Législatives françaises : Comment l’antisémitisme est devenu un thème clé de la campagne ?
Selon le sociologue Michel Wieviorka, la question d'Israël devient prétexte pour la gauche de parler immigration, tandis qu'à droite, "elle est l'opportunité "de souligner la propreté supposée du RN"
Entre polémiques autour de la gauche radicale et tentative de normalisation du Rassemblement national, l’antisémitisme est devenu un thème clé de la campagne électorale, au grand dam des spécialistes qui s’inquiètent d’une « crise profonde » de la société française.
Pour comprendre pourquoi le sujet a enflammé la campagne, il faut remonter au 7 octobre, date de l’attaque terroriste sanglante du Hamas contre Israël, suivie d’une guerre qui dure depuis neuf mois, explique à l’AFP le sociologue Michel Wieviorka, qui note un « raidissement du côté de la gauche de la gauche sur la question palestinienne ».
« A partir du 7 octobre, on a vu se mettre en place des mobilisations où la question juive est importante, où on projette sur le sol français les problèmes du Proche-Orient, à notre façon », ajoute-t-il.
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LFI est critiquée le jour même, après un communiqué parlant « d’offensive armée de forces palestiniennes ». La polémique s’enflamme lorsque le parti refuse de participer à la grande manifestation contre l’antisémitisme du 12 novembre, en raison de la présence du RN.
Le sujet revient ensuite en boucle : en mars lorsque Rima Hassan, une franco-syrienne militante propalestinienne apparaît sur la liste LFI pour les européennes, en juin lorsque Jean-Luc Mélenchon parle « d’antisémitisme résiduel »…
LFI, qui conteste vivement les accusations, a retiré jeudi son investiture à un candidat dans le Loir-et-Cher pour des tweets antisémites. Le Nouveau Front populaire s’est lui engagé, dans son programme pour les législatives, à lutter contre l’antisémitisme.
Mais l’accusation perdure : pour Mario Stasi, président de la Licra, « l’antisémitisme a fait l’objet d’une instrumentalisation politique odieuse de la part de LFI », entraînant « une libération de la parole sur les réseaux sociaux ».
Le sujet occupe aussi l’actualité car les actes antisémites ont bondi : +1 000 % au dernier trimestre 2023, +300 % au premier de cette année.
Mais cette question est aussi « le prétexte pour affirmer des positions plus générales », explique Michel Wieviorka : « à gauche de la gauche, la question d’Israël permet de parler aux populations issues de l’immigration » tandis qu’à droite elle est l’opportunité « de souligner la propreté supposée du Rassemblement national ».
L’historien voit là l’aboutissement d’une « logique de dédiabolisation qui a commencé il y a au moins une dizaine d’années » et « qui inclut l’amour proclamé de la République, de la laïcité, des valeurs universelles et la fin de l’antisémitisme ».
« Rempart »
Le RN a de fait multiplié les gestes envers la communauté juive, participant à la marche du 12 novembre et s’affichant en « rempart », même si les critiques dénoncent un positionnement mu par une hostilité aux musulmans ainsi que des propos racistes, antisémites ou complotistes de certains candidats ayant le soutien du parti.
Dans le camp présidentiel, la thématique s’est aussi rapidement imposée, même si Emmanuel Macron n’a pas participé à la marche du 12 novembre.
Les symboles n’ont pas manqué, depuis le lancement « d’assises de lutte contre l’antisémitisme » en mai jusqu’au « temps d’échanges » dans les écoles demandé par Emmanuel Macron après le viol d’une adolescente juive de 12 ans à Courbevoie en juin.
LFI est également dans le viseur de la majorité : « A cause de La France insoumise, la gauche est en train de passer de ‘J’accuse!’ au banc des accusés », a affirmé le 21 juin Gabriel Attal.
Michel Wieviorka met toutefois en garde contre cette focalisation qui « ethnicise, en quelque sorte, les questions juives ».
Le réalisateur Jonathan Hayoun, auteur d’un documentaire « Histoire de l’antisémitisme » pour Arte, y voit même le symptôme d’une « crise profonde » de la société française.
Dans l’Histoire de France, « la ‘question juive’, celle de la place des Juifs ou de l’antisémitisme, est revenue à chaque fois qu’il y avait des crises », que ce soit lors de la Révolution (ils n’ont obtenu la citoyenneté qu’en 1791), lors de l’affaire Dreyfus, ou dans les années 30, rappelle-t-il.
Plus récemment un antisémitisme s’est aussi exprimé pendant la pandémie ou le mouvement des gilets jaunes, ajoute-t-il.
Mais il y a aujourd’hui un enjeu électoral. M. Hayoun s’inquiète que « l’association ‘juif-pouvoir’ ressurgisse, de manière terriblement négative et ostensiblement antisémite. »
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