Le Hezbollah s’ajoute aux menaces contre les Juifs de la diaspora en ce Rosh HaShana
En plein conflit Israël-Hamas et à la veille du 7 octobre, les communautés juives se préparent aux ripostes terroristes, aux manifestations anti-Israël et à l'extrême droite

(JTA) WASHINGTON – Alors qu’Israël intensifie sa lutte contre le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, les organisations juives de sécurité sont en alerte particulièrement élevée pendant les fêtes du Nouvel An juif.
Le 27 septembre, Israël a éliminé Hassan Nasrallah, chef de longue date du Hezbollah, dans le cadre de frappes visant les dirigeants du groupe, alors que s’intensifie la guerre sur plusieurs fronts, lancée le 7 octobre par le groupe terroriste palestinien du Hamas auquel s’est joint le Hezbollah le 8 octobre 2023. Le 30 septembre, l’armée israélienne a lancé une opération limitée au Liban pour neutraliser le groupe et l’éloigner de la frontière.
En dehors du Moyen-Orient, l’organisation terroriste vouée à la destruction d’Israël conserve toutefois une présence redoutable. Celle-ci a, par ailleurs, échappé à l’assaut israélien contre les infrastructures du groupe, soutenu par l’Iran, au Liban et en Syrie.
« La question que tous les services de renseignement se posent actuellement est la suivante : le Hezbollah a été sévèrement touché récemment, il a considérablement perdu de sa stature. Cherche-t-il à se venger ? », a déclaré Kerry Sleeper, directeur-adjoint du renseignement et de l’échange d’informations pour le Secure Community Network, un cabinet de conseil pour la communauté juive américaine.
Cette question taraude les responsables de la sécurité juive qui se sont réunis lundi après-midi lors d’une réunion à huis clos convoquée par les Fédérations juives d’Amérique du Nord (JFNA). Déjà en alerte à la veille de Rosh HaShana et de Yom Kippour, et en raison des manifestations anti-Israël prévues autour de l’anniversaire du pogrom du 7 octobre perpétré par les terroristes du Hamas, les responsables s’inquiètent désormais que les réseaux du Hezbollah à l’étranger « soient intégrés dans ce qui est un environnement de menace incroyablement toxique », a expliqué Sleeper.
« La communauté juive est confrontée à la menace la plus importante de son histoire moderne, en pleine période de fêtes du Nouvel an juif, coïncidant avec l’anniversaire du 7 octobre et, auxquels s’ajoutent maintenant la possibilité que la plus grande organisation terroriste au monde ne cherche à se venger en attaquant des installations, ambassades ou consulats israéliens, des dirigeants juifs ou israéliens importants, n’importe où dans le monde. »
Matthew Levitt, chercheur à l’Institut de Washington pour la politique au Proche-Orient, qui a également travaillé pour le FBI, un expert reconnu dans la lutte contre le terrorisme, a déclaré qu’il craignait que le Hezbollah, ainsi acculé, ne passe à l’attaque.
« Il est à craindre, dans ce cas, que le Hezbollah ne ressente le besoin d’agir, et il est dans ses habitudes de ne pas faire de distinction entre les cibles israéliennes et juives », a-t-il déclaré.

La volonté du Hezbollah de se venger des Juifs à l’étranger est illustrée par la manière dont Nasrallah est devenu le chef du groupe terroriste. Après l’assassinat par Israël de son prédécesseur, Abbas al-Moussaoui, en 1992, c’est Nasrallah qui était à la tête de l’organisation lorsque celle-ci a répondu en commettant deux attentats à Buenos Aires, en Argentine : l’un contre l’ambassade d’Israël en 1992 et un attentat massif contre le centre communautaire juif AMIA en 1994, qui a tué 85 personnes et en a blessé plus de 300.
Le groupe serait également responsable d’une attaque meurtrière contre des touristes israéliens en Bulgarie en 2012 et d’un complot contre des touristes israéliens en Thaïlande en 2014.
Sleeper a toutefois souligné qu’à l’heure actuelle, les autorités américaines n’avaient identifié aucune menace spécifique à l’encontre des communautés juives.
« Il n’y a pas eu de menaces spécifiques et je suis certain que nos partenaires fédéraux nous informeraient s’ils avaient vent de telles menaces », a affirmé Sleeper, un ancien directeur adjoint du FBI. « Nous sommes en contact quasi permanent avec eux à l’heure actuelle. »
« C’est à l’étranger que les menaces sont les plus sérieuses », a ajouté Sleeper, citant plus particulièrement l’arrestation en décembre de membres du Hezbollah qui suivaient des cibles juives au Brésil. Depuis le 7 octobre, les forces de l’ordre de plusieurs pays ont également empêché des membres d’autres groupes de menacer des cibles juives, notamment en Europe et en Argentine. Le mois dernier, la police de Munich, en Allemagne, a tué un homme armé qui, selon elle, visait le consulat d’Israël dans cette ville.
Les deux régions les plus susceptibles d’être touchées par ce type d’attentat et qui, à ma connaissance, font déjà l’objet de mesures de sécurité renforcées en raison de ces préoccupations, sont l’Europe et l’Amérique latine, où les terroristes comptent un nombre important de membres, où ils ont mené une surveillance pré-opérationnelle approfondie, où ils disposent de caches d’armes et où ils sont susceptibles d’être prêts à mettre en œuvre un plan d’opérations dans un délai très court », a-t-il déclaré.

