Les accords sur la Loi du retour annoncent un conflit sur l’avenir de l’immigration
Selon l'accord de coalition avec les partis haredi, la "clause des petits-enfants", accordant la citoyenneté à toute personne ayant un grand-parent juif, pourrait être abrogée
La Loi du retour d’Israël, longtemps considérée comme le pilier de sa politique d’immigration, va être revue par le nouveau gouvernement, du moins partiellement. Un accord conclu par le Likud, le parti du Premier ministre désigné Benjamin Netanyahu, prévoit une révision et un éventuel amendement de la clause dite « des petits-enfants » de la loi par la coalition dans les mois à venir.
La clause relative aux petits-enfants, qui garantit la citoyenneté à toute personne ayant au moins un grand-parent juif, sous réserve qu’elle ne pratique pas une autre religion, a fait l’objet de vives critiques depuis les dernières élections. Le parti HaTzionout HaDatit a réclamé son abrogation à plusieurs reprises, affirmant – avec peu de preuves – que cette clause avait permis à un grand nombre de non-Juifs d’immigrer en Israël, dénaturant ainsi l’identité juive de l’État.
Au lendemain des élections, les partis ultra-orthodoxes Yahadout HaTorah et Shas, se sont ralliés à cette demande, de même que les partis Otzma Yehudit et Noam, qui se sont séparés de HaTzionout HaDatit. Certains législateurs du Likud, notamment les religieux, ont également appelé à l’abrogation de la clause, mais Netanyahu et les principaux dirigeants du parti se sont discrètement opposés à cette initiative, estimant qu’elle aliénerait à la fois les Juifs de la diaspora – en particulier les Juifs américains – et les Israéliens russophones, qui sont très nombreux à voter pour le Likud.
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Alors que la réforme s’appliquerait à tous les candidats à l’immigration, elle toucherait principalement ceux qui viennent de l’ancienne Union soviétique.
L’accord de coalition entre Yahadout HaTorah et le Likud, qui a été abondamment transmis jeudi soir, ainsi qu’une ébauche de principes entre le Likud et le parti d’extrême droite Otzma Yehudit, montrent que la clause relative aux petits-enfants n’a pas encore été supprimée, mais que son avenir demeure incertain.
Une commission composée de représentants de chaque parti de la coalition devra passer en revue la politique d’immigration et déterminer comment procéder avec la législation, selon l’accord de Yahadout HaTorah.
Selon l’accord de coalition, une décision sur la législation devra être prise par la coalition dans les 60 jours et le gouvernement aura jusqu’à l’adoption du budget – le 31 mars – pour modifier la loi « afin de soutenir une politique d’alyah appropriée », terme hébreu désignant l’immigration juive en Israël.
Le texte d’Otzma Yehudit est plus direct, mais tout aussi pauvre en détails, se contentant de dire que les deux partis se sont mis d’accord pour « modifier la clause des petits-enfants dans la Loi du retour », mais sans préciser comment elle serait modifiée.
Au début du mois, lors d’une interview avec NBC, Netanyahu avait affirmé que la question serait discutée mais qu’il ne pensait pas que la clause relative aux petits-enfants serait abrogée.
« Ce sera un grand débat, mais j’ai des opinions assez fermes. Je ne pense pas qu’il y aura des changements [à la loi du retour] » a déclaré Netanyahu.
Après la publication des informations détaillées sur les accords de coalition, le Likud a réitéré l’opposition du Premier ministre désigné à cette mesure.
« Nos partenaires au sein de la coalition ont demandé la modification de la clause relative aux petits-enfants prévue par la loi du retour. Netanyahu n’était pas d’accord. Il a donc été décidé de mettre sur pied une commission pour discuter de ce sujet », a déclaré le Likud.
La principale opposition à toute modification de la Loi du retour au sein du Likud vient du député Yuli Edelstein, lui-même immigré d’Union soviétique en Israël. Edelstein, qui est aujourd’hui un juif orthodoxe, est le fils d’un couple qui s’est converti au christianisme ; son père est un prêtre chrétien orthodoxe.
Edelstein s’est prononcé sans équivoque contre la proposition de réforme de la Loi du retour à la Knesset, affirmant que toute modification aurait des conséquences inattendues. « Ne la touchez pas », a-t-il insisté.
