Les alliés d’Israël dénoncent Marche des drapeaux et élus sur le mont du Temple
Les Émirats, le Bahreïn, la Turquie, la Jordanie et l'Égypte condamnent la "prise d'assaut" et les prières juives qui violent le statu quo ; les USA dénoncent les chants racistes
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Les États-Unis et presque tous les alliés d’Israël au Moyen-Orient ont publié jeudi des déclarations condamnant Jérusalem pour avoir autorisé des législateurs à se rendre sur le mont du Temple, un point sensible, et pour la marche annuelle controversée de nationalistes religieux à travers le quartier musulman de la Vieille Ville, entachée une fois de plus par la violence et le racisme à l’égard des Palestiniens.
Les ministères des Affaires étrangères de la Jordanie, de l’Égypte, des Émirats arabes unis, du Bahreïn et de la Turquie ont chacun publié une déclaration réprimandant Israël pour la « prise d’assaut » du mont du Temple, que les musulmans appellent le Noble Sanctuaire.
Les déclarations de la Jordanie et de l’Égypte ont également critiqué la décision d’organiser la « Marche des drapeaux ».
Les députés qui se sont rendus sur le mont du Temple étaient le ministre du Néguev et de la Galilée, Yitzhak Wasserlauf, et le député Yitzhak Kroizer, tous deux membres du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, ainsi que les députés du Likud Dan Illouz, Amit Halevi et Ariel Kallner.
Ils faisaient également partie de la vingtaine de législateurs qui, plus tard dans la journée de jeudi, ont participé à la Marche des drapeaux, destinée à commémorer la réunification par Israël de Jérusalem-Est et de Jérusalem-Ouest au cours de la guerre des Six Jours de 1967.
Des images publiées en ligne par un militant jeudi matin montrent un groupe de juifs priant ouvertement sur le mont du Temple, en violation des accords informels établis dans le cadre du statu quo, selon lesquels les juifs sont autorisés à visiter le site – à certaines heures, dans le cadre de restrictions strictes et en empruntant un itinéraire prédéterminé – mais ne peuvent pas y prier.
La Jordanie a qualifié ces « actions provocatrices, d’inacceptables », en faisant remarquer qu’elles s’étaient déroulées « sous la protection de la police israélienne ».
La Jordanie a également déconseillé à Israël d’autoriser la marche des drapeaux, « provocatrice et source de tensions », un conseil que Jérusalem a rejeté.
« Israël n’a aucune souveraineté ni sur Jérusalem ni sur les lieux saints, et Jérusalem-Est est une terre palestinienne occupée », a déclaré la Jordanie.
Dans le cadre du traité de paix de 1994, Israël a accepté de reconnaître le « rôle spécial » de la Jordanie dans l’administration des lieux saints musulmans et chrétiens, mais Amman se considère comme le dépositaire officiel de ces lieux, avis partagé par une grande partie de la communauté internationale.
Le ministère des Affaires étrangères jordanien a déclaré que la totalité des « 144 dunams » [14 ha] de l’enceinte du mont Temple sont « un lieu de culte réservé exclusivement aux musulmans ».
Le mont du Temple est le site le plus sacré pour les juifs, car c’est là que se trouvent les deux temples bibliques, alors que la mosquée Al-Aqsa, située sur le mont, est le troisième lieu saint de l’islam. Le mont est cause de vives tensions dans le conflit israélo-palestinien. De nombreux musulmans nient tout lien juif avec le site et considèrent toute présence israélienne sur place comme une provocation.
L’Égypte a elle aussi condamné les visites de législateurs israéliens sur le mont du Temple ainsi que l’itinéraire de la Marche des drapeaux qui passait par la porte de Damas et le quartier musulman, principalement utilisés par les Palestiniens. Les critiques affirment que le seul but du rassemblement est de provoquer les Palestiniens, qui sont contraints par la police israélienne de fermer leurs magasins pour laisser se dérouler la manifestation.
Comme elle l’a fait ces deux dernières années, l’administration Biden a demandé à Israël, avant la journée de jeudi, de modifier l’itinéraire de la marche afin qu’elle ne passe pas par le quartier musulman. La tâche s’annonçait ardue, dans la mesure où le gouvernement précédent, plus modéré, avait déjà rejeté cette demande l’année dernière, et que le Premier ministre Benjamin Netanyahu en avait fait de même.
Le communiqué du département d’État américain s’est concentré sur la Marche des drapeaux, plutôt que sur les visites du mont du Temple, en déclarant : « Nous continuons à exhorter toutes les parties à faire preuve de retenue et à s’abstenir d’actions provocatrices ou de rhétorique qui attisent les tensions. Cela inclut bien évidemment toute déclaration ou action raciste, ainsi que la violence ».
« Les Etats-Unis s’opposent sans équivoque à des propos racistes sous toute forme. Nous condamnons les chants haineux comme « mort aux Arabes » lors des manifestations aujourd’hui à Jérusalem », a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller, sur Twitter.
« Comme l’a dit le président Biden, ‘Jérusalem est centrale aux visions nationales tant des Palestiniens que des Israéliens’ et ‘doit être une ville pour tous ses habitants’. »
« En tant que partenaire et ami proche d’Israël, nous appelons les dirigeants israéliens à condamner ces propos ignobles », a déclaré le département d’État.
The United States unequivocally opposes racist language of any form. We condemn the hateful chants such as “Death to Arabs” during today’s marches in Jerusalem.
— Matthew Miller (@StateDeptSpox) May 19, 2023
Différents groupes de participants à la Marche des drapeaux se sont affrontés, ont frappé des Palestiniens et ont harcelé des journalistes. Ils ont également entonné des chants racistes tels que « Mort aux Arabes », « Que votre village brûle » et « Un Arabe est un fils de p*** » en dansant près de la porte de Damas avant et pendant le rassemblement de jeudi après-midi.
La déclaration du ministère des Affaires étrangères égyptiennes s’est essentiellement focalisée sur les visites sur le mont du Temple, qui suscitent depuis longtemps des critiques de la part des alliés et des adversaires arabes d’Israël.
Selon Le Caire, le comportement israélien de jeudi avait pour but de « harceler les fidèles [palestiniens] et de provoquer la population palestinienne dans son ensemble ».
« La mosquée al-Aqsa est un lieu saint purement islamique », a déclaré l’Égypte, exhortant Israël à respecter le statu quo et le droit international.
Dans sa déclaration, la Turquie a dénoncé les visites sur le mont du Temple de « groupes juifs fanatiques sous protection policière et leurs tentatives de prier dans cette zone, violant une fois de plus le statu quo historique à Haram al-Sharif », le terme arabe pour désigner le mont du Temple.
« Nous réitérons notre appel au gouvernement israélien à ne pas tolérer de telles actes provocateurs et, à cette fin, nous demandons que les mesures nécessaires pour le maintien du statu quo dans les lieux saints soient prises sérieusement et sans tarder », a déclaré Ankara.
Dans sa déclaration, Bahreïn a exhorté Israël « à ne pas porter préjudice au rôle du royaume hachémite frère dans la gestion des lieux sacrés, leur entretien et leur protection conformément aux résolutions internationales, la protection absolue des fidèles et l’arrêt de toute pratique raciste ou provocatrice susceptible d’alimenter tensions et instabilité ».
Bahreïn a également insisté sur son soutien à une solution à deux États basée sur les lignes d’avant 1967 ainsi qu’à l’initiative de paix arabe – une position qui laisse quelque peu perplexe, étant donné que la proposition saoudienne de 2002 stipule que les membres de la Ligue arabe ne feront la paix avec Israël qu’après la création d’un État palestinien. Bahreïn a normalisé ses relations avec Israël en 2020, sans attendre une solution à deux États pour le faire.
Dans son communiqué, le ministère des Affaires étrangères des Émirats a « condamné fermement » les « extrémistes » juifs qui se sont rendus sur le mont du Temple et a appelé à l’arrêt des « violations graves et provocatrices » du lieu saint.
Il a également appelé les autorités israéliennes à « mettre fin à l’escalade et à éviter de prendre des mesures visant à exacerber les tensions et l’instabilité dans la région ».
Fait à noter, les quelque 1 200 visiteurs juifs du mont du Temple étaient deux fois moins nombreux que ceux qui ont traversé le site l’année dernière.