geminisnakeproductions via JTA)

JTA — En 1941, à Sarajevo, une femme musulmane avait caché son amie juive, lui permettant d’échapper aux rafles des fascistes. Un demi-siècle plus tard, la même femme musulmane s’était retrouvée piégée dans la capitale assaillie pendant la guerre de Bosnie qui avait eu lieu de 1992 à 1995 – et son amie juive s’était assurée qu’elle pourrait s’en sortir.

Ce sont ces évènements réels qui ont inspiré « Sevap/Mitzvah », un court-métrage réalisé par Sabina Vajrača qui a remporté le Prix Humanitas en 2023 – entre autres récompenses. Le court-métrage pourrait bien, à terme, figurer sur la liste des courts-métrages qui s’aligneront aux Oscars en 2024.

Le film a été projeté dans le monde entier, notamment au Festival du film international de Cleveland et au Festival du court-métrage juif du Joyce Forum, à San Diego. Il a aussi été montré lors du Festival du film d’Ojai, une ville de Californie, et au Festival du film de Lake County à Grayslake, dans l’Illinois.

Le mot en arabe « Sevap » et le mot en hébreu « Mitzvah » ont la même signification : une bonne action.

« J’ai voulu raconter une histoire sur des Juifs et des musulmans coexistant pacifiquement, de manière heureuse, s’entraidant – ce qui est un narratif que nous n’entendons pas réellement », commente Vajrača auprès de la Jewish Telegraphic Agency. Vajrača elle-même a fui la guerre en Bosnie quand elle était adolescente et elle est arrivée aux États-Unis avec le statut de réfugiée.

Quand les nazis avaient envahi la Bosnie, au mois d’avril 1941, Sarajevo avait subi de lourds bombardements, sa synagogue avait été pillée et ses rouleaux de Torah, vieux de 400 ans, avaient été brûlés. La famille juive Kabiljo avait fait partie de ceux qui étaient partis trouver un refuge dans les forêts et qui, à leur retour, avaient trouvé leurs habitations détruites.

Une femme de Sarajevo rend hommage à un monument dédié aux victimes de la terreur nazie à Sarajevo à Sarajevo, le 16 mai 2020. (Crédit : ELVIS BARUKCIC / AFP)

Un couple d’amis et de voisins musulmans, Mustafa et Zejneba Hardaga, avaient recueilli chez eux la famille Kabiljo. Prenant le risque d’être eux-mêmes exécutés, ils avaient offert un refuge face à la Gestapo et à l’Ustaša – le mouvement fasciste qui gouvernait les régions de la Croatie, de la Bosnie et de l’Herzégovine pendant la Seconde Guerre mondiale – à Josef Kabiljo, à son épouse Rifka et à leurs deux enfants.

Conformément à leur foi, les femmes, dans la famille Hardaga, se couvraient le visage à l’aide d’un voile devant les hommes qui n’appartenaient pas à la famille. Mais, en signe d’hospitalité, Mustafa Hardaga avait dit à Zejneba et à la belle-sœur de cette dernière, Bachriya, qu’elles pouvaient ôter leur voile devant Josef Kabiljo.

Josef avait ultérieurement apporté son témoignage à Yad Vashem, le musée de la Shoah israélien : « Jamais auparavant un homme étranger n’était resté avec eux. Ils nous ont accueillis en disant ces mots : ‘Josef, tu es notre frère et nos enfants sont comme nos enfants. Fais comme chez toi ; tout ce qui nous appartient t’appartient aussi’. »

L’Ustaša avait voulu purger son état des Serbes, des Juifs et des Roms en installant des camps de travail et des camps de la mort. A la fin de la guerre, les fascistes avaient assassiné 12 000 des 14 000 Juifs de Bosnie. La famille Kabiljo avait survécu et elle avait fini par partir pour Israël.

Cinquante années plus tard, Zejneba Hardaga, 76 ans, s’était retrouvée au cœur d’un autre génocide à Sarajevo (à cette époque, son époux était déjà décédé). Les forces serbes s’efforçaient alors de débarrasser la Bosnie de tous les non-serbes, dont la majorité étaient des musulmans. Un blocus avait été mis en place à Sarajevo entre avril 1992 et février 1996 – le plus long siège de toute l’Histoire moderne. Les habitants avaient été privés de produits alimentaires, d’eau et d’électricité.

Hardaga avait trouvé refuge dans un sous-sol avec sa fille, son gendre et sa petite-fille, se nourrissant pendant des semaines d’une soupe élaborée à l’aide de brins d’herbe trouvés à proximité. A l’extérieur, les frappes aériennes étaient quotidiennes à Sarajevo et des snipers prenaient pour cible les résidents qui osaient s’aventurer dehors. Plus de 11 000 personnes avaient trouvé la mort pendant le siège.

