Les militants opposés à la refonte judiciaire désormais au secours des victimes du Hamas
Les manifestants, très organisés, fournissent une aide d'urgence aux personnes évacuées ou bloquées
En Israël, les opposants à la réforme judiciaire du gouvernement de droite, qui ont donné lieu à l’un des plus grands mouvements de protestation de l’histoire du pays, se sont reconvertis pour venir en aide aux nombreuses victimes du groupe terroriste palestinien du Hamas.
La coalition au pouvoir, qui unit le Likud (droite) de Benjamin Netanyahu et des partis d’extrême droite ainsi que des formations juives ultra-orthodoxes, estime cette réforme nécessaire pour corriger un déséquilibre, en renforçant le pouvoir des élus sur celui des magistrats. Ses opposants dénoncent eux une atteinte à la démocratie. (Des députés de l’opposition, dont Benny Gantz, ont depuis rejoint le gouvernement en tant que ministres sans portefeuille, dans le but de former un gouvernement d’urgence nationale.)
Pendant 39 semaines consécutives ils se sont mobilisés par milliers à travers le pays contre le gouvernement. Ils sont désormais mobilisés pour aider les personnes touchées, fournissant une aide d’urgence aux personnes évacuées ou bloquées.
Ils aident même à localiser et à identifier les victimes et les otages retenus en captivité dans la bande de Gaza sous blocus.
« Les organisations de la société civile font tout ce que notre gouvernement ne fait pas », déclare Ami Dror, 50 ans, PDG dans le secteur de la technologie, l’un des principaux leaders de la contestation depuis que le programme de réforme judiciaire a été dévoilé en janvier.
« Nous sommes simplement passés d’un mode de protestation à un mode d’aide », dit-il à l’AFP à l’Expo Tel Aviv.
Dans le hall du centre des congrès de Tel Aviv, des centaines de volontaires ayant une expérience dans le domaine de la technologie utilisent des outils avancés pour vérifier l’identité des personnes supposées avoir été enlevées.
Dans un parking voisin, des dizaines de personnes trient des tonnes de dons de nourriture, de vêtements et de produits d’hygiène, emballent des cartons qui seront ensuite livrés aux patients des hôpitaux, aux soldats et aux familles qui ont perdu leurs biens dans les violences.
Depuis samedi, lorsque les terroristes palestiniens ont lancé un assaut sur plusieurs fronts, au moins 1 300 personnes, dont des nombreux civils et des membres des forces de sécurité, ont été tuées en Israël, selon les chiffres officiels.
Les militants anti-refonte ont mis en place des opérations à travers le pays grâce à des dizaines de milliers de bénévoles.
En moins d’une semaine, les dons en argent et en objets provenant d’Israël et de l’étranger se sont élevés à quelques centaines de millions de dollars.
Israël dispose d’une « société civile forte… c’est pourquoi nous gagnerons », lance la blogueuse Dana Gat, 33 ans, qui vit dans le nord d’Israël.
Quand elle a appris « l’horrible nouvelle » samedi, elle a « commencé à partager des images de personnes disparues » sur les réseaux sociaux pour tenter de réunir les familles, dit-elle à l’AFP par téléphone.
Depuis, elle collecte des dons sur les réseaux sociaux et met en contact des bénévoles avec des personnes dans le besoin.
Pour Yishai Pulvermacher, porte-parole de l’association de défense des droits des femmes Bonot Alternativa (« Construire une alternative »), qui aide à coordonner les secours, « il n’y a jamais rien eu de tel en Israël ». « Les gens se sont organisés à une vitesse incroyable. »
Pour la fondatrice du groupe, Moran Zer Katsenstein, 41 ans, on ne pouvait pas faire confiance au gouvernement pour s’occuper des « milliers de milliers de personnes en Israël (qui) sont brisées ». « Nous devons sauver toute une génération », dit-elle à l’AFP.
Karine Nahon, 50 ans, informaticienne à l’université israélienne de Reichman, leader de la contestation, dirige l’unité qui utilise les données et l’intelligence artificielle pour identifier les victimes et les otages.
« Le temps presse », dit-elle à l’AFP. Si cette unité a pu agir rapidement, c’est grâce à l’infrastructure du mouvement de protestation et à l’expertise technologique israélienne.
Pour tous ces militants, le gouvernement Netanyahu, en revanche, a échoué.
« Ils ont du sang sur les mains », a déclaré M. Dror, du groupe de protestation Ahim Laneshek (« Frères d’armes »), composé de soldats de l’armée de réserve.
Le groupe de protestation Pink Front est passé de la « lutte dans les rues » à la « solidarité », dit sa responsable, Kalanit Sharon, 34 ans, une habitante de Tel Aviv.
« J’espère qu’il nous restera quelque chose à sauver », ajoute-t-elle, « et une fois que nous y serons parvenus, nous continuerons à nous battre pour la démocratie ».