Les dons aux organisations pro-palestiniennes passent par cette ONG new-yorkaise dirigée par des Juifs
Dirigé par Howard Horowitz, ex-juif orthodoxe devenu anti-sioniste en Israël, Wespac est le pivot financier de Within Our Lifetime, National SJP et d'autres

Si la manifestation « Mondialiser l’Intifada » a eu lieu à l’Université Columbia, vendredi, c’est un peu grâce à l’organisation Within Our Lifetime, qui a déplacé ses partisans sur le campus pour manifester contre la suspension des organisations pro-palestiniennes par les autorités universitaires.
Le groupe s’est fait connaître, ces derniers mois, en raison de ses fréquentes – et bruyantes – manifestations favorables à l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre, et pour ses appels à l’élimination d’Israël. Il est le fruit du travail d’un ex-dirigeant de Students for Justice en Palestine (SJP), pour l’heure suspendu de Columbia, dont l’organisation nationale s’est publiquement réjouie du massacre du 7 octobre – dans lequel 1 200 personnes, pour la plupart des civils, ont été brutalement assassinées et 253 prises en otage dans la bande de Gaza –, qualifié de « victoire historique ».
Depuis le 7 octobre, ces deux organisations sont devenues les principaux opposants publics à Israël, que ce soit à New York ou au-delà. En dépit de leur importance, leurs finances et opérations internes sont difficiles à suivre. Toutes deux font transiter les dons qui leur sont faits par l’intermédiaire d’une petite et discrète ONG de Westchester présidée par Howard Horowitz, militant juif de gauche devenu anti-sioniste depuis un séjour en Israël remontant a des dizaines d’années.
Horowitz a déclaré au New York Jewish Week qu’Israël « a déplacé, déshumanisé et dépossédé de leurs biens – et est en train d’anéantir – ceux qui seraient accueillis comme des égaux selon les valeurs juives auxquelles je crois et que j’aime. »
Il a beau avoir condamné le massacre du 7 octobre dernier, Horowitz dit que son horreur a rapidement cédé le pas à la colère suite à la riposte d’Israël, qu’il qualifie de génocidaire.
« Le 7 octobre a été épouvantable et émotionnellement dévastateur », a-t-il écrit dans un long courriel en réponse à des questions. Même si je suis horrifié par les atrocités du Hamas, je crois qu’il est important de comprendre pourquoi ces combattants palestiniens ont pris d’assaut le mur du ghetto. Mon indignation face aux atrocités commises par le Hamas a rapidement cédé la place à mon indignation lorsqu’Israël a annoncé et commencé la mise en œuvre du génocide. »
Horowitz, chercheur de marché de profession, préside le conseil d’administration de la Westchester People’s Action Coalition Foundation, connue sous le nom de Wespac. Fondée en 1974, Wespac a pour principe directeur « des manifestations non violentes contre l’injustice, les discriminations, la guerre ou les causes du changement climatique ».

L’organisation est également le très discret pivot financier – via le parrainage fiscal – de Within Our Lifetime, National SJP et d’autres organisations pro-palestiniennes : l’ONG collecte des fonds au nom d’organisations qui n’ont pas, elles, le statut d’ONG à but non lucratif. Le chiffre d’affaires de Wespac a plus que doublé depuis 2019.
Pour les organisations pro-palestiniennes, le parrainage fiscal leur permet de recevoir des dons et des subventions déductibles des impôts. Il leur permet par ailleurs de ne pas avoir à fournir les documents fiscaux attendus des ONG, à commencer par le budget de fonctionnement, les actifs ou les dépenses. Par ailleurs, le parrain fiscal se charge de donner le détail des organisations pour lesquelles il recueille des fonds.
Wespac ne révèle pas l’étendue de ses commandites fiscales. Pour National SJP et Within Our Lifetime, le seul et unique lien se trouve dans une ligne de texte, au bas d’une page de don en ligne, ou un avis à l’adresse de Wespac sur le reçu de don. Ces organisations n’ont pas souhaité faire de commentaires.

