Israël en guerre - Jour 435

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Analyse

Les F35 israéliens peuvent-ils changer la donne des S-300 iraniens ?

L’achat des coûteux avions de chasse a entraîné des années de polémique. Pourtant, avec la livraison actuelle par la Russie de son système de défense aérienne à l’Iran, l’officier en chef responsable des achats de l’armée de l’air soutient fermement l’appareil très critiqué

Mitch Ginsburg est le correspondant des questions militaires du Times of Israel

Un F-35 s'envole pour son premier vol de nuit le 18 janvier 2012 (Crédit : US Air Force / Tom Reynolds)
Un F-35 s'envole pour son premier vol de nuit le 18 janvier 2012 (Crédit : US Air Force / Tom Reynolds)

Au cours des longues années de son développement, l’avion de combat F-35 a été attaqué de tous les côtés.

Que n’avons-nous pas entendu : il serait trop lourd et pas assez puissant, il n’a qu’un moteur alors qu’il devrait en avoir deux, ce moteur pourrait bien avoir un sérieux problème de conception et de structure, ses ailes sont trop courtes, sa capacité furtive est insuffisante et son coût serait prohibitif.

Pourtant, alors que la Russie cherche à accroître son influence dans la région en vendant son armement de défense aérienne dernier cri, notamment le système de missile de défense S-300, que le président Vladimir Poutine a promis de livrer à l’Iran dans le sillage de l’accord cadre sur le nucléaire atteint plus tôt ce mois, l’armée de l’air israélienne vole vers la protection du F-35.

Dans un récent entretien avec le Times of Israël, le porte-parole de l’armée pour l’acquisition et l’intégration du F-35 qui est immergé dans le projet depuis 2005, soutient fermement l’achat et le replace dans une perspective historique, soulignant que chaque bond en avant a dû affronter un mur d’opposition au commencement.

En Israël, une partie importante de la critique s’est concentrée sur le coût de l’avion américain et l’érosion du savoir-faire autochtone.

L’ancien ministre de la défense Moshe Arens, ingénieur aéronautique de formation et une des voix les plus critiques du programme, a déclaré au Times of Israël en octobre que s’il pourrait « être bien d’avoir » le F-35, il n’en voyait pas le besoin en considérant les contraintes bugdétaires du pays.

Il a noté que l’armée opérait toujours avec des véhicules blindés de transport de troupes de l’époque de la guerre du Vietnam, avec le résultat fatal de l’été dernier dans le quartier Chajaya à Gaza, et a dit qu’Israël ferait mieux de moderniser ses avions F-15 et F-16 et d’investir les fonds supplémentaires dans les forces terrestres.

En outre, a expliqué Arens dans une série de tribunes publiées dans le quotidien Haaretz, la décision d’Israël en 1987 d’arrêter le projet d’avion de combat Lavi était une erreur avec des proportions historiques qui a conduit à l’atrophie de ce qui était une fois le meilleur des départements d’élaboration d’avions de combat au monde.

Les missiles tactiques d’Israël, ses avions sans pilotes, ses tanks, ses radars, ses satellites ou ses missiles intercepteurs sont parmi les meilleurs au monde, a-t-il écrit. Son engagement avec le F-35 est né dans un esprit défaitiste et devrait être réexaminé.

Il est cependant trop tard pour tout cela maintenant. La question centrale aujourd’hui, et celle qui se dressera alors qu’Israël forme un nouveau gouvernement et autorise le plan de dépense de l’armée pour cinq ans, qui n’a pas été accepté pendant deux ans de suite et a entravé la capacité de l’armée de se projeter dans le futur, est la quantité.

Le ministère de la Défense d’Israël a envoyé en 2003 une Lettre de Demande au Congrès pour obtenir une autorisation d’acheter « jusqu’à » 75 avions.

En 2010, un accord a été signé avec la compagnie aéronautique basée aux Etats-Unis Lockheed-Martin pour 19 F-35A, avec les premiers appareils devant arriver pour la fin 2016.

Le coût total de l’accord était de 2,75 milliards de dollars, a déclaré un porte parole de Lockheed-Martin, dont 475 millions étaient des coûts non récurrents pour l’intégration des systèmes israéliens. Le coût par appareil était environ de 120 millions de dollars.