Depuis quelques années, les autorités américaines ont emprisonné un certain nombre de membres du Hezbollah pour avoir surveillé des cibles américaines potentielles, a précisé Levitt, parmi lesquels Ali Kournai, en 2019, et Alexei Saab, en 2023.
« Tout membre aguerri du Hezbollah, comme Karani ou Saab, sur place avec un objectif spécifique et recevant l’ordre de passer à l’action, le ferait », a-t-il affirmé.
Jonathan Schanzer, vice-président de la Foundation of Democracies, qui surveille les groupes terroristes, a souligné que les ramifications du Hezbollah étaient très étendues.
« Il y a probablement plus de chances de voir le Hezbollah activer des cellules ou des unités d’assassinat ou autres, dans des zones où l’autorité est plus faible, comme dans certains États européens moins soucieux de leur sécurité ou en Amérique latine », a-t-il déclaré. « Mais je n’exclurais pas une tentative de passage aux États-Unis, ou un effort pour activer des cellules qui sont déjà ici. »
Selon Levitt, l’élimination par Israël d’une grande partie des dirigeants du Hezbollah aura vraisemblablement une incidence sur les capacités d’attaques du groupe en le désorientant et en supprimant les chaînes de commandement. D’autre part, les commandants de niveau intermédiaire du Hezbollah pourraient choisir d’agir de leur propre chef.
Il a notamment souligné que l’unité 910 du Hezbollah, la section responsable des activités terroristes à l’étranger et séparée des autres branches du Hezbollah, n’aurait été ni affaiblie ni éliminée.
« Même en l’absence de dirigeants, tout complot de vengeance reste ‘toujours entre les mains de professionnels’ », a-t-il déclaré.

Les amateurs constituent également une menace, a ajouté Levitt. « Nous vivons un de ces moments où il faut s’inquiéter de ceux qui observent ce qui se passe, visionnent trop de vidéos d’Al Manar depuis les sous-sols de leur maman et décident d’essayer de faire quelque chose tout seuls », a-t-il déclaré, évoquant l’organe de propagande dirigé par le Hezbollah.
Un facteur atténuant, selon Levitt, est le fait que toute attaque directe contre les États-Unis risquerait d’entraîner le pays dans un conflit, ce que les bailleurs de fonds du Hezbollah en Iran ne veulent pas, a précisé Levitt.
« Ils savent qu’une attaque contre les États-Unis est probablement la seule chose qui pourrait entraîner l’Amérique dans ce conflit à l’heure actuelle », a-t-il déclaré.
Sleeper est d’accord, mais note que l’Iran et le Hezbollah ont, ces dernières années, engagé des mandataires du crime organisé pour mener des attaques contre des ennemis à l’étranger.
Ils peuvent très bien essayer de se distancer d’une opération en s’appuyant sur des entreprises criminelles ou en les engageant », a indiqué Sleeper, notant les activités très étendues du Hezbollah en matière de trafic de drogue.
La volatilité du Hezbollah vient s’ajouter au paysage déjà très menaçant auquel sont confrontées les communautés juives des États-Unis. Outre les menaces permanentes de l’extrême droite, que les responsables de la sécurité considèrent depuis longtemps comme la plus dangereuse, et où les suprémacistes blancs ont intensifié leur activité depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, il existe également un risque que les manifestations anti-Israël qui ont lieu pendant cette période débouchent sur des affrontements ou des actes de violence. Les synagogues ont également été la cible d’une série de fausses alertes à la bombe cette dernière année.

Les violences au Liban « risquent d’alimenter ou d’intensifier les manifestations déjà prévues pour la semaine à venir, avec l’anniversaire du 7 octobre, les célébrations du Nouvel An, la ‘semaine de rage’ à laquelle on a appelé sur les réseaux sociaux », a déclaré Rafael Brinner, responsable du programme de sécurité communautaire de la Fédération de la communauté juive dans la région de la baie de San Francisco, en Californie.
Brinner faisait référence aux plans annoncés par les Étudiants pour la justice en Palestine (SJP) d’organiser des manifestations du 7 octobre, date anniversaire du pogrom du Hamas au cours duquel les terroristes du Hamas ont assassiné plus de 1 200 personnes dans le sud d’Israël et pris 251 otages dans la bande de Gaza, au 11 octobre, qui coïncide avec Yom Kippour.
Molly Jozer, conseillère en sécurité communautaire pour la Fédération de la région de San Francisco, a réitéré le conseil donné à la communauté juive au cours de la semaine d’éviter les zones de protestation connues.
« Il est préférable de ne pas fréquenter ces endroits à ces moments-là pour éviter le risque d’être pris dans des violences », a-t-elle expliqué.
Les Juifs américains doivent prévoir une présence accrue des forces de sécurité dans leurs synagogues cette semaine, mais ils doivent également pouvoir se sentir en sécurité de pouvoir assister aux offices de Rosh HaShana en toute liberté, a indiqué Sleeper.
« Nous ne voulons en aucun cas transmettre de message selon lequel il serait dangereux de se rendre dans leur lieu de culte, c’est la dernière chose que nous voulons faire », a-t-il affirmé. « Dans certaines régions, il y aura une forte présence de policiers ou de gardes armés, en fonction de ce que chaque institution jugera nécessaire pour assurer le confort des fidèles lors des offices.
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