Les femmes qui attendent, et tissent, pour le Troisième Temple
Un groupe d'activistes religieuses jette diligemment les bases d'un sanctuaire renouvelé. "Pas à pas, patiemment, nous nous préparons," disent-elles
Le mont du Temple, et la mosquée Al-Aqsa qui s’y trouve, ont été une source récurrente de tensions à Jérusalem au cours des dernières années.
Les Palestiniens ont évoqué des « provocations » israéliennes sur le site comme l’un des principaux catalyseurs pour les mois de violentes attaques de cette année et de la fin de l’année dernière. Ils sont devenus de plus en plus méfiants vis-à-vis des intentions d’Israël sur le site saint, accusant souvent l’Etat juif de tenter d’imposer un contrôle accru sur le complexe, et même d’avoir l’intention de détruire la mosquée et d’y établir une hégémonie juive.
Le gouvernement israélien a rejeté à plusieurs reprises ces accusations comme une paranoïa absurde et bizarre – des divagations d’extrémistes religieux visant à inciter les masses à la violence.
Il y a, cependant, un nombre croissant d’Israéliens pour lesquels le rêve d’établir un troisième Temple à la place d’Al-Aqsa est loin d’être bizarre ou absurde : c’est la mission de leur vie. Et ils avancent lentement mais sûrement des franges de la droite religieuse aux couloirs du pouvoir.
A la veille du jeûne de Tisha BeAv qui a eu lieu dimanche, où les Juifs commémorent la destruction des premier et deuxième Temples, une équipe des informations de la Deuxième chaîne a suivi un groupe de femmes militantes qui s’appellent « Femmes pour le Temple » et qui s’activent tant en privé que dans des forums publics pour réaliser leur rêve d’un troisième Temple à Jérusalem.
Les membres du groupe se préparent activement pour les nombreux besoins du Temple, quand il viendra, en étudiant les Ecritures et suivant leurs instructions. Elles apprennent comment préparer des offrandes sacrificielles, comment faire cuire les pains nécessaires pour les rites et la façon d’élever le fameux ver rouge avec lequel les vêtements des prêtres sont teints.
Et peut-être le plus important de tous, elles étudient comment fabriquer le parochet– dans les temps anciens, le grand rideau qui séparait le hall principal du Temple du Saint des Saints et de l’Arche de l’Alliance qu’il contenait (aujourd’hui le tissu qui couvre l’arche de la Torah dans les synagogues est aussi appelé parochet).
Les Femmes pour le Temple se consacent aussi intensément au recrutement de plus de partisans à la cause. A cette fin, les membres organisent des conférences et des cours réguliers sur le Temple et sur leur mission pour les femmes qui seraient intéressées.
Une membre fondatrice du groupe est Rina Ariel de l’implantation de Kiryat Arba, qui a été à la Une des médias ces derniers mois quand sa fille a été assassinée par un terroriste palestinien. Hallel Yaffa Ariel, 13 ans, a été poignardée et tuée en juin alors qu’elle dormait dans sa chambre.
Suite à l’attaque, la famille Ariel a organisé un office commémoratif sur le mont du Temple. Rina avait déclaré à l’époque que « ce n’est que d’ici que tous les manques peuvent être remplis, ce n’est que d’ici que nous pouvons recevoir un sentiment de réconfort. » Exhortant sa communauté à se joindre à elle pour la visite du site sacré, elle a dit que « le terroriste a massacré notre fille dans son cœur, et notre cœur est au mont du Temple. »

Des centaines de personnes ont répondu à l’appel. « Nous prions pour que (la prochaine fois), nous ne serons pas ici des dizaines, mais des milliers », a déclaré Ariel aux participants.
Interrogée par la Deuxième chaîne comment la mort de sa fille l’avait affectée, Ariel a répondu que son travail lui a donné des forces pour faire face à la perte, « pour continuer l’élan de la construction » des Femmes pour le Temple.
Rina Ariel et ses trois sœurs sont considérées comme le cœur battant du mouvement. Une sœur, Tzipora Filtz, vit avec ses 10 enfants dans une maison fortement gardée sur le mont des Oliviers à Jérusalem-Est, avec vue sur la montagne.
Interrogée pour savoir si elle se sent à l’aise de vivre pratiquement à l’intérieur du cimetière juif du mont des Oliviers, Filtz a répondu : « Je me tiens devant le lieu le plus saint et je vis cette (sainteté) dans ma vie quotidienne. »

Les sœurs ont noté avec fierté que parler de la construction d’un troisième Temple s’était transformé d’un rêve étrange de ceux qui étaient autrefois considérés comme des éléments marginaux en une mission sérieuse partagée par beaucoup.
« Quand vous prononciez le mot ‘Temple’ [ils disaient] ‘Quoi, vous êtes fou ? Comment pouvez-vous même en parler ?’ » dit la sœur Yael Kabilio en riant. « Aujourd’hui, c’est évident. Vous pouvez en parler à voix haute. »
Le groupe des femmes n’est pas seul. L’Institut du Temple, créé en 1987, milite depuis près de 30 ans pour le rétablissement du Temple.
L’Institut se concentre sur la préparation des objets et des compétences nécessaires pour le sacrifice des animaux et des rituels qui étaient pratiqués par les Cohanim (prêtres), devant des foules de pèlerins juifs avant la destruction du Temple. Tout son travail est dirigé par un conseil rabbinique et basé sur une analyse minutieuse de l’Écriture juive et de la recherche universitaire.
Une exposition montrant la préparation du groupe pour le Temple a été déplacée en 2013 d’une petite rue dans la Vieille Ville vers un plus grand espace à proximité de l’esplanade du mur Occidental.
Le grand parochet est à nouveau tissé dans une petite cabane sur le bord de l’implantation d’Itamar en Cisjordanie – ou, au moins, ses prototypes le sont. Trois membres des Femmes pour le Temple peinent jour et nuit pour produire ce qui est considéré comme le summum de la contribution féminine au Temple.
A l’intérieur, les grands métiers à tisser se tiennent prêts, pendant que des brins sont teints en rouge par l’extrait des vers rouges et méticuleusement tissés ensemble dans des toiles plus en plus grandes. Lentement mais sûrement, le travail avance.
« Pas à pas, patiemment, nous préparons », affirme Orna Hershbag, qui travaille dans la cabane.

