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Les survivants de la Shoah pourront poursuivre la Hongrie en justice aux USA

Les poursuites se chiffrant en milliards de $ remontent à 2010. La Cour d'appel estime qu'en matière de justice, les USA peuvent instruire. Les avocats saisiraient la Cour suprême

Yaakov Schwartz est le rédacteur adjoint de la section Le monde juif du Times of Israël

En 1944, des Juifs hongrois font la queue devant le bâtiment "Glass House", d'où le diplomate suisse Carl Lutz a aidé à sauver la vie de dizaines de milliers de personnes. (FOTO:FORTEPAN / Archiv für Zeitgeschichte ETH Zürich / Agnes Hirschi)
En 1944, des Juifs hongrois font la queue devant le bâtiment "Glass House", d'où le diplomate suisse Carl Lutz a aidé à sauver la vie de dizaines de milliers de personnes. (FOTO:FORTEPAN / Archiv für Zeitgeschichte ETH Zürich / Agnes Hirschi)

BUDAPEST – Le deuxième plus haut tribunal des États-Unis a rétabli un procès intenté par un groupe de survivants de la Shoah et leurs familles contre le gouvernement de la Hongrie et sa compagnie nationale des chemins de fer. Le recours collectif exige la réparation du rôle joué par la Hongrie dans le meurtre de 500 000 Juifs et la saisie de leurs biens pendant la Seconde Guerre mondiale.

Préparant le terrain pour ce qui pourrait être un procès civil historique se chiffrant en dizaines de milliards de dollars, la juge Patricia A. Millett a écrit le 28 décembre à la Cour d’appel du district de Columbia que la Hongrie ne pouvait forcer les demandeurs à faire juger l’affaire par un tribunal hongrois.

La décision a annulé celle d’un juge fédéral qui avait statué que le Traité de paix de Paris de 1947 entre la Hongrie et les puissances alliées accordait l’immunité à la Hongrie.

Une décision rendue en 2016 par la Cour d’appel dans l’affaire en cours a également annulé une autre décision de la Cour fédérale, ce qui aurait également empêché que l’affaire soit portée devant les États-Unis.

La Cour d’appel a déclaré que les victimes de la Shoah peuvent demander réparation devant un tribunal américain pour tout bien juif saisi par la Hongrie à partir du moment où les Juifs ont été expulsés de leurs foyers, qualifiant ce vol de « prise génocidaire » en violation du droit international.

« C’est probablement le litige le plus important et le seul dans lequel le gouvernement hongrois et sa compagnie ferroviaire nationale seront tenus responsables de leur rôle dans l’extermination des Juifs hongrois entre 1941 et 1945 », a déclaré Marc Zell, le conseiller juridique des demandeurs, au Times of Israel.

« Jusqu’à présent, la Hongrie, qui était un État souverain au temps de la Seconde Guerre mondiale, n’a jamais été traduite en justice pour ce qu’elle a fait et a tenté de se dégager de toute responsabilité dans le traité de paix qu’elle a signé en 1947 avec les puissances alliées », a expliqué Zell.

Konrad L. Cailteux, avocat basé à New York, a déclaré au Times of Israel que la défense n’avait aucun commentaire à faire en raison d’un litige en cours. De même, le ministère hongrois de la Justice n’a pas répondu aux demandes répétées de commentaires qui lui ont été adressées.

Vendredi, la défense a déposé une requête pour que l’appel soit rejugé par l’ensemble des 11 juges de la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit du district de Columbia, parallèlement à une autre affaire intentée contre l’Allemagne. Cette requête est toujours en instance.

Selon M. Zell, en déposant la requête, la Hongrie se positionne peut-être en vue d’un appel devant la Cour suprême.

Marc Zell, le président de Republicans Overseas Israel, lors d’un événement à Jérusalem, le 26 octobre 2016. (Yonatan Sindel/Flash90)

Le gouvernement hongrois a invoqué le traité de 1947 afin de retarder cette affaire plusieurs fois depuis qu’elle a été entamée en 2010, et a réussi à l’utiliser pour faire échec à une affaire similaire qui avait été présentée simultanément à Chicago.

« La Cour d’appel fédérale leur a dit [dans l’affaire de Chicago] qu’ils devaient se rendre en Hongrie pour le procès, et ils l’ont fait – et ils se sont heurtés à un mur en pierre. Ils ont simplement abandonné tout espoir », a déclaré Zell.

