Le Danemark va interdire les autodafés
Avec la nouvelle disposition, qui doit être votée au parlement où le gouvernement a la majorité, le contrevenant s'exposera à une amende ou une peine allant jusqu'à 2 ans de prison
Le gouvernement danois a présenté vendredi un projet de loi pour interdire les autodafés du Coran, après des profanations du livre saint de l’islam qui ont entraîné de vives tensions dans plusieurs pays musulmans.
La loi va « interdire le traitement inapproprié d’objets ayant une signification religieuse importante pour une communauté religieuse », a dit le ministre de la Justice, Peter Hummelgaard, lors d’un point presse.
Cette disposition cible notamment le fait de brûler ou de piétiner ces objets dans un lieu public, mais aussi dans un lieu privé si c’est avec l’intention de diffuser ces profanations à un public plus large.
« Acte fondamentalement méprisant et antipathique », le fait de brûler un Coran « nuit au Danemark et aux intérêts danois », a poursuivi le garde des Sceaux.
Le Danemark et son voisin suédois ont récemment cristallisé la colère au sein de pays musulmans. En Irak par exemple, des centaines de manifestants partisans de l’influent leader religieux Moqtada Sadr ont tenté fin juillet de marcher en direction de l’ambassade danoise à Bagdad.
Le nouveau texte doit être inclus au chapitre 12 du code pénal danois, qui traite de la sécurité nationale.
« C’est là le coeur et la motivation de ce que nous entreprenons », a insisté M. Hummelgaard.
« Nous ne pouvons pas continuer à rester les bras croisés alors que quelques individus font tout ce qu’ils peuvent pour provoquer des réactions violentes », a-t-il souligné.
La disposition légale s’appliquera également aux profanations de la Bible, de la Torah ou de symboles religieux comme le crucifix.
Elle ne couvrira pas « l’expression verbale ou écrite » de ces gestes, notamment les caricatures, a précisé le ministre, affirmant que le Danemark continuait à revendiquer son fort attachement à la liberté d’expression malgré les critiques de certains partis de l’opposition qui estiment qu’il la néglige.
Il y a six ans, le Danemark avait abrogé le délit de blasphème, une disposition vieille de 334 ans qui sanctionnait les insultes publiques envers les religions.
Deux ans de prison
Avec la nouvelle disposition, qui doit être votée au parlement où le gouvernement a la majorité, le contrevenant s’exposera à une amende ou une peine allant jusqu’à deux ans de prison.
Le projet de loi doit être présenté au Folketinget, le parlement danois, en urgence, le 1er septembre.
Après les troubles suscités dans des pays musulmans à la suite des profanations du Coran au Danemark, le pays scandinave avait un temps renforcé ses contrôles aux frontières, avant de revenir à la normale le 22 août.
Les autodafés ont « engendré une grande colère dans le monde entier », a aussi déclaré le ministre des Affaires étrangères, Lars Løkke Rasmussen, lors du point presse.
« Nous avons fait de gros efforts pour contenir cette colère. À l’heure actuelle, la situation est assez calme, mais aussi incertaine et imprévisible », a-t-il noté, prévoyant qu’à « court terme, on verra probablement plutôt plus d’autodafés du Coran que moins », avant l’entrée en vigueur de la loi.
En 2006, une vague de violences anti-danoises avait embrasé le monde musulman après la publication de caricatures de Mahomet.
En Suède, où des dégradations similaires du livre saint des musulmans ont régulièrement lieu depuis quelques mois, les autorités réfléchissent aux moyens de limiter l’organisation de manifestations prévoyant de brûler le Coran, tout en respectant la liberté d’expression.
Devenue « cible prioritaire » d’organisations jihadistes, selon ses services de renseignement, la Suède a relevé mi-août son niveau d’alerte terroriste à 4, sur une échelle de 5.
Au Danemark, il est à ce niveau « depuis plusieurs années », avaient alors précisé les renseignements danois à l’AFP.
« Bien que les incidents récents aient accru la menace, il n’y a actuellement aucune raison d’élever le niveau de menace à +très sérieuse+, c’est-à-dire au niveau 5 », avaient-ils indiqué.