Les sénateurs US bouleversés et silencieux après le film sur les atrocités du Hamas
Les membres des deux partis ont été ébranlés par 43 minutes d'images éprouvantes - à un moment charnière pour Israël, qui compte sur le soutien américain dans la poursuite de la guerre
WASHINGTON (JTA) — S’il y a une caractéristique qui distingue les cent membres du sénat américain, c’est celle de l’éloquence : ces femmes et ces hommes qui ont inventé l’obstruction parlementaire savent parfaitement s’exprimer.
Et il a été ainsi remarquable de les voir sortir mardi d’une salle de projection située dans les entrailles du bâtiment du Capitole, à peine capables de prononcer un seul mot.
Ce silence inhabituel a été entraîné par une initiative prise par deux sénateurs, Jacky Rosen, élue du Nevada pour le parti démocrate et Marco Rubio, républicain de Floride, qui ont organisé une projection pour les sénateurs du film de 43 minutes montrant le carnage et les atrocités commises par les terroristes du Hamas, le 7 octobre. Ce jour-là, 1 200 Israéliens avaient été massacrés avec une brutalité inouïe et 240 personnes avaient été enlevées et emmenées dans la bande de Gaza, avec parmi elles de nombreuses femmes, enfants, bébés et personnes âgées.
« Je ne veux pas en parler », a commenté la sénatrice démocrate de New York, Kirsten Gillibrand, en s’éloignant de la salle d’un pas rapide, les yeux remplis de larmes.
Le gouvernement israélien, qui a monté le film pour contrer le déni des horreurs qui s’étaient produites pendant l’attaque, a mis la vidéo à disposition pour des projections privées avec pour condition expresse que les images ne soient pas partagées. Le film a été montré dans plusieurs Parlements et à Hollywood et Hakeem Jeffries, représentant de New York qui dirige la minorité démocrate à la Chambre des représentants, l’a projeté devant les membres de la chambre.
Cette projection au sénat survient à un moment charnière dans le soutien apporté par Washington à la guerre contre le Hamas qui est menée par Israël dans la bande de Gaza. Un cessez-le-feu temporaire est actuellement en cours alors que l’État juif échange trois prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité nationale contre chaque otage civil enlevé par le Hamas, le 7 octobre.
Israël veut relancer sa campagne militaire rapidement, de manière à conserver son élan. Mais si le président américain Joe Biden dit soutenir avec ferveur les objectifs poursuivis par l’État juif – le retour des otages et le démantèlement du Hamas – son administration pousse Israël à donner l’assurance que les civils, au sein de l’enclave côtière, seront protégés au mieux quand les combats reprendront.
Et le scepticisme autour de la manière dont Israël a mené sa campagne à Gaza, jusqu’à présent, a augmenté dans les rangs des démocrates – 49 membres du Congrès apportent dorénavant un soutien à une sorte de cessez-le-feu prolongé, une dynamique qui, selon Punchbowl News, inquiète tellement Jérusalem qu’un militaire israélien de premier plan a été envoyé pour s’exprimer devant les membres démocrates du congrès, lundi.
Deux démocrates apportant leur soutien à un cessez-le-feu figuraient parmi les 40 sénateurs des deux partis qui ont assisté à la projection. Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts, pâle, a écarté un journaliste qui l’abordait à la sortie de la salle, disant : « Je n’ai pas de commentaire à faire » dans un soupir. Dick Durbin, élu dans l’Illinois, a été le premier à partir. Un journaliste lui a alors demandé si les violences avaient fait évoluer son point de vue.
« Tout ce que je sais, c’est que c’était horrible et que le film établit clairement le degré d’horreur de ce qui s’est passé », a-t-il dit avant de se rendre dans une partie du bâtiment réservée exclusivement aux sénateurs.
La majorité des sénateurs qui ont quitté la salle n’ont rien dit – malgré les supplications des journalistes. Marsha Blackburn, élue républicaine pour le Tennessee, a levé la main et elle a marché, les yeux baissés. Michael Bennet, démocrate du Colorado dont la mère est une survivante de la Shoah, est sorti de la projection en courant (une porte-parole a indiqué à la Jewish Telegraphic Agency qu’il avait été « profondément perturbé » par les images mais qu’il devait aussi se rendre en hâte à la tribune du sénat pour présider une session).
Seuls Rosen et Ted Cruz, républicain du Texas, ont parlé longuement aux journalistes. Cruz, orateur de premier plan, s’est exprimé lentement, la voix basse et délibérément douloureuse en évoquant principalement la joie évidente des terroristes pendant le bain de sang.
« Une grande partie du film a été tournée avec les caméras corporelles des terroristes du Hamas, à partir de leurs téléphones portables », a déclaré Cruz. « Nous avons vu les terroristes se réjouir en tuant des enfants et des femmes, en profanant les corps ; nous les avons vu décapiter des corps avec des couteaux, nous avons entendu des enregistrements des terroristes qui appelaient leurs parents pour fêter leurs assassinats ».
Il a pris une longue pause. « C’est un niveau de Mal, de haine et de dépravation qui va au-delà des mots », a-t-il ajouté.
Cruz a indiqué que ce qu’il avait vu plaidait en faveur de la poursuite, par Israël, de la guerre. Rosen a expliqué avoir eu la conviction qu’il fallait faire cette projection devant le sénat. Elle a déclaré après cette dernière qu’elle espérait ainsi avoir convaincu ses collègues de soutenir l’enveloppe d’aide d’urgence de 14 milliards de dollars à Israël, une enveloppe que Biden a demandée.
« C’est important que nous puissions voir cela maintenant, en temps réel, parce que le Hamas a juré de répéter ce bain de sang encore et encore, encore et toujours », a-t-elle dit immédiatement après la projection, le visage encore pâle et la voix recueillie, douce. « Nous devons aller de l’avant pour trouver un moyen d’éradiquer ce cancer qu’est le terrorisme du Hamas. C’est ce que nous devons faire. C’est à cela que je vais m’atteler, c’est ce sur quoi je vais me focaliser ».
Son assistante lui a alors rappelé qu’elle avait une réunion. Mais la réunion devra attendre, a répondu Rosen. « Je vais prendre un petit moment pour moi après ça », a-t-elle expliqué.