Zell a allégué que le tribunal hongrois a utilisé « toutes sortes de motifs techniques – la chose même que nous avons fait valoir devant le tribunal de Washington pour expliquer pourquoi il n’était pas juste de forcer les survivants de la Shoah et leurs familles à retourner au lieu même où s’est déroulée la Shoah, pays qui a toujours des difficultés à reconnaître sa responsabilité et de juger cette affaire devant les tribunaux hongrois ».

Plus de mal que de bien

Au cours des 20 dernières années, le gouvernement hongrois a fait semblant de permettre aux victimes hongroises de la Shoah de déposer des plaintes pour dédommagements, a dit Zell, mais il a qualifié ces paiements de « plaisanteries ».

« Pour les personnes qui ont été envoyées à Auschwitz ou à Mauthausen et qui ont survécu, par exemple, ou pour celles dont des membres de la famille ont péri dans les camps, ils versaient environ mille dollars », précise Zell.

Il a également allégué qu’un grand nombre des victimes se sont vu refuser toute aide. Les ressortissants hongrois vivant en Israël qui ont demandé à être indemnisés sous leur nom hébreu ont été refusés, bien que les noms juifs et hongrois figurant dans le dossier représentent les mêmes personnes, a-t-il dit.

« Ils les ont refusés pour des raisons techniques et bureaucratiques, juste pour éviter d’avoir à leur verser la très faible compensation qu’ils étaient théoriquement prêts à payer. C’est une parodie de justice », a dit Zell.

Les principaux plaignants sont des citoyens américains, canadiens, australiens et israéliens. Parmi les 14 personnes qui ont survécu à Auschwitz, 12 d’entre elles sont des résidents hongrois.

M. Zell a déclaré que si les survivants de la Shoah basés en Hongrie sont inclus dans le recours collectif et bénéficieraient d’une décision favorable, pas une seule personne vivant actuellement en Hongrie n’a désiré prendre un rôle moteur dans le cas américain, par crainte des représailles chez eux.

Le rabbin Zoltán Radnóti dans son bureau de Budapest, le 17 juillet 2017. (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israël)

Le rabbin Zoltán Radnóti, président du conseil rabbinique de MAZSIHISZ, la Fédération des communautés juives hongroises, a déclaré la semaine dernière au Times of Israel qu’il n’était pas surpris par la réticence des juifs hongrois à s’impliquer dans cette poursuite civile massive.

« Beaucoup de gens ont peur de s’opposer au gouvernement. C’est une mentalité d’Europe de l’Est », a déclaré M. Radnóti. « Peut-être que le gouvernement les mettra sur une liste de gens qui sont hostiles. Ce n’est pas bon pour eux, pour leurs familles. Ils savent que s’ils s’opposent avec le gouvernement américain, le gouvernement hongrois sait tout – il est extrêmement puissant. »

M. Radnóti a évoqué les grèves et manifestations récentes contre des médias de plus en plus contrôlés par le gouvernement et ce que l’on a surnommé la nouvelle « loi sur le travail forcé », affirmant que les manifestants étaient au plus quelques milliers. « Pourquoi les gens y prendraient part ? Ce n’est pas bon pour eux », a-t-il ajouté.

Il a également souligné les craintes d’une réaction antisémite de la part de la population hongroise en général.

« Les Juifs hongrois [en grande partie laïques] ne veulent pas être considérés comme juifs », a dit Radnóti. « Et si le tribunal américain dit que le gouvernement hongrois doit payer des milliards de dollars aux Juifs de Hongrie ou d’ailleurs, le peuple dira : ‘Les Juifs prennent l’argent des hôpitaux, les Juifs prennent l’argent de la police’. Ça fera plus de mal que de bien ».

Obtenir justice est la mentalité d’un avocat américain, a-t-il dit.

« Le peuple hongrois ne pense pas comme ça. C’était il y a 74 ans. Qui s’en soucie ? Si on a raison, alors quoi ? Qu’est-ce que ça donne ? demanda Radnóti.

Selon le World Jewish Restitution Organization – (WJRO), des efforts sont encore en cours pour négocier des compensations avec le gouvernement hongrois, quoique plus loin des feux de la rampe. La communauté juive locale coopère à ces efforts, a déclaré le WJRO.

« Le WJRO, en coordination avec la communauté juive hongroise, est en pourparlers avec le gouvernement hongrois au sujet des questions de restitution en suspens », a déclaré Gideon Taylor, président des opérations de la WJRO.

Des dizaines de milliards de dollars de compensation

Zell a déclaré que l’affaire contