Les Samaritains israéliens et palestiniens se réunissent pour la Pâque sur le mont Garizim
La communauté principalement arabophone vit en Cisjordanie et l'autre, essentiellement hébréophone, dans la ville de Holon

Leurs combinaisons blanches sont soudain maculées de rouge. Pour marquer la Pâque, quelques dizaines de Samaritains égorgent des moutons tandis que des prières en ancien hébreu retentissent sur le mont Garizim, en Cisjordanie.
« Ce qui se passe ici, c’est quelque chose que l’on fait depuis 3.600 ans », explique à l’AFP Abood Cohen, un trentenaire, le front rougi par le sang d’un agneau, en expliquant les rites de cette petite communauté religieuse.
Faisant remonter leurs origines aux Israélites que Moïse a conduits hors d’Egypte, les Samaritains partagent pour l’essentiel les mêmes croyances que les juifs, dont ils se sentent proches, tout en formant une communauté distincte.
Leur nom est familier aux chrétiens grâce à la parabole du Bon Samaritain.
« Chaque famille doit apporter un mouton », l’égorger et le griller sur le mont Garizim, près de la ville de Naplouse, en Cisjordanie, poursuit Abood Cohen.
« Pourquoi faisons-nous cela ici, à Garizim ? Parce que pour les Samaritains, le lieu le plus sacré au monde, c’est le mont Garizim », ajoute-t-il.
La communauté considère que c’est sur ce mont que, selon la tradition, Abraham a failli sacrifier son fils à la demande de Dieu.
Tandis que de jeunes hommes en casquettes ou calottes blanches acheminent les moutons vers le lieu sacrificiel, des prêtres en robes colorées et coiffés de fez rouges et blancs récitent des versets sacrés.
« La fête de la Pâque des Samaritains est la fête de la liberté, la fête de l’indépendance, du pardon de notre Seigneur envers les enfants d’Israël », décrypte Khader Adel Najer Cohen, prêtre et directeur du Centre d’études samaritaines.
Le sacrifice rituel, de même que le choix de Garizim comme site le plus sacré plutôt que le Mont du Temple à Jérusalem, sont deux des principales différences qui séparent les Samaritains des juifs.
« Un pont d’amour »
La Pâque est aussi l’occasion pour les deux communautés samaritaines, qui comptent au total quelque 880 membres, de se réunir.
L’une, principalement arabophone, vit à Garizim et l’autre, essentiellement hébréophone, dans la ville de Holon, près de Tel-Aviv.
Prêtre samaritain originaire de Holon et rédacteur d’un magazine communautaire samaritain, Yefet Tsedaka souligne l’héritage commun des deux communautés.
« Nous, à Holon, ne sommes qu’une branche de Garizim, car le grand prêtre se trouve ici », affirme-t-il.
Assis à ses côtés, Hosni Wasef Cohen, prêtre et directeur du musée samaritain, abonde.
« En tant que Samaritains, nous nous retrouvons tous ici pour accomplir le sacrifice. Il n’y a aucune différence entre les Samaritains d’ici et ceux de Holon », dit-il.
Historiquement, ceux de Garizim entretiennent aussi des liens étroits avec les Palestiniens et certains d’entre eux occupent des fonctions dans la vie politique locale de Naplouse.
Mais, en raison de la guerre à Gaza et du regain de tensions en Cisjordanie, qui limite la liberté de mouvement des Palestiniens, la foule est plus réduite cette année.
« C’est très différent. S’il n’y avait pas la guerre, de nombreux invités viendraient de Naplouse (…) ainsi que les Israéliens, et tout le monde se rassemblerait ici », regrette Jameel Samri, un autre prêtre.
« Nous espérons qu’il y aura la paix et que tout le monde pourra venir » l’an prochain, ajoute-t-il.
Venu de Holon, Hod – qui ne veut pas donner son nom de famille -, affirme qu’ « à cause de la situation, nous devons limiter le nombre d’Arabes qui viennent ici ». « Nous voulons être en bons termes avec le camp israélien, car nous sommes Israéliens », précise cet employé de la tech.
Khader Cohen, lui, déplore le fossé que la guerre et les restrictions de mouvement côté palestinien ont creusé entre les communautés.
« On adorait que les Palestiniens et les Israéliens viennent célébrer ensemble avec nous car nous sommes un pont d’amour et de paix entre les peuples », affirme-t-il.