Comment cela pourrait se passer
Plusieurs possibilités sont envisageables pour la loi du retour, allant de l’abrogation totale de la clause relative aux petits-enfants au maintien de la loi dans sa forme actuelle. Une solution intermédiaire est la plus probable, mais sa position dépendra de la détermination des parties et de la quantité de capital politique qu’elles sont prêtes à dépenser pour obtenir ce qu’elles veulent.
Une façon relativement mineure et non controversée dont le gouvernement entrant pourrait – et va probablement – modifier la politique d’immigration serait d’inverser une loi de 2017 qui accorde des passeports aux nouveaux immigrants immédiatement après avoir reçu la citoyenneté. Avant 2017, les nouveaux immigrants n’obtenaient un passeport qu’après avoir vécu en Israël pendant un an, devant dans l’intervalle quitter le pays avec un « document de voyage » temporaire.
Cette possibilité de recevoir un passeport immédiatement a suscité d’importantes critiques ces dernières semaines, après la diffusion d’informations indiquant qu’un grand nombre de nouveaux immigrants, notamment en provenance de Russie, se seraient empressés de quitter Israël pour se rendre à l’étranger peu de temps après avoir obtenu leur passeport israélien. Certains y ont vu une campagne politique visant à mobiliser la population en faveur d’une modification de la loi du retour.
Un soutien à ce changement a été évoqué dans l’accord de coalition de Yahadout HaTorah, qui mentionne la nécessité « d’empêcher l’utilisation abusive des droits que l’État accorde aux nouveaux immigrants par ceux qui retournent dans leur pays d’origine peu après avoir immigré en Israël ».
La semaine dernière, à la Knesset, la ministre de l’Immigration et de l’Intégration, Pnina Tamano-Shata, a déclaré que ces chiffres avaient été exagérés et déformés, car beaucoup de ceux qui retournent en Russie le font pour régler leurs affaires – un processus rendu plus compliqué par les sanctions internationales contre les institutions russes – avant de revenir en Israël pour y vivre pour de bon. Cependant, et bien qu’elle se soit fermement opposée à la modification de la Loi du retour, elle a également déclaré qu’elle soutiendrait la modification de la loi dite du passeport.
D’autres idées, beaucoup plus controversées, ont été proposées comme solution de compromis : accorder uniquement la résidence permanente, et non la citoyenneté, aux petits-enfants de juifs ; accorder la citoyenneté aux petits-enfants de juifs uniquement en cas de regroupement familial, lorsqu’un parent direct vit déjà en Israël ; ou leur permettre d’immigrer mais leur refuser les avantages économiques dont bénéficient tous les autres nouveaux immigrants, ce que l’on appelle le « sal klita » ou « panier d’intégration ».
L’intégration de la diaspora
La question de l’abrogation de la clause des petits-enfants a profondément irrité les organisations juives internationales et les juifs de la diaspora en général, puisque même les partisans les plus convaincus d’Israël ont mis en garde contre toute modification de la Loi du retour.
Cela s’explique en grande partie par le fait que la Loi du retour est perçue comme une sorte de garde-barrière du peuple juif. De nombreuses organisations juives l’utilisent pour déterminer qui peut participer à leurs programmes ; la restreindre empêcherait symboliquement certaines personnes d’être considérées comme juives.
« C’est profondément symbolique. Il ne s’agit pas de l’impact pratique, mais du symbole », a déclaré Scott Lasensky, professeur d’études juives à l’université du Maryland et chercheur depuis de nombreuses années dans le domaine des relations américano-israéliennes.
Si aux yeux des juifs américains, la modification de la loi ne devrait pas avoir d’impact significatif sur l’immigration aujourd’hui, Lasensky a déclaré que certains pensent que la modification de la loi du retour pourrait affecter leurs enfants ou petits-enfants. « Pour les leaders adultes [de la communauté juive] – les personnes de plus de 40 ou 50 ans – ils ne savent pas où leurs enfants et petits-enfants se situeront dans le spectre de la définition [de ce qu’est un Juif] », a-t-il déclaré.
Lasensky a ajouté qu’il semblerait que si les Israéliens accordent aux Juifs de la diaspora le droit d’exprimer leurs préoccupations sur des questions telles que la loi du retour et la définition de ce qu’est un Juif, ce n’est, généralement, pas le cas en ce qui concerne la plupart des autres politiques intérieures et étrangères.
« Les dirigeants juifs américains comprennent que si l’on veut se prononcer sur quelque chose, il y a une volonté ou une tolérance en Israël à écouter les opinions sur les questions qui touchent directement [la diaspora]. Et il s’agit là d’une question qui a une incidence directe », a-t-il déclaré.
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