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Les Israéliens se préparent à célébrer l’Exode dans l’isolement

Avant une nuit très différente des autres, les règles de distanciation et les restrictions de voyage ont rendu le nettoyage, la cuisine et l'organisation de Pessah difficiles

Des résidents de Beit Shemesh font des courses quelques heures avant le début de Pessah, le 8 avril 2020. (Crédit : Sam Sokol)
Des résidents de Beit Shemesh font des courses quelques heures avant le début de Pessah, le 8 avril 2020. (Crédit : Sam Sokol)

Alors que Pessah approchait à grands pas, le Dr Yehuda Sabiner n’a pas pu rentrer chez lui pour aider sa femme et ses enfants à préparer la fête. Au lieu de cela, le médecin hassidique de la ville ultra-orthodoxe de Bnei Brak a passé la semaine dernière à soigner des patients touchés par le coronavirus au centre médical Sheba de Ramat Gan. Il faisait ainsi partie des millions d’Israéliens dont les préparatifs annuels de Pessah ont été perturbés par la pandémie de Covid-19, les restrictions de déplacement et les règles de distanciation sociale de plus en plus sévères imposées par le gouvernement pour tenter de stopper la propagation de la maladie.

« C’est une situation très stressante et pleine d’émotions », a confirmé Yehuda Sabiner au Times of Israël, décrivant comment les professionnels médicaux dans sa position ont dû traiter non seulement des inconnus mais aussi des personnes « de son quartier et même de sa rue que l’on connaît ».

« Nous avons eu quelques décès dans notre service », indique-t-il.

Il a cependant ajouté que, s’il se trouvait actuellement au centre de la crise, il considère également que son épouse porte un lourd fardeau. « Je pense que les plus grands sacrifices sont ceux de ma femme qui reste seule avec les enfants, sans, bien sûr, aucune aide de la famille parce que nous essayons d’assurer notre sécurité » et d’obéir aux règles de distanciation sociale.

Une telle distanciation est particulièrement difficile à l’approche de Pessah, fête pendant laquelle les Juifs s’abstiennent traditionnellement de manger du pain, après avoir nettoyé leur maison de fond en comble et réapprovisionné leur garde-manger en produits alimentaires approuvés pour les vacances. Elle commence avec le repas de fête du Seder – cette année un mercredi soir – qui exige généralement un grand travail de préparation.

Dans tout le pays, les acheteurs ont été contraints d’attendre des heures devant les supermarchés qui n’acceptent que de petits lots de clients à la fois afin de minimiser le risque d’infection. Avec tout le monde debout à deux mètres l’un de l’autre, les files d’attente peuvent s’étirer longuement. Pour une femme qui s’occupe de jeunes enfants en l’absence de son mari, les obstacles logistiques peuvent être énormes.

« Nous recevons beaucoup d’aide de la communauté de Bnei Brak », se réjouit M. Sabiner, décrivant comment des amis de la famille ont pris le temps, malgré leur emploi du temps chargé, d’aller faire des courses pour le compte de sa femme.

Shifra Rosenblum, 60 ans, une autre habitante de Bnei Brak, s’est plainte que la récente pénurie d’œufs, ainsi que les directives de distanciation sociale, ont rendu ses préparatifs de Pessah incroyablement difficiles.

« Ce n’est pas facile », regrette-t-elle. « Nous ne sommes pas sortis depuis deux semaines. Nous sommes [enfin] sortis pour aller au magasin et avons fait la queue pendant une heure et demie. »

Un ultra-orthodoxe traverse une rue principale déserte à Bnei Brak, le 2 avril 2020. (Crédit : AP Photo/Ariel Schalit)

Au cours du week-end, la ville de 200 000 habitants a été déclarée zone interdite et fermée, ce qui a compliqué les préparatifs, explique Mme Rosenblum.

« Les livraisons peuvent entrer, mais c’est cher de se faire livrer, et je ne sais pas comment nous allons nous débrouiller. Dans cette ville, il n’est pas simple de faire face à la situation. C’est beaucoup plus difficile parce que nous ne pouvons pas sortir, et si nous avons besoin de quelque chose, nous devons soit nous le faire livrer, soit y renoncer. Il y a beaucoup de familles avec de petits appartements et [jusqu’à] 14 enfants. Ils n’ont pas de smartphones ou d’Internet pour divertir leurs enfants ou pour commander des choses en ligne. Ce n’est vraiment pas simple. C’est un défi. Mais je l’accepte avec amour parce qu’il le faut. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé lundi que les Israéliens ne pourraient pas quitter leur maison pendant la première nuit de Pessah, dans le cadre d’un confinement général dans tout le pays pendant la fête.

En raison de ces restrictions, « beaucoup de gens font le Seder seuls », s’attriste Mme Rosenblum. « J’ai accueilli une femme pendant des années, mais aujourd’hui elle ne peut plus venir. »

Des soldats israéliens donnent de la nourriture aux habitants de Bnei Brak, dans le centre d’Israël. La ville a été largement coupée du reste du pays à cause de l’épidémie de coronavirus, le 5 avril 2020. (Crédit : Armée israélienne)

Pour tenter de résoudre le problème, l’armée israélienne livre actuellement 1 000 tonnes de nourriture aux habitants de Bnei Brak dans le besoin, une tâche logistique complexe qui exige que des centaines de soldats opérant à l’intérieur de la banlieue de Tel Aviv frappée par le coronavirus travaillent jour et nuit pour acheminer à temps la nourriture aux personnes qui en ont besoin.

La ville de Bnei Brak constitue l’un des plus grands foyers épidémiques de coronavirus en Israël, avec 1 323 cas confirmés lundi matin – presque autant que Jérusalem, qui compte le plus grand nombre de cas selon les données du ministère de la Santé lundi. Bnei Brak fait un cinquième de la taille de la capitale. De nombreux membres de la communauté ultra-orthodoxe ont d’abord rejeté les directives de distanciation sociale, qui, selon les autorités, ont conduit au taux élevé d’infection.

Des traditions modifiées

Faire les courses et cuisiner ne sont pas les seules choses qui sont devenues plus difficiles pour tous les Israéliens cette année. Plusieurs traditions d’avant les fêtes ont également dû être modifiées, le grand-rabbinat ayant donné des instructions sur la manière de s’adapter aux nouvelles circonstances.

Dans une déclaration publiée à la fin du mois dernier, les grands rabbins David Lau et Yitzhak Yosef ont déclaré que le processus de vente du hametz (pain et autres produits de blé levés interdits pendant Pessah) pour s’en débarrasser pendant les fêtes pouvait se faire en ligne via le site web du rabbinat.

Au lieu de brûler les restes de hametz la veille de la fête, les gens devraient cette année les jeter dans une poubelle et y verser de l’eau de javel pour qu’ils ne soient plus bons à manger, même pour un chien. S’il n’en reste pas beaucoup, les gens peuvent s’en débarrasser en le jetant dans les toilettes à la place.

« J’ai été inondée de travail, ce qui a rendu pratiquement impossible pour moi de me préparer, et j’ai six enfants ici qui mangent trois fois par jour – donc aucun nettoyage n’a été possible », déplore Rachel Moore, propriétaire d’une entreprise de relations publiques dans l’implantation de Neve Daniel en Cisjordanie.

Sur cette photo du 8 mars 2007, on peut voir une assiette du Seder de Pessah qui contient de la nourriture symbolique utilisée par les Juifs pendant le Seder de Pessah. On retrouve (en partant du haut au centre) : du raifort, un os, un mélange de fruits, du vin et un mélange de noix appelé haroset, de la laitue, du persil et un œuf. (Crédit : AP Photo/Dan Goodman)

Cette mère de huit enfants, âgée de 48 ans, dit s’être occupée des préparatifs en « réduisant mes attentes » et en commandant un trampoline pour empêcher ses jeunes enfants d’entrer dans la maison.

« Cette année, Pessah sera limitée ; c’est beaucoup plus simple. Moins de fanfare, moins de ‘nouvelles choses’ (pas de nouveaux vêtements), un menu moins élaboré et certainement moins de nettoyage. Et je suis déterminée à faire en sorte que les enfants le remarquent le moins possible. Je veux qu’ils se sentent bien à Pessah », explique-t-elle.

Elle ajoute qu’elle a accepté l’idée de ne pas tout faire à temps et qu’elle se concentrait sur l’essentiel, comme l’exige la loi juive, en faisant usage des indulgences accordées par de nombreux rabbins cette année.

« Il faudra que ce soit suffisant », a-t-elle dit.

Richard Tabachnik, un habitant de la ville de Zichron Yaakov, dans le nord du pays, semble également optimiste quant à la fête à venir, même s’il se sent « très isolé ». Plutôt que de célébrer Pessah avec sa famille élargie, il fêtera le Seder avec un seul de ses enfants.

À la question de savoir comment il s’en sortait, il a simplement répondu « tequila ».
Une nuit différente, psychologiquement et religieusement.

En dehors d’Israël, les préparatifs de Pessah ont également été difficiles.

Bella Goldshtein, une Juive russe qui a passé ces dernières années à Washington, indique se trouver actuellement en quarantaine chez ses parents à Toula, à quelque 200 kilomètres de Moscou.

« Je sens que ce Pessah sera différent, tant du point de vue psychologique que religieux », confie-t-elle au Times of Israël.

Une femme achète de la matza dans un supermarché de Jérusalem, le 31 mars 2020. (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)

« Récemment, je suis revenu des États-Unis. Selon les mesures qui ont été prises par le gouvernement russe pour arrêter la propagation de Covid-19, je me suis mise en quarantaine pendant deux semaines, ce qui est tout à fait normal dans les circonstances actuelles, mais un peu inhabituel dans la perspective de Pessah. »

Alors que la communauté juive locale a été en mesure de fournir du vin et de la matza pour la fête, Mme Goldshtein indique ne pas avoir pu s’approvisionner en produits cashers, à part les fruits et légumes.

« C’est une chance pour moi de célébrer avec mes parents juifs soviétiques et d’apporter un peu de Yiddishkeit [judéité] dans leur maison ».

Mais plus d’une décennie après avoir quitté leur maison, elle est devenue de plus en plus religieuse, ce qui complique les choses.

« J’ai un dilemme maintenant – abandonner un peu les règles strictes de Pessah et cuisiner du gefilte fish et de la soupe aux boulettes de matzo avec ma mère dans sa cuisine non casher, mais les rendre heureux, ou apprécier des toasts à la matza et à l’avocat. »

Quoi qu’il arrive, les fêtes de cette année seront inoubliables, conclue-t-elle.

Judah Ari Gross et Michael Bachner ont contribué à cet article.

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