Des milliers de personnes, notamment des membres des familles des victimes, se réunissent pour commémorer le 24e anniversaire du massacre de Srebrenica, le pire meurtre de masse en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, à Potocari, près de Srebrenica, en Bosnie, le 11 juillet 2019. (Crédit : AP Photo/Darko Bandic)

A Jérusalem, Rifka Kabiljo et sa famille regardaient les informations sur une Bosnie ravagée. Ils avaient contacté un journaliste israélien qui couvrait la guerre, lui demandant de confirmer si Hardaga était encore en vie.

En apprenant qu’elle se trouvait encore à Sarajevo, la famille avait appelé Yad Vashem à l’aide – qui avait reconnu Hardaga et sa famille comme Justes parmi les nations en 1984.

Yad Vashem n’avait obtenu que peu de résultat auprès du président de Bosnie et la famille Kabiljo s’était donc présentée devant le Premier ministre de l’époque, Yitzchak Rabin.

Ainsi, au début de l’année 1994, la famille Hardaga avait embarqué, aux côtés de 300 autres personnes, dans un convoi de six bus qui avaient quitté Sarajevo – le dernier sauvetage de réfugiés majoritairement juifs qui avait été organisé par l’American Jewish Joint Distribution Committee et par la communauté juive de Sarajevo. La famille avait eu le choix de sa destination et Zejneba avait décidé d’aller rejoindre Rifka, son amie, en Israël. Elle s’y était éteinte une année plus tard.

La réalisatrice Sabina Vajrača avait 14 ans pendant la guerre de Bosnie. (Crédit : Joshua Sarlo via JTA)

Vajrača, originaire de Bosnie et d’origine musulmane, dit avoir commencé à réfléchir à ces histoires d’entraide vitale entre Juifs et musulmans pendant une discussion avec feu sa grand-mère – qui avait admis qu’elle avait été hantée par son incapacité à sauver la vie de celle qui était sa meilleure amie dans son enfance.

Une matinée de l’année 1941, alors qu’elle avait environ neuf ans, elle était derrière sa fenêtre quand son amie juive, qui habitait la maison voisine, avait été raflée avec sa famille. La grand-mère de Vajrača avait tenté de sortir de la maison mais ses parents l’avaient empêché de le faire, disant que l’extérieur était dangereux. La fillette juive et sa famille étaient morts dans un camp de concentration.

« Elle m’avait dit : ‘Je m’en souviens parce que 50 ans plus tard, c’est à ma porte qu’ils ont frappé et c’est moi qu’ils sont venus chercher’, » se rappelle Vajrača, dont l’aïeule a finalement survécu à la guerre en Bosnie. « Il m’ont emmenée et j’ai pensé que peut-être, si je les avais sauvés il y a 50 ans, cela ne serait pas arrivé ».

Vajrača avait 14 ans quand sa ville, dans le nord de la Bosnie, avait été envahie par les forces serbes. Sa famille avait été rapidement prise pour cible, alors que son père travaillait dans l’humanitaire pour aider les victimes de la guerre. En représailles, les Serbes avaient menacé d’emmener Vajrača en camp de concentration où les fillettes et les femmes étaient systématiquement violées. Ses parents avaient demandé à tous ceux qu’ils connaissaient une assistance pour permettre à l’adolescente de quitter le pays.

« En fin de compte, les gens qui m’ont sauvé la vie étaient deux femmes, deux chrétiennes – une Croate et une Serbe », raconte Vajrača à JTA. « Ce sont elles qui m’ont sauvé la vie, même si elles prenaient des risques pour la leur. Ainsi, l’histoire que je raconte dans ce film est personnelle, en quelques sorte, parce que cela m’est arrivé, à moi aussi ».

La fille de Zejneba Hardaga, Sara Pecanac, vit encore à Jérusalem. Elle s’est convertie au judaïsme et elle a travaillé à Yad Vashem pendant de longues années.

Dans un entretien accordé en 2013, Pecanac avait raconté que sa mère avait demandé à rencontrer Rabin, quelques mois après son arrivée. Après avoir un peu discuté, elle avait dit à Rabin qu’elle était désireuse de lui donner un conseil.

« Tout le monde s’était tu », avait ajouté Pecananc. « Qui était donc cette vieille femme pour ainsi donner un conseil au Premier ministre d’Israël ?… Il avait répondu ‘OK’ et elle lui avait dit : ‘S’il vous plaît, tentez de faire la paix au Moyen-Orient. Ne laissez pas Jérusalem devenir une nouvelle Sarajevo’. »

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