Le retour à la terre d’Oliver Benhamou pourrait aider à développer une flore adaptée à Israël
En prenant son temps, ce jeune homme de 35 ans qui a créé son jardin de permaculture dans le Golan, est en train de sélectionner, graine après graine, une flore adaptée au climat désertique israélien
Sur le plateau de Ramat HaGolan, le mont Hermon en ligne de mire à travers la brume, la route 98 trace une ligne droite et remonte jusqu’à l’extrémité nord d’Israël.
Sur la gauche surplombant le lac du Kinneret, une poignée de villages agricoles, des moshavs, profitent de l’air frais dû à la relative altitude des lieux et de la vue sur la « mer intérieure israélienne. »
Un juif français de 35 ans s’est installé dans l’un d’eux, à Givat Yoav, au début de l’été. Son objectif : devenir autonome en nourriture à court terme. Ce qui, au vu des rangées de tomates déjà hautes, et à la vivacité des différentes plantes et herbes aromatiques (il possède 8 variétés de basilic, dont une au goût de Malabar et une autre à la saveur de cannelle!) formant les prémisses de son jardin, ne devrait pas tarder à arriver.
Oliver Benhamou fait partie de trois profils de Français un peu atypiques venus s’installer en Israël que le Times of Israël a décidé de rencontrer. Des Français pour qui « le retour sur la Terre promise » est aussi un retour à la terre, et dont ils entendent recueillir les fruits de la manière la plus respectueuse possible.
Féru de permaculture, le credo d’Oliver est « comment en faire le moins possible et que la nature en fasse le plus ». Il s’est rapidement aperçu que « moins il en faisait, plus la nature travaillait d’elle-même » à la condition de respecter certaines règles très intuitives dictées par la permaculture.
Aujourd’hui, il dit consacrer trois heures par semaine à son jardin. Trois heures par semaine de travail seulement, pour devenir autonome en nourriture. On peut suivre la progression de son potager en direct sur sa page Facebook.
Sa philosophie ? « A chaque heure suffit sa peine. Nous avons perdu le vrai sens de vivre, de manger, de boire et de voir ses amis, » déplore-t-il. Mais pour payer la location de sa maison, et puisque son jardin lui en laisse largement le temps, il est berger et garde des moutons la nuit.
#Israel uses #permaculture to innovate & find solutions for #farming challenges https://t.co/qkraryQHpM @cufi #biomutualism @israeliPM
— Penny Dr Zoolittle (@dr_zoolittle) July 19, 2017
Mais plutôt que de disserter sur cette théorie de plus en plus populaire (des sites et des forums par centaines sont consacrés au sujet), où l’on peut rapidement se retrouver assailli de termes techniques tels que cross-pollination, ou circuit hydroponique, Olivier nous explique une interaction vertueuse entre trois plantes qui donne à voir ce qui sous-tend la permaculture, dont l’étymologie évoque une agriculture permanente qui se renouvelle d’elle-même.
« L’exemple des ‘trois sœurs’ est une bonne illustration de compagnonnage entre plantes, exploité par la permaculture. Au départ c’est une pratique inca, » explique ce lecteur de Masanobu Fukuoka, de Sepp Holzer, et des livres de Bill Mollison et David Holmgren, des références dans le domaine de la permaculture.
La culture dite des trois sœurs consiste à associer maïs, haricots et courges dans son potager, chaque plante répondant à un besoin spécifique de l’autre, le tout formant un cercle vertueux. Les courges et le maïs profitent de la production d’azote, un fertilisant naturel, que produisent les racines des haricots; les tiges du plant de maïs servent de tuteur aux haricots grimpants.
Enfin, précise le site spécialisé Gerbeaux, « le feuillage dense des courges crée un environnement favorable au niveau du sol : il empêche la prolifération des mauvaises herbes, il garde la fraîcheur et l’humidité pendant les périodes de chaleur, ce qui permet de limiter les besoins en arrosage, il protège le sol des pluies battantes qui lessivent les éléments fertiles. Enfin, les tiges épineuses des courges empêchent également les éventuels prédateurs herbivores de commettre des dégâts sur les cultures ».
Olivier Benhamou pourrait détailler avec fluidité durant des heures les interactions vertueuses entre les plantes, des « échanges de sucre contre du minéraux et du carbone », du retour des insectes qui inaugure la régénérescence d’un écosystème (il sait qu’à tel endroit de sa plantation une araignée a tissé sa toile). Avec lui, le jardin devient un lieu vivant où des plantes forment des « guildes » pour s’entraider mutuellement, et où les insectes jouent un rôle primordial… Il est d’ailleurs coach en permaculture, en outre, puisqu’il est aussi coach de vie.
S’il parle avec passion et amour de son activité et de ses plantes, il n’en est pas moins rude sur la sélection de ses plantes potagères. « Je reproduis la sélection naturelle, à la dure » dit-il. « Je retrouve les variétés adaptées au milieu local ». Une chose qui ne va pas de soi.
Le climat israélien variant de désertique à semi-désertique son sol n’est pas idéal pour l’agriculture. Il nécessite un arrosage important, le recours à des fertilisants chimiques et des dépenses énergiques conséquentes pour l’agriculture sous serre.
Olivier Benhamou, lui, arrose le moins possible ses plantes, et observe celles qui ont le capital génétique adapté pour ces milieux arides. Il nous montre des brocolis « pas arrosés depuis l’hiver; qui commencent pourtant à faire des fleurs (nous étions fin juin, une période chaude en Israël-Ndlr) et à monter en graines ».
Olivier a planté 15 sortes de tomates différentes, et les arrose « une fois tous les 3 jours ». De sorte que l’on pourra dire que celles qui survivront, pas uniquement cette année « mais dans quelques générations de plantes », seront adaptées à ce coin d’Israël.
Les graines lui viennent de partout : d’amis, d’amis d’amis, ou de ces voyages où il ramène systématiquement des poignées de graines en tous genres. Le jour de notre visite, David, un autre Français dont l’histoire méritera aussi d’être racontée, lui amène un cadeau importé spécialement des Etats-Unis. Des graines rares et anciennes appelées « blé des pharaons » ou « blé de Toutankhamon »; retrouvées dit-on, au 19e siècle dans des sarcophages millénaires par des aventuriers égyptologues. Un blé qui a poussé en Egypte devrait ainsi être capable de pousser sur la terre israélienne sans débauche d’énergie et d’irrigation.
A terme, ce passionné de l’agriculture nabatéenne et mésopotamienne, des civilisations qui savaient faire fleurir le désert, est sans doute en train de former une banque de graines adaptées au climat israélien. Il nous sort le précieux carton où il conserve toutes ses graines. Ce catalogue de graines pourrait éviter un gaspillage d’eau et d’énergie important, et former la base d’une nouvelle flore israélienne. « L’idée générale, dit-il ce n’est pas d’attendre ce que je veux, mais de voir ce qui va réussir à pousser ici ».
Un projet plus imposant attend Benhamou. Aujourd’hui, il participe avec le conseil régional du Golan et le KKL à la création d’une « foret comestible », un éco-système dans lequel les arbres du verger sont introduits à l’éco-système du potager selon les principes de la permaculture. Une sorte de jardin idéal produisant champignons, fruits, légumes, plantes médicinales et aromatiques, qui, une fois sur ses rails ne nécessite ni arrosage ni entretien.
Pour certains, le paradis sur terre.
https://youtu.be/LRQ8MCz6u6M
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