Le plan complet, comme il a été rédigé par l’armée de l’air israélienne et approuvé par le ministère de la Défense, était pour deux escadrons de 25 avions chacun, soit environ six milliards de dollars, dont la totalité serait payée par l’aide américaine à Israël, qui s’élève à trois milliards par an et doit être dépensée en grande partie aux Etats-Unis.

Pourtant, en Israël, où le budget du ministère de la Défense est une pomme de discorde constante, avec environ 15 milliards de dollars par an, il reçoit plus que n’importe quel autre ministère mais pour une plus petite part du PIB [6,5 %] que dans les générations passées, la question de la nécessité après des décennies de suprématie de l’armée de l’air israélienne au Moyen-Orient, est venu sur le devant de la scène.

En février, le Comité ministériel d’Approvisionnement de la Défense a rejeté la demande du ministère de la Défense pour 50 avions.

« Le gouvernement n’a pas un tampon en caoutchouc pour l’établissement de la défense », a déclaré le ministre des Renseignements et de la Stratégie, Yuval Steinitz, après que le comité n’ait approuvé que 14 nouveaux avions, pour 110 millions chacun, amenant le total à 33.

Les Industries aérospatiales israéliennes ont atteint un accord similaire avec Lockheed-Martin (LM) pour produire jusqu’à 400 paires d’ailes pour le fuselage du F-35 afin de les vendre à LM pour un montant supérieur à deux milliards de dollars sur la décennie, avec un engagement similaire envers la compagnie israélienne Elbit pour produire la prochaine génération de casques de pilotes de F-35.

Au-delà de ce bénéfice supplémentaire pour Israël, Steinitz et d’autres ont maintenu que l’avion avait des « faiblesses » et des « problèmes », et qu’il pourrait être plus utile d’investir dans d’autres types de puissance de feu sans « mettre tous nos œufs dans le panier de l’armée de l’air ».

Le Lieutenant Colonel B, porte-parole de l’armée de l’air pour le F-35, a déjà entendu tout cela et bien plus encore.

Dans son bureau à l’allure d’une boîte et s’exprimant avec le bruit du système d’air conditionné en bruit de fond, il a clairement exprimé le choix historique pour le F-35. Il a assuré au Times of Israël que l’avantage qualitatif d’Israël dans le ciel s’épuise et que la prudence demande que l’armée de l’air sache quand il est trop tard pour les améliorations et les modernisations et quand le besoin d’un saut en avant technologique, ou d’une « nouvelle génération », est venu.

Cela a commencé avec le Meteor. Il était fabriqué en Grande-Bretagne au milieu des années 40. Contrairement aux Messerschmitts et Spitfires adorés de l’armée de l’air israélienne, tous les deux ont été utilisés pendant le Guerre d’Indépendance d’Israël, le Meteor avait bombardé des cibles mais n’avait pas vu le combat aérien pendant la Seconde Guerre mondiale.

Son aérodynamisme était problématique et sa capacité de tir et de transport de bombes était égale mais pas supérieure à celles de ses prédécesseurs.

Néanmoins, il était pourvu d’un moteur à réaction, a déclaré le Lieutenant Colonel B, et cette vitesse, représentant la deuxième génération d’avions de combat de l’armée de l’air, l’a mis sur un pied d’égalité avec les armées de l’air beaucoup plus importantes des pays ennemis. Le 1er septembre 1955, le Capitaine Aaron Yoeli a abattu une paire d’avions égyptiens au-dessus du Negev occidental, marquant la première victoire d’un jet au Moyen-Orient.

En 1968, Israël a acheté le Phantom américain, qui était plus rapide que le Mirage et pouvait transporter près de six fois sa charge utile.

« Notre concept est que nous ne vainquerons jamais avec la quantité, a déclaré le Lieutenant Colonel B. Nous gagnerons en étant les premiers ». Le Phantom était « le premier bombardier qui pouvait s’infiltrer loin dans le territoire ennemi ».