Horowitz a écrit au New York Jewish Week que le parrainage fiscal était conforme à l’objectif de Wespac d’aider « ceux qui, autrement, seraient des victimes ignorées de la guerre, de l’injustice et de la dégradation de l’environnement ». Il a déclaré : « La mission de paix et de justice de ces organisations est totalement en phase avec la nôtre » et leur « attachement à la non-violence correspond au nôtre ».
Les bureaux de Wespac se trouvent à White Plains et les racines du groupe remontent au mouvement contre la guerre du Vietnam et pour les droits civiques, explique Horowitz, qui s’est impliqué dans les années 1970, après avoir vécu à Jérusalem et dans un kibboutz. Vivre avec des Israéliens laïcs a été un point d’inflexion pour Horowitz, qui a grandi dans une famille orthodoxe de New York. Ses opinions politiques ont radicalement changé : Israël, alors en plein virage à droite à l’époque, l’a beaucoup déçu, à l’instar de sa politique envers les Palestiniens.
« Mes croyances sionistes se sont brisées sur la réalité historique », explique-t-il dans son courriel, ajoutant que son opposition à Israël remonte à sa fondation, par un vote des Nations unies recommandant la partition du pays en deux États séparés, un juif et un palestinien.
« Ce plan de partage a privé la population palestinienne de ses maisons, ses moyens de subsistance et ses terres », dit-il. Utilisant le terme signifiant « catastrophe » que les Palestiniens utilisent pour désigner la création d’Israël, il ajoute : « Ça a été la Nakba. »

Selon la publication locale Lohud, les positions pro-palestiniennes d’Horowitz sont reprises par la directrice exécutive et unique employée de Wespac, Nada Khader, qui a des racines palestiniennes et des proches en Cisjordanie et en Israël. Wespac fait depuis longtemps campagne en faveur des Palestiniens et de la campagne anti-israélienne Boycott, Désinvestissement et Sanctions, connue sous le nom de BDS.
Khader a condamné l’attaque du 7 octobre dernier et, dans une déclaration du 10 octobre, a dénoncé les « crimes contre l’humanité » commis par le Hamas et Israël. Elle a reproché à Israël ses « bombardements aveugles et délibérés de civils », ce qu’Israël nie vigoureusement. Cette déclaration disait également : « Il y a un contexte à l’attaque de Gaza. »
« Nous ne tolérons pas les attaques contre les civils, pas plus que les violences de quelque nature que ce soit. Mais nous sommes conscients de ses causes, profondément enracinées dans l’oppression, l’injustice et l’apartheid », a écrit Khader.
C’est essentiellement par le parrainage fiscal que Wespac aide les activistes pro-palestiniens.
L’Anti-Defamation League (ADL) a déclaré dans un rapport de 2022 que Wespac avait parrainé 15 organisations liées au conflit israélo-palestinien, soit bien plus que pour toute autre cause. On ignore le nombre exact d’organisations qu’il parraine. Parmi elles, figurent le Réseau de la communauté palestinienne des États-Unis, le Réseau international juif anti-sioniste, le Collectif féministe palestinien, le Palestine Freedom Project et Adalah-NY, qui collectent tous des dons en ligne par le biais de Wespac.
Selon des pages Internet archivées, Wespac parraine National SJP depuis au moins 2019 et Within Our Lifetime, depuis 2020.
« Bien que Wespac ne soit pas une organisation strictement anti-israélienne, le grand nombre d’organisations et de projets parrainés, qui ont souvent propagé l’antisémitisme ou appelé à la violence contre Israël, est assurément troublant », indique le rapport de l’ADL. « Le soutien administratif de Wespac à ces organisations contribue à ce que des discours provocateurs et parfois antisémites continuent à se répandre dans les milieux de gauche. »

Ce soutien administratif ne figure ni sur le site Internet de Wespac ni dans les documents fiscaux, qui ne donnent aucune indication sur le fait qu’il accepte ou fasse transiter des fonds pour plusieurs organisations pro-palestiniennes.
Wespac a enregistré des revenus de 1,07 million de dollars en 2021 – dernière année pour laquelle des informations financières sont accessibles – dont 750 000 $ en contributions et subventions. Elle avait également un actif de 1,05 million de dollars.
Ces revenus comprennent notamment l’argent reçu par Wespac grâce à ses parrainages fiscaux, explique Doug White, conseiller philanthropique et auteur de cinq ouvrages sur les ONG à but non lucratif. Le parrainage fiscal comporte « beaucoup de zones d’ombre » sur le plan juridique, dit-il, puisque les organisations impliquées ne sont pas tenues de préciser leurs relations ou leurs transactions.
« Il n’y a aucun moyen légal de suivre l’argent qui se retrouve entre les mains de ces organisations palestiniennes », affirme White. « En conséquence, on se réfère aux bonnes pratiques », qui, selon lui, recommandent aux intermédiaires fiscaux d’être transparents sur leurs activités.
Pour Wespac, estime-t-il, cette transparence serait particulièrement justifiée au cas présent, alors que la guerre entre Israël et le Hamas attire tous les regards et que les organisations pro-palestiniennes sont de plus en plus exposées.
« Si j’étais à la tête de Wespac et que je finançais une organisation palestinienne, peut-être même plus d’une, je serais très clair sur la question et sur mes raisons », explique White. « Si vous n’avez pas le temps de le mettre dans un rapport annuel ou quelque chose d’approchant, il est possible de le mettre sur Internet en disant : ‘Écoutez, nous comprenons qu’il s’agit d’un sujet important et brûlant en ce moment. Nous voulons que vous compreniez ce que nous faisons et pourquoi’. »
Joshua Avedon, PDG de Jumpstart Labs, ONG juive à but non lucratif qui agit en tant que sponsor fiscal, estime que les sponsors fiscaux et organisations parrainées devraient rendre ces arrangements publics, conformément aux recommandations sur les bonnes pratiques.
« Il n’existe pas de règles strictes sur ce qui doit ou ne doit pas être fait par un sponsor fiscal, ce qui en fait une sorte de Far West. Il existe des pratiques exemplaires », explique M. Avedon, ajoutant : « Le manque de transparence est un signal d’alarme ».
Si une organisation demande des fonds sans indiquer explicitement qu’elle n’a pas le statut d’ONG à but non lucratif, « ou si une organisation agit en tant que sponsor sans vouloir dire qui il aide, ce sont là deux signes d’un fonctionnement peu conforme aux bonnes pratiques », dit-il.

