Le sionisme est au cœur de leur identité, disent 450 étudiants juifs de Columbia
Les auteurs d'une lettre virale dénoncent ceux qui tentent de "parler en notre nom", - des étudiants juifs antisionistes aux partisans d'Israël qui ne sont pas affiliés à la fac
New York Jewish Week via JTA – Plus de 400 étudiants juifs de l’Université de Columbia ont signé une lettre ouverte dans laquelle ils défendent leur soutien à Israël et dénoncent le harcèlement dont ils ont été victimes aux abords du campement anti-Israël de l’établissement.
La lettre s’adresse également aux deux groupes qui, selon les signataires, ont tenté de parler en leur nom : leurs pairs juifs antisionistes et les anciens étudiants pro-Israël qui sont venus à l’école pour protester.
« Nous sommes sur place, nous vous écrivons en tant qu’étudiants juifs de l’université de Columbia, attachés à notre communauté et profondément engagés dans notre culture et notre histoire », peut-on lire dans la lettre. « Nous aimerions nous exprimer en notre nom. »
La lettre de 1 200 mots est devenue virale mercredi, trois semaines après l’installation d’un campement par des étudiants anti-Israël dans l’établissement et le déclenchement d’un mouvement national controversé appelant à se désinvestir d’Israël. Le mouvement s’est étendu à des dizaines d’autres universités [à travers le monde] et a conduit à l’arrestation de milliers d’étudiants, à des affrontements violents et à une vague de harcèlement et d’hostilité à l’égard des Juifs. La semaine dernière, à Columbia, des manifestants ont occupé un bâtiment du campus avant d’être arrêtés par le police.
Tant à Columbia que dans d’autres universités, des groupes externes, aussi bien d’un camp que de l’autre, ont participé aux manifestations. Ils ont même parfois provoqué des bagarres physiques ou fait des déclarations incendiaires.
Des personnalités politiques nationales, dont le président Républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, se sont également rendues à Columbia pour condamner les manifestations.
« C’est gentil de nous soutenir, mais cela n’a servi qu’à polariser davantage les esprits à l’université », a expliqué Eliana Goldin, l’une des quatre coauteurs de la lettre, au New York Jewish Week, à propos des manifestants pro-Israël qui ne sont pas affiliés à l’école. « J’aimerais que le monde entier reste en dehors des politiques universitaires afin que nous puissions résoudre nos problèmes par nous-mêmes. Vu que ce n’est pas le cas, nous voulions faire entendre notre voix. »
Goldin a expliqué que l’inspiration pour cette lettre leur est venue quand l’un des quatre coauteurs a remarqué que « des gens parlent en notre nom dans les journaux et disent ‘Voilà ce que pensent les Juifs dans les universités’, alors que ce n’est pas du tout le cas ». La lettre a été publiée samedi soir.
« Nous nous devions donc de publier notre déclaration, afin de faire connaître au monde notre position et de lutter contre les déclarations mensongères », a ajouté Goldin, étudiante du programme de premier cycle conjoint de Columbia et du Séminaire théologique juif, qui est également co-présidente du groupe pro-Israël de Columbia.
La lettre a été largement diffusée dans les jours qui ont suivi sa publication et a recueilli des centaines de signataires, dont plus de 450 mercredi après-midi. Certains de ceux qui l’ont partagée figurent parmi les plus éminents militants non étudiants qui font campagne contre l’antisémitisme dans les universités, comme le milliardaire et gestionnaire de fonds spéculatifs Bill Ackman, qui a écrit sur X que la lettre « offre une perspective précieuse sur ce que c’est que d’être un étudiant universitaire juif aujourd’hui ».
Une publication partageant la lettre du professeur israélien de Columbia Shai Davidai, qui a publiquement critiqué l’école pour ce qu’il dit être son incapacité à protéger ses étudiants juifs, a été vue plus d’un million de fois.
« Leur lettre explique ce que c’est que d’être un étudiant juif aujourd’hui mieux qu’aucun professeur comme moi ne pourrait le faire », a écrit Davidai.
La lettre ne se concentre pas sur le campement lui-même, mais cite plusieurs exemples de rhétorique antisémite et antisioniste accompagnant la manifestation, d’un leader étudiant soutenant que « la Shoah n’a rien de spécial » aux cris de « Nous ne voulons pas de sionistes ici ».
Une grande partie de la lettre explique pourquoi les étudiants considèrent que le soutien à un État juif fait partie intégrante de leur judaïsme.
« Nous croyons fièrement au droit du peuple juif à l’autodétermination dans notre patrie historique, qui est un principe fondamental de notre identité juive », poursuit la lettre. « Contrairement à ce que beaucoup ont essayé de vous faire croire, non, le judaïsme ne peut être séparé d’Israël. Le sionisme est, tout simplement, la manifestation de cette croyance ».
« Nous sommes pris pour cible parce que nous croyons qu’Israël, notre patrie ancestrale et religieuse, a le droit d’exister. Nous sommes visés par ceux qui utilisent à tort le mot ‘sioniste’ pour en faire une injure aseptisée à l’égard des Juifs, synonyme de raciste, d’oppresseur ou de génocidaire. Nous ne savons que trop bien que l’antisémitisme est un phénomène multiforme », poursuit la lettre.
Selon Goldin, le point le plus important de la lettre est la défense du sionisme.
« La partie la plus importante est de faire comprendre aux gens pourquoi nous sommes sionistes », a indiqué Goldin à la JTA. « Il y a un malentendu flagrant sur ce que signifie être sioniste. »
La lettre vise principalement à réfuter les affirmations des antisionistes, mais les signataires ont déclaré qu’ils étaient préoccupés par l’ingérence extérieure dans les manifestations émanant de l’ensemble du spectre idéologique. Ezra Dayanim, étudiant en dernière année à Columbia-JTS, a confié ne pas être « très favorable à l’ingérence de personnes extérieures dans les affaires de l’université ».
Cette lettre a été publiée peu de temps après une déclaration similaire des leaders étudiants juifs de l’UCLA. La lettre de l’UCLA a été publiée après que des militants pro-Israël non affiliés à l’institution ont attaqué le campement, ainsi qu’un activiste anti-Israël.
« Nous ne saurions adresser une demande plus claire à la communauté juive hors campus : restez hors de notre campus », ont écrit les étudiants de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA). « Ne financez aucune action dans l’enceinte de l’université. Ne manifestez pas sur le campus. Vos actions nuisent aux étudiants juifs. »
Dayanim s’est particulièrement insurgé contre un événement organisé lundi à l’occasion de la journée de commémoration de la Shoah, Yom HaShoah, à deux pâtés de maisons de l’université, par le Conseil israélo-américain et divers groupes juifs centristes et de droite.
La plupart des participants étaient des adultes israéliens qui n’avaient aucune affiliation avec Columbia. Outre le témoignage de Tova Friedman, survivante de la Shoah, l’ambassadeur d’Israël aux Nations unies, Gilad Erdan, s’est adressé à la foule en disant que « les événements dont nous sommes témoins aujourd’hui dans les universités rappellent la Nuit de Cristal dans l’Allemagne nazie ».
Dayanim a assisté à une partie du rassemblement, qu’il a qualifié de « cause louable ». Il s’est toutefois opposé aux appels lancés par des orateurs non étudiants à se désinvestir de Columbia. « Pour moi, le message a été totalement coopté », a-t-il déclaré.
« Nous voulons parler pour nous-mêmes », a-t-il ajouté. « Nous n’apprécions pas que des personnes extérieures viennent déformer totalement notre message. Cela nuit à notre crédibilité ».
Dans un email adressé à la communauté de Columbia et Barnard, le directeur exécutif de Hillel, Brian Cohen, a écrit que la lettre « exprime clairement ce que beaucoup d’entre nous ressentent – et me rend plus fier que jamais des leaders étudiants qui ont trouvé leur voix et leur communauté pendant cette période compliquée. Ces étudiants sont les meilleurs d’entre nous : résilients, réfléchis et profondément attachés au peuple juif et à Israël ».
Il a également énuméré les actions que les personnes non affiliées à l’université peuvent entreprendre, comme tendre la main à l’administration de l’université et l’encourager à prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des personnes impliquées dans l’occupation du Hamilton Hall.
Goldin espère que les étudiants situés aux deux extrémités du spectre seront plus enclins à se parler. Ces dernières années, de nombreux groupes anti-Israël ont adopté une politique « d’anti-normalisation » qui leur interdit d’interagir avec les groupes pro-Israël. Hillel International interdit, de son cote, les partenariats avec les groupes antisionistes.
« Nous devons faciliter le dialogue », a affirmé Goldin. « Nous sommes dans un établissement d’enseignement supérieur, nous sommes dans une université pour une raison ».
Elle a ajouté : « Se crier dessus lors de manifestations n’est pas productif ».
L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.