Après la Guerre de Yom Kipour, a-t-il continué, toute l’armée de l’air était opposée au F-15. Il n’avait volé nulle part, il était nouveau et cher. De plus, le Phantom, la troisième génération d’avions de combat de l’armée de l’air, avait fait de belles performances au combat. « La question, a-t-il déclaré, est de savoir où placer la limite entre le présent et le futur », en d’autres termes, quand faut-il arrêter moderniser les appareils en service.

En décembre 1976, cinq des 20 premiers F-15 dans le monde sont arrivés en Israël. Quatre ans plus tard, en 1980, quelques uns des premiers F-16 ont été apportés dans le pays. Ces achats, et la victoire nette de l’Occident dans la Guerre Froide, ont amené une génération de supériorité aérienne incontestée pour Israël.

En pratique, cette supériorité n’a pas disparu. Israël aurait envoyé des avions pour attaquer le réacteur nucléaire dans l’est de la Syrie en septembre 2007 et, parmi d’autres opérations à l’extérieur, a frappé des cibles à plus de 1500 km de distance au nord du Soudan.

Pas une seule fois les avions ennemis ont pu répondre au défi de l’arrivée d’avions israéliens. Les avions n’ont peut-être pas été détectés par les radars ennemis. Pourtant, après maintenant six modernisations du F-15, a déclaré le Lieutenant Colonel B, la capacité de faire « ce que nous voulons » au Moyen-Orient « commence à s’effriter ».

L’Egypte et l’Arabie Saudite ont des armées de l’air dernier cri fourni par l’Occident. Le premier a un traité de paix avec Israël. Le deuxième a des intérêts en commun, contre l’Iran et l’islam radical sunnite, avec l’Etat juif. Cependant, au moment d’acheter une nouvelle flotte d’appareils, et la doctrine d’Israël vise à acheter environ 100 nouveaux avions par décennie, le pays doit regarder très loin vers l’avenir, dans l’inconnu.

Ces deux pays pourraient tomber entre les mains de islamistes. Par ailleurs, l’Iran et la Syrie, des États ennemis, ont reçu des systèmes de défense aérienne avancés et recevront probablement des systèmes offensifs, y compris l’avion de combat Sukhoi 50ES qui, si les sanctions d’importations sont levées, devrait arriver en Iran pour 2022.

En d’autres termes le besoin d’un « saut en avant » vers des avions de cinquième génération est démontrable, a déclaré le Lieutenant Colonel B.

D’autres contestent la nature indiscutable de cette déclaration.

Prenez l’armée que nous avions en 1985, les F-15 et les F-16 A et B, les Merkava Mark I et II, et tout le reste, et demandez-vous si l’armée, en utilisant ces armes, pourrait défendre Israël aujourd’hui contre ses ennemis », a déclaré Yiftah Shapir, le chef du groupe de réflexion INSS du projet de l’Equilibre militaire au Moyen Orient.

Sa réponse est un oui sans hésiter. Chaque saut technologique n’est pas une étape obligée pour Israël, a-t-il déclaré

Qualifiant le F-35 de « véritablement trop cher », Shapir, lui-même un ancien officier de l’armée de l’air, a déclaré que « si nous n’avions pas un oncle très riche aux Etats-Unis », avec les trois milliards d’aide annuelle, « nous ne l’acheterions pas ».

Du point de vue de l’aérodynamisme, a-t-il déclaré, le F-35, du fait du rapport entre son poids et sa puissance ainsi que d’autres facteurs, est déjà dépassé par le F-16I, l’avion de combat le plus avancé actuellement en Israël. Le Rafale français, en se basant sur des spéculations et ses performances face au F-22, aurait aussi de bons résultats contre un avion de cinquième génération, a-t-il déclaré.

Interrogé pour savoir si un avion de combat avec un radar de haute technologie, qui détecte ses cibles avant d’être détecté, rend inutile certains des outils nécessaires pour un combat rapproché, il a déclaré qu’il s’agissait d’une discussion en cours dans le domaine des études aérienne stratégiques mais a souligné que si un pilote manque son premier missile et que les avions s’approchent à distance visuelle, « alors c’est le même type bataille aérienne que pendant la Seconde Guerre mondiale ».

Le lieutenant colonel B, a pourtant déclaré que le F-35 était égal, et pas en dessous, au F-16I dans l’air et a expliqué que le premier modèle de F-35 devrait être comparé au premier modèle de F-16 et pas l’avion qui a été constamment amélioré au cours de 35 dernières années.

Il a rejeté tous les arguments préconisant d’attendre cette suite de développment et ensuite d’attendre le premier avion de combat sans pilote, déclarant qu’il faudrait la même vitesse, la même capacité de transport, la même capacité à survivre, et coûterait simplement plus cher tout en enlevant à l’armée de l’air ses composants de pointe.

Au lieu de cela, tout en soulignant que les pilotes d’essai d’Israël n’ont rencontré « aucunes préoccupations » en pilotant le F-35, il s’est concentré sur l’optimisation.

Dans un monde idéal, a-t-il déclaré, un avion est chargé de détruire une cible. Mais la cible, si elle a de l’importance, est défendue. Cela demande des systèmes additionnels : des satellites, des avions espions pour avoir un bon visuel de la cible, des radars pour détecter un autre appareil et des missiles terre-air, des signaux et visuels pour détecter et « abattre » la cible, et un appareil sophistiqué de contrôle et de commande pour partager les cibles. Dans le F-35, a-t-il déclaré, « ce système entier est dans les mains du pilote ».

C’est capital, a-t-il insisté, parce que quand l’on opère en territoire ennemi, les gens « pensent souvent que le problème est le carburant, mais ce n’est pas le cas ». Le véritable défi, « lorsque l’on opère très loin de ses bases est le manque de renseignements ».

La promesse récente de la Russie de fournir à l’Iran un de nouveaux modèles du système de défense S-300 met en évidence certains des avantages du nouvel appareil.

Au-delà de la puissance et de la facilité à le manoeuvrer des missiles S-300, de la précision du radar et de la capacité du système à pister et à cibler plusieurs appareils, il est également mobile. En quelques minutes, il peut changer d’endroit et se déployer à nouveau.

Les F-16 d’aujourd’hui, a déclaré le lieutenant colonel B, auraient besoin d’être armés de renseignements sur la position du système afin de l’éviter, de voler au limite de la couverture radar.

Dans le cas contraire, il serait seulement alerté quand le radar serait déjà verrouillé sur lui, peut-être trop tard, ou devrait dépendre sur les formidables capacités de guerre électronique d’Israël, brouillant le radar, ou sur ses avions de renseignement qui pourraient localiser les systèmes de radars. Dans le F-35, a-t-il déclaré, toutes ces informations sont présentées devant le pilote, « et le chasseur devient la proie ».

Qualifiant la connaissance situationnelle du pilote « d’améliorée au point d’être absolue », il a dit, « je vois le monde. Je vois où il est et comment il est déployé, y compris les missiles sol-air. Tout cela est maintenant avec moi. Je peux attaquer, je peux vous détruire en chemin vers la cible. »

Cela ne veut pas dire que les avions de l’armée de l’air israélienne manquent de capacité de dévérouiller les S-300. Très probablement, l’armée de l’air s’est entraînée contre le système en Grèce et a mis en place une doctrine de combat capable de le vaincre.

Le F-35 est pourtant, a-t-il déclaré, « similaire à l’iPhone », à savoir que les constructeurs ont été capables de regrouper les capacités qui se trouvaient avant dans des appareils séparés, la furtivité, la collecte de renseignement, les radars avancés, la préparation, le contrôle et la guerre électronique, et « ont tout mis dans un seul et unique avion de combat ».

Shapir a concédé que l’appareil a des capacités fantastiques et a déclaré qu’il pourrait bien être un outil utile contre les S-300, mais a assuré que la seule raison qu’il soit vraiment un outil nécessaire pour Israël, qui mène la plupart de ses batailles à la maison mais a besoin de maintenair sa capacité de projeter sa puissance aérienne vers des endroits aussi lointains que Téhéran, est parce que les avions d’Israël vieillissent et que les Etats-Unis « ont fait du F-35 le seul avion de cette qualité disponible ».

« C’est la seule solution, a-t-il déclaré, parce qu’il n’y a pas d’autre appareil ».

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