Les pages de dons pour l’association nationale de Students for Justice in Palestine et le Mouvement de la jeunesse palestinienne indiquent que les contributions qui leur parviennent passent par la Fondation Wespac.
La page de don de Within Our Lifetime fait état d’un parrainage fiscal de la part de Wespac jusqu’en mai 2022 mais un petit don récemment fait à l’organisation a été acheminée via les bureaux de Wespac. Within Our Lifetime ne fait actuellement aucune mention de Wespac sur sa page de don ou sur son site Internet.
Selon les documents fiscaux, les revenus de Wespac ont considérablement augmenté depuis 2019, année au cours de laquelle elle a encaissé un peu plus de 400 000 dollars. Sa plus récente déclaration fiscale indique qu’elle a dépensé plus de 600 000 dollars en frais de bureau – soit l’essentiel de ses coûts et bien plus que le loyer d’autres bureaux à louer dans son immeuble. Selon Arthur Allen, expert dans la comptabilité des ONG à but non lucratif, il peut s’agir d’un cas de combinaison inappropriée des dépenses, pratique courante pour les ONG à but non lucratif, même si cela va à l’encontre des directives des autorités fiscales.
Parmi les donateurs récents de Wespac, on compte la Fondation Elias, organisation de défense progressiste qui a également financé Jewish Voice for Peace, l’ONG de défense de l’environnement Grassroots International et la Fondation Kiblawi, groupe philanthropique de Virginie.
La Sparkplug Foundation, ONG à but non lucratif de New York, dit avoir fait un don de 20 000 dollars à « National Students for Justice » par l’intermédiaire de Wespac en 2022 et le Fonds Bafrayung de Californie, avoir contribué cette même année à hauteur de 20 000 dollars au Mouvement de la jeunesse palestinienne par l’intermédiaire de Wespac. D’autres fonds orientés par ce donateur sont également passés par Wespac récemment.
Ni Horowitz ni Khader n’ont répondu aux questions sur les parrainages fiscaux de Wespac.
L’organisation entretient des relations avec d’autres organisations progressistes et des politiciens. Le Représentant Jamaal Bowman, qui représente la région, a présenté Khader lors de son rassemblement de lancement de campagne la semaine dernière, aux côtés de la Représentante Alexandria Ocasio-Cortez.
Cette organisation n’est pas l’unique activité bénévole d’Horowitz. Il est également membre de la section locale de l’organisation anti-sioniste Jewish Voice for Peace. Et il est actif au sein de deux institutions juives locales qui soutiennent Israël : le Temple Israel de New Rochelle, congrégation réformée qui a récemment organisé un événement intitulé « Faites un don de Challah à l’armée israélienne », et la Westchester Jewish Coalition for Immigration, qui aide les populations déplacées en Israël et les otages enlevés par le Hamas le 7 octobre.
Cela fait des années qu’Horowitz invite les institutions juives traditionnelles à ne plus soutenir Israël, dont il affirme depuis 2018 qu’il se livre à un génocide.
« Où sont nos rabbins pour dénoncer les violences perpétrées par Israël ? Ils sont peu nombreux. Et la grande majorité répète ‘Je soutiens Israël’, sans tenir compte de l’atroce réalité du terrain », a-t-il écrit par courriel.
« On liquide un ghetto appelé Gaza, une atrocité complète. Il n’y a pas d’autre façon de voir ce qui se passe en ce moment. », dit-il, suivi de : « Il est temps de faire ‘T’shuva’, se repentir. Je crois que l’avenir du peuple juif dépend de la justice dont il fait preuve envers la Palestine. Vérité et réconciliation sont les seules façons d’aller de l’avant. »
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel