Les Israéliens relancent le débat passionné sur le prix du corps d’un soldat
Le ministre de la Défense affirme qu’Israël ne peut pas se permettre de reproduire l’échange de prisonniers de 2011 pour Gilad Shalit, et déclenche à nouveau un argumentaire incessant

JTA – Le ministre de la Défense a relancé le débat national passionné sur le prix que le pays est prêt à payer pour récupérer les soldats enlevés, et les corps de ceux qui ont été tués.
Avigdor Liberman a déclaré dimanche qu’Israël ne doit pas refaire « l’erreur » de l’accord Gilad Shalit de 2011. Dans le cadre de cet accord, le pays avait libéré plus d’un millier de prisonniers détenus pour des crimes sécuritaires, en échange du soldat – vivant – retenu captif par le Hamas.
Le débat, qui ne s’était jamais vraiment arrêté, était relancé.
Certains Israéliens ont répliqué que le gouvernement devrait simplement obtenir des concessions de la part du groupe terroriste qui contrôle la bande de Gaza. D’autres ont soutenu que la suggestion de Liberman, qui propose de limiter les échanges de prisonniers, revenait à abandonner les soldats capturés.
Les propos du ministre de la Défense étaient une réaction à deux évènements. Dimanche, Simha Goldin, le père d’un soldat disparu, Hadar Goldin, durant une conférence de presse, a taxé Liberman de « faible » et de « lâche », pour avoir échoué dans sa mission de rapatrier les corps des soldats, dont celui de son fils, après la guerre dans la bande de Gaza, contre le Hamas, en 2014.

La semaine dernière, Lior Lotan a démissionné de son poste. Il était chargé de superviser les initiatives mises en œuvre pour récupérer les corps de deux soldats détenus par le Hamas, Goldin et Oron Shaul, ainsi que trois citoyens qui seraient encore en vie.
Liberman a déclaré qu’il comprenait et acceptait les critiques de Goldin, et que le retour des soldats restait une priorité.
« Je considère qu’il s’agit d’un sujet de la plus haute importance, d’un point de vue moral et ethnique, en premier lieu pour les familles, puis pour l’armée et l’État d’Israël », a-t-il dit.
Cependant, il a souligné qu’Israël ne pouvait se permettre un autre accord Shalit, qui, dit-il, a permis la libération de 1 027 « meurtriers et leurs agents », dont notamment Mahmoud Kawasme et Yahya Sinwar. Kawasme a participé au financement de l’enlèvement de trois adolescents israéliens en 2014. Sinwar a été récemment élu à la tête du Hamas à Gaza.

Liberman a indiqué que 202 des prisonniers libérés ont été ré-arrêtés depuis, pour leur implication présumée dans des actes de terrorisme ayant causé la mort de sept Israéliens. Il a précisé que 111 d’entre eux sont toujours incarcérés.
Le Hamas a gardé les dépouilles de Goldin et de Shaul depuis qu’ils ont été tués dans la bande de Gaza, durant l’opération Bordure Protectrice. Les trois Israéliens détenus seraient entrés de leur propre chef dans le territoire.
Israël mènerait des pourparlers indirects avec le Hamas, au sujet d’un potentiel échange de prisonniers. À l’inverse de la famille Shalit, qui implorait le gouvernement de se plier aux exigences du Hamas, les familles Goldin et Shaul ont exhorté Israël à punir le Hamas, dans l’espoir que cela permettrait de récupérer les corps. Ils ont demandé à Israël d’arrêter de restituer les dépouilles des terroristes du Hamas, de dégrader les conditions de vie de ses prisonniers détenus en Israël, et d’intensifier le siège autour de Gaza.
Mais de nombreux Israéliens, notamment des dirigeants politiques et militaires, ont affirmé que de telles stratégies conduiraient à une nouvelle guerre contre le Hamas, et augmenterait l’opprobre internationale. Ils font partie de ceux qui critiquent Liberman pour sa position trop dure sur les soldats capturés, et estiment que la libération de prisonniers en masse, comme lors de l’accord Shalit, est l’unique moyen réaliste de sauver les soldats capturés.

Le ministre du logement Yoav Galant (Koulanou), ancien général de l’armée israélienne, a vivement critiqué l’appel de Liberman, qui encourageait l’adoption des conclusions du rapport de 2012 de la commission Shamgar, s’opposant aux échanges de prisonniers comme l’accord Shalit.
« L’adoption du rapport Shamgar condamnerait à mort un soldat capturé », a déclaré Galant à la radio israélienne lundi.
Le Premier ministre avait formé cette commission, mais n’a jamais soumis ses conclusions au vote du gouvernement, ce qui leur aurait donné valeur de loi. Il n’est pas non plus intervenu dans le débat actuel.
L’avocat Liron Libman, ancien directeur du département du droit international de l’armée israélienne, a donné mardi des recommandations pour le type de restrictions qu’Israël pourrait imposer sur la libération de prisonniers. Désormais chercheur pour l’Israel Democracy Institute, il a déclaré que le gouvernement devrait envisager uniquement la libération des soldats qui n’ont pas violé le droit de la guerre, par exemple, tuer des civils et non pas des soldats.
« Premièrement, cela contribuera à créer un environnement dans lequel des combattants luttent entre eux, a déclaré Libman dans un communiqué. Deuxièmement, cela limiterait les motivations des terroristes à commettre des attentats terroristes contre des civils. Et enfin, cela nous donnera de la légitimité à l’international, et cela placera une pression internationale sur les organisations terroristes, pour qu’elles prennent part aux négociations, et cela permettra de redorer le blason d’Israël face à la [communauté] internationale. »
La plupart des Israéliens ne font pas ce discernement, mais ils sont nombreux à être partagés entre le désir d’éviter la libération de prisonniers de Liberman, et le besoin de la famille Goldin de classer cette affaire.
Lundi, Yoav Limor, journaliste chevronné, a exprimé l’opinion majoritaire dans une chronique publiée par le quotidien Israel Hayom.
« La règle d’or tacite en Israël est de ne pas entrer en confrontation avec des parents qui ont perdu leur enfant, parce qu’ils ont fait le sacrifice ultime. Mais cela ne veut pas nécessairement dire qu’il faut être d’accord avec eux ou avec ce qu’ils revendiquent, dit-il. D’autre part, l’idée qu’Israël ‘fera tout’ doit être valable, elle doit valoir quelque chose, pour ceux qui ont été envoyés au combat, et encore plus pour ceux qui y seront envoyés à l’avenir. »
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