Interrogée sur la façon dont elle envisage la construction du Temple, Hershbag a répondu : « Je pense que les Arabes vont simplement venir et dire : ‘Venez, venez prendre cet endroit’. »
« Il y a aussi des opinions qui disent que le Temple descendra, prêt, du ciel, » a-t-elle ajouté avec ferveur.
Tomer Persico de l’Institut Shalom Hartman à Jérusalem décrit le groupe comme des fondamentalistes « qui souhaitent revenir à un passé d’or qui existait jadis selon elles, un certain âge d’or quand les choses étaient soi-disant parfaites. »
« Toute cette image idéaliste – comme si nous n’avions qu’à construire le Temple pour que tout aille bien, ou que nous allons peut-être alors accéder à un autre plan mental – cela n’a même pas de base dans l’Écriture. Mais les gens projettent tous leurs rêves sur ce point, peut-être parce qu’ils n’ont pas autre chose ».

Dans l’intervalle, le message du groupe semble parler à de nombreuses femmes religieuses. A l’un des cours de l’organisation dans l’implantation de Mevo Horon, Hannah Katan était ravie.
« Il est impossible de ne pas être convaincue, » a-t-elle dit à la Deuxième chaîne. « Il est ici, nous le sentons. La voie ferrée qui est construite de Tel-Aviv à Jérusalem, l’autoroute qui est élargie à six voies, le tramway à Jérusalem – tout cela c’est pourquoi ? » sourit-elle. « Pour que nous puissions tous monter, comme un seul homme, au Temple. »
Les femmes sont conscientes que leurs objectifs peuvent ne pas être faciles pour tout le monde à avaler, au moins pour l’instant, et elles débattent régulièrement de la meilleure façon de communiquer leur vision au grand public.
« Certaines personnes ne veulent pas entendre pour le moment des détails les plus difficiles… comme les sacrifices », déclare Rina, mais elle proposent d’autres moyens de persuasion, comme à travers la discussion sur la joie dans la vie des gens. « Les femmes veulent se réjouir, tout le monde veut se réjouir. La joie est liée au Temple. »
Les femmes se hérissent à l’idée qu’elles seraient des extrêmistes. Elles insistent sur le fait qu’elles se concentrent sur des objectifs réalistes et raisonnables.
Interrogée encore une fois par le journaliste de la Deuxième chaîne sur la façon dont l’organisation prévoit de faire face à la réalité de la présence arabe sur le mont du Temple, une militante, Yehudit Dasberg, dit que certaines choses sont en leur pouvoir et « le reste sera fait par l’Eternel. »
Une autre, Michal Ben Omri, renchérit : « Imaginez que vous voulez aller dans votre chambre avec votre mari, mais vous ne pouvez pas le faire, parce que quelqu’un d’autre s’y trouve. Vous lui dites : ‘Sortez, s’il-vous-plaît’, mais il dit : ‘Non, je ne sors pas’. Vous lui dites : ‘Ceci est ma maison’, il vous dit ‘Et alors ?’ … Seriez-vous d’accord ? »
« Le Saint des Saints est de la chambre à coucher de l’Eternel avec le peuple d’Israël, » dit-elle. « Quelqu’un est dans ma chambre. »
La porte-parole et lobbyiste du groupe, Rivka Shimon, précise que ses grands-parents avaient été traités de fous quand ils ont quitté la Pologne pour venir dans la Terre d’Israël avant la Shoah. Cela leur a sauvé la vie quand tous les autres ont péri, dit-elle.
Persico avertit que les efforts du mouvement pourraient devenir une menace réelle pour la stabilité régionale si elles devaient bénéficier d’un « soutien politique » et « quand des mesures concrètes sont prises pour changer le statu quo. »
Pour lui, « Toute personne qui tente de changer le statu quo au mont du Temple joue avec le feu».
Dans les couloirs du pouvoir israélien, Shimon a justement l’intention de faire cela. Au cours des dernières années, elle se rend fréquemment à la Knesset. Elle a dit que ses interlocuteurs, bien qu’ils ne parlent pas ouvertement d’un troisième Temple pour le moment, sont devenus de plus en plus réceptifs à l’appel du groupe pour les droits des Juifs à prier sur le mont.

Parmi les députés qu’elle considère comme partisans de sa cause, figurent Shuli Mouallem et Bezalel Smotrich de HaBayit HaYehudi, ainsi que la ministre des Sports et de la Culture Miri Regev et le tout nouvel élu du Likud, Yehuda Glick – un militant bien connu du mont du Temple.
Shimon admet que forger une voie démocratique vers un nouveau Temple n’est que la première étape de ce qu’elle envisage comme une transformation radicale de l’Etat en un régime guidé par la lumière de la foi juive, où les parlementaires d’un gouvernement laïque ne seront plus les dirigeants de la nation juive.
Ce n’est pas qu’elle veut fermer complètement la Knesset. Le Parlement, selon elle, pourrait continuer à gérer les détails de la vie quotidienne dans la nouvelle société basée sur le Temple.
« Les petits trucs », dit-elle en souriant.
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