Les habitants de Beeri ont disparu, mais leurs maisons témoignent des horreurs subies
Imprégnés d'une odeur de sang, les vestiges du kibboutz phare de la région témoignent de l'ampleur et de la cruauté d'un massacre bien planifié
Kibboutz Beeri, dans le sud d’Israël – Aucun des résidents de Beeri ne se trouvait dans le kibboutz lorsqu’il a été rouvert mercredi aux civils pour la première fois depuis que des hommes armés du groupe terroriste palestinien du Hamas y ont perpétré un massacre.
Environ 400 survivants sont hébergés dans un hôtel près de la mer Morte. Au moins 112 personnes ont été tuées, et de nombreux autres seraient à Gaza, prisonniers du Hamas, qui a envoyé plus de 100 terroristes dans la seule communauté de Beeri.
Si les 1 108 habitants ont disparu, les maisons abandonnées de Beeri en disent long sur les atrocités commises dans le kibboutz. Autrefois connu surtout pour son imprimerie florissante et sa scène culturelle naissante, Beeri est aujourd’hui un témoignage tragique de la dévastation et de la cruauté de la plus grande attaque jamais menée par le Hamas contre Israël.
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Dans l’une des maisons, dont nous tairons le nom des résidents par respect pour leur vie privée, un lit se trouve en travers d’une chambre d’enfant. Les deux pieds les plus proches de l’unique porte de la pièce sont soulevés, suspendus à un meuble. Quelqu’un, probablement un homme ou deux, a peut-être fait basculer le lourd lit pour en extraire une personne qui s’y cachait.
Dans une autre maison, un couteau de cuisine encore dans son étui en plastique repose ostensiblement sur un canapé, donnant l’impression que quelqu’un l’a gardé près de lui en attendant que les terroristes entrent dans la maison.
Dans une autre maison, les traces de sang racontent une histoire qui relève de l’indicible.
Un adulte a subi une blessure profonde dans la chambre à coucher, a marché jusqu’à un angle du salon avant de s’effondrer, puis s’est traîné jusqu’à la salle de bain, où une mare de sang dit l’horreur. Sur le comptoir du salon, la photo d’un enfant en bas âge, probablement un petit-enfant, orne un meuble dont les tiroirs ont été sortis à la hâte, peut-être par quelqu’un cherchant des clés.
Sur un petit tableau d’affichage, sous un résumé d’examen médical, on peut lire un message de vœux sur un papier vert datant de Rosh HaShana du mois dernier : « À mes grands-parents, bonne année et joyeuses fêtes. »
Tout comme les maisons privées témoignent des derniers moments des familles dont la vie a été brisée, certains espaces publics témoignent du traumatisme d’une communauté soudée dont de nombreux membres ont agi selon l’instinct de solidarité. Au dispensaire de Beeri, un médecin et un secouriste ont soigné des blessés et conservé des corps jusqu’à ce que le Hamas les interrompent.
L’ambulancier, Amit Man, a vraisemblablement été enlevé. Le sort du médecin reste inconnu.
« De la même manière qu’Auschwitz est le symbole de la Shoah, Beeri va devenir le symbole du massacre », a déclaré Doron Spielman, major de l’unité du porte-parole de Tsahal, qui fait partie de l’équipe mise en place par l’armée israélienne pour accueillir les journalistes à Beeri. « Le niveau d’inhumanité des terroristes du Hamas nous a même surpris, nous, Israéliens, qui n’avions aucune illusion sur ce qu’était le Hamas », a-t-il ajouté.
Le nombre de morts à Beeri, le plus grand des 25 villages qui composent le Conseil régional de Ramat Eshkol, était si élevé que l’espace alloué par le gouvernement pour les survivants s’est retrouvé avec de nombreuses pièces inoccupées. « Des familles entières ont été anéanties », a déclaré Spielman.
À l’entrée d’une maison, une échelle se trouvait sous une zone de stockage surélevée.
Les membres du kibboutz se sont cachés dans ces recoins de l’étage après avoir compris que les terroristes visaient les mamadim – les pièces sécurisées dans lesquelles de nombreux résidents s’étaient d’abord réfugiés au début de l’assaut.
Les terroristes ont brûlé les maisons dont les habitants de la zone abritée ne voulaient pas sortir. Souvent, ils exécutaient ceux qui quittaient la zone abritée pour éviter d’être asphyxiés par la fumée.
Plusieurs maisons dont l’extérieur est carbonisé semblent avoir subi ce même triste sort. D’autres ont des parties entières manquantes, détruites soit par les terroristes, soit par les troupes israéliennes lors d’échanges de tirs avec les assaillants retranchés à l’intérieur.
La maison d’Adi Efrat a été épargnée par les flammes parce qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait verrouiller sa chambre abritée en tournant la poignée vers le haut. « Ils sont donc entrés et m’ont trouvée en pyjama », a déclaré Adi Efrat, l’une des survivantes, au Times of Israel. Les terroristes lui ont ordonné de leur donner une voiture. Elle a accepté de leur montrer où se trouvaient les clés des voitures du kibboutz.
À l’extérieur, les terroristes ont commencé à courir avec Efrat, 51 ans, après avoir rencontré des soldats israéliens. Selon certains témoignages, le Shaldag, une unité de forces spéciales de l’armée de l’air israélienne, a héliporté une vingtaine de soldats à Beeri environ deux heures après l’entrée des terroristes dans la localité. Selon des témoins oculaires, cette force israélienne a été débordée peu après son arrivée.
Efrat a été emmenée dans une pièce avec d’autres femmes. À un moment donné, les terroristes ont fait entrer un garçon de deux ans qui pleurait son père. Une femme gravement blessée et un enfant de 8 ans ont également été amenés. La femme a raconté à Efrat que des terroristes avaient tué sa petite fille et abattu son mari.
