Les Français aux urnes pour le premier tour d’une présidentielle très incertaine
Participation importante à la mi-journée ; Nombre des 47 millions d'électeurs s'avouaient indécis jusqu'à la dernière minute ; Barack Obama a donné un coup de pouce à Emmanuel Macron en l'appelant au téléphone

Les Français se sont mobilisés de façon importante dès dimanche matin, comme en 2012, ce que traduit un taux de participation de 28,54% en métropole à la mi-journée pour le premier tour de l’élection présidentielle, incertain et sous haute surveillance.
Trois jours après une attaque revendiquée par le groupe jihadiste Etat islamique au coeur de Paris, qui a coûté la vie à un policier, 50 000 policiers et 7 000 militaires étaient déployés dans tout le pays pour veiller au bon déroulement du scrutin.
Sur les onze candidats en lice, un quatuor de favoris se détache, mené par le jeune centriste Emmanuel Macron et la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, au coude à coude. Ils sont talonnés de près par le conservateur François Fillon et le tribun de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon.
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, le taux de participation ce dimanche à midi est quasiment stable par rapport au premier tour de 2012 (28,29 %), qui avait enregistré un taux final de 79,48 %.
Mais les 66 546 bureaux de vote de métropole, ouverts depuis 8H00, le resteront ce dimanche jusqu’à 19h00, une heure de plus que lors des présidentielles précédentes, et 20h00 dans les grandes villes. Cet horaire plus tardif rend incertaine, en cas de résultats serrés, la traditionnelle image télévisée affichée à 20h00 tapantes des deux finalistes.
Les onze candidats en lice ont presque tous voté dans la matinée, à l’exception du leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon qui s’apprêtait à le faire à Paris.
Le président sortant François Hollande, qui n’a adoubé aucun candidat, a glissé son bulletin à Tulle, son ancien fief électoral.
Les scores pourraient être serrés et la plus grande incertitude règne sur le résultat de ce premier tour : nombre des 47 millions d’électeurs s’avouaient indécis jusqu’à la dernière minute et l’impact de l’attentat est difficile à évaluer.
Ainsi Marie, médecin de 51 ans, s’apprêtait à voter à Lille, « sans trop savoir pour qui ». « J’y vais juste pour éliminer, parce que personne ne représente mes idées », a-t-elle dit à l’AFP.
A Pantin (Seine-Saint-Denis), Rita qui, à 61 ans, n’avait pas voté « depuis Giscard » en 1974, estimait que « tout est possible », se référant à la victoire surprise de Donald Trump aux Etats-Unis. Benoît, vendeur de 43 ans, jugeait que les attentats n’ont pas forcément changé la donne car « on vit avec » désormais.
« Ça n’a pas d’influence sur mon vote (…) de toutes façons on n’est plus en sécurité nulle part », a estimé Anne Piechaud, une architecte de 59 ans qui vote à Bordeaux (sud-ouest).
La France, frappée depuis janvier 2015 par une série d’attaques jihadistes qui ont fait 239 morts, vit depuis sous la menace du terrorisme. C’est la première fois qu’une présidentielle se déroule sous le régime de l’état d’urgence, instauré après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
« Votez ! » enjoignait Le Journal du Dimanche, relayant un appel anti-abstention de plusieurs personnalités, dont la patronne du FMI Christine Lagarde, alors que les sondages prédisent une abstention plus forte qu’à l’ordinaire.
Les derniers bureaux de vote fermeront leurs portes à 18H00 GMT. Les deux candidats qui arriveront en tête des suffrages dimanche soir s’affronteront lors d’un second tour le 7 mai.
Multiples rebondissements
A 48 ans, Marine Le Pen, présidente du Front national, espère bien profiter de la vague populiste qui a porté Donald Trump à la Maison Blanche et conduit la Grande-Bretagne à voter pour la sortie de l’Union européenne.
Celle qui se définit comme une « patriote » veut en finir avec l’euro et la libre circulation dans l’espace européen de Schengen. Un programme qui pourrait donner le coup de grâce à une UE déjà fragilisée par le Brexit, selon les observateurs.
A l’inverse, le benjamin des candidats, Emmanuel Macron, 39 ans, a mené campagne sur une ligne pro-européenne et un programme libéral, tant en économie que sur les questions de société.

Nouveau venu en politique, cet ex-ministre de l’Economie (2014-2016) a construit la popularité de son mouvement et-de-droite-et-de-gauche « En Marche! » sur le rejet des partis traditionnels et le désir de renouvellement exprimés par les Français.
Au fil d’une campagne riche en rebondissements, les ténors qui occupaient la scène politique depuis une décennie sont tombés les uns après les autres, tel l’ancien président Nicolas Sarkozy, sèchement éliminé de la primaire de la droite.
Affaibli par son impopularité persistante, le président sortant François Hollande a été contraint de renoncer à se représenter, une première en France depuis plus de soixante ans.
Son Premier ministre, Manuel Valls, a échoué à prendre le relais, éliminé de la primaire du parti socialiste par un candidat ancré plus à gauche, Benoît Hamon.
Autre coup de théâtre, le conservateur François Fillon – favori après sa large victoire à la primaire de son camp – a dévissé dans les sondages, après la révélation fin janvier dans la presse de soupçons d’emplois fictifs au Parlement au bénéfice de sa femme et de ses enfants.
Le pro-BDS Mélenchon, les Juifs de France et Israël
Malgré son inculpation pour détournement de fonds publics en mars, cet admirateur de Margaret Thatcher de 63 ans a refusé de retirer sa candidature et continué à défendre âprement son programme de réduction des dépenses publiques.
Ultime surprise, il s’est vu rattrapé dans la dernière ligne droite par un autre candidat « hors parti », Jean-Luc Mélenchon, 65 ans, ex-socialiste devenu le champion d’une « France insoumise ».

La percée dans les sondages de ce tribun enflammé, prêt à claquer la porte de l’UE si cette dernière refuse de se réformer, a renforcé l’incertitude sur l’issue du scrutin, suivi de très près à l’étranger.
Le président américain Donald Trump a mis son grain de sel dans les débats, se disant persuadé que l’attentat de Paris « aiderait probablement » la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, qui lui voue une admiration non dissimulée.
Son prédécesseur Barack Obama a lui donné un coup de pouce à Emmanuel Macron en l’appelant au téléphone, mais sans aller jusqu’à soutenir officiellement celui qui ambitionne de devenir le plus jeune président de France.