Efrat a été sauvée parce que les terroristes l’ont emmenée chercher quelque chose pour eux, afin d’éviter de sortir en terrain découvert et de risquer de se faire tirer dessus. Les troupes israéliennes, probablement celles de Shaldag, ont tué les terroristes qui la gardaient otage au cours d’un affrontement sanglant où les Israéliens ont subi de nombreuses pertes, a-t-elle déclaré. Elle ne sait pas ce qu’il est advenu de la femme blessée et de son enfant.
De nombreux échanges de coups de feu ont eu lieu à Beeri.
Dans une rangée de maisons, le corps d’un terroriste, recouvert d’un sac blanc, gisait dans les décombres. Le sol empeste le sang pourri, témoignant de l’hécatombe qui s’est déroulée sur place, des douilles de balles jonchant le sol.
ZAKA, un groupe de bénévoles qui s’occupe des restes humains après des attentats terroristes et autres catastrophes, ne travaille à Beeri que pendant la journée. Seuls des soldats armés restent sur sur les terrains calciné du kibboutz pendant la nuit, par crainte d’une seconde incursion ou de la découverte de terroristes retranchés, a déclaré Reuven Reuven, un bénévole de la région de Jérusalem, au Times of Israel à Beeri.
Les efforts pour collecter et identifier tous les corps se poursuivent à Beeri et au-delà. À quelques kilomètres au nord, les journalistes du Times of Israel ont trouvé deux corps, apparemment ceux de terroristes, gisant sur le bord de la route, sur les lieux d’un échange de coups de feu entre les terroristes et les troupes israéliennes. Si l’on peut appeler ça une coïncidence, une roquette palestinienne s’est abattue près des corps mercredi, mettant le feu à l’un d’entre eux.
À Beeri, les maisons restées intactes donnent un aperçu de la vie avant le massacre, dont certains membres du kibboutz ont dit qu’elle ne serait plus jamais la même.
Dans l’une de ces maisons, des champignons en céramique, statues colorées et soignées, ornent un jardin de galets de style japonais. Le propriétaire a écrit « Ne pas toucher » sur un panneau à l’encre rouge à côté du jardinet.
Les quartiers d’habitation des travailleurs étrangers, pour la plupart originaires d’Extrême-Orient, offraient un spectacle étrange. Des dizaines de chaussures alignées sur l’étagère à chaussures ; toutes les lumières allumées ; plusieurs ventilateurs tournant de manière fantomatique et de la sauce est restée au fond d’un grand mortier, le pilon toujours à l’intérieur.
Derrière le logement des travailleurs étrangers, l’odeur du sang en décomposition se répandait. C’est ce qui se passe dans les zones d’exécution de masse, où le sang abreuve le sol. Le Hamas détiendrait plusieurs travailleurs étrangers. On ignore combien ont été tués.
Beeri a été attaqué alors même que des journalistes s’y rendaient mercredi. Des explosions plus ou moins proches ont été entendues, parfois précédées d’une sirène. Certaines étaient si proches qu’elles envoyaient des confettis de feuillage sur les visiteurs du kibboutz.
Tsahal a autorisé une cinquantaine de journalistes à se promener librement dans le kibboutz, ce qui est inhabituel pour un champ de bataille encore sous le feu de l’ennemi et qui contient de nouvelles preuves d’atrocités.
« Marcher ici, c’est comme si Eisenhower avait traversé Bergen-Belsen et vu la destruction et le carnage. Le monde doit en être le témoin direct », a déclaré Spielman.
Un journaliste de l’AFP a demandé à Spielman pourquoi il y avait encore des corps de « militants » du Hamas alors que les corps de toutes les victimes avaient été enlevés.
Cette question a incité Spielman à corriger la terminologie employée par la journaliste de l’AFP.
« Les militants ne tirent pas sur des bébés. Ce sont les terroristes qui font ça », a-t-il précisé.
« Notre première priorité est d’évacuer tous les Israéliens. Ensuite, nous ferons de même pour les terroristes. Nous montrerons à leurs cadavres beaucoup plus de respect qu’ils n’en ont montré aux vivants », a-t-il poursuivi.
Dans l’hôtel de la mer Morte où séjournent les survivants de Beeri, le traumatisme fait douter certains membres de leur volonté ou de leur capacité à revenir.
Idan Gad, qui est né à Beeri, a déclaré à Haaretz depuis la mer Morte « qu’il voulait revenir [à Beeri]. Gad, âgé de 35 ans, a demandé sa femme Anastasia en mariage alors qu’ils étaient en vacances à Amsterdam, où ils se sont rendus pour se remettre de l’Opération « Bordure protectrice », une série d’hostilités entre le Hamas et Israël en 2014, au cours de laquelle les terroristes avaient tiré des centaines de roquettes et d’obus de mortier sur Beeri et au-delà.
Ses parents et lui-même ont survécu au massacre grâce au mamad de la maison familiale, où il s’était réfugié parce qu’il se trouvait à proximité lorsque les tirs commençaient. Anastasia et leurs deux filles ont également survécu en se terrant dans le mamad de leur propre maison, de l’autre côté du kibboutz. Idan a tenté de les rejoindre pendant le massacre, mais a dû battre en retraite après avoir essuyé des tirs. Ils ont tous survécu.
Anastasia veut maintenant quitter Beeri, a déclaré Idan à Haaretz, mais il n’est pas du même avis.
« Nous ne sommes à l’abri des hostilités nulle part dans ce pays « , a-t-il déclaré.
« En ce qui me concerne, si je ne vis pas dans le kibboutz, c’est comme si je ne vivais pas dans mon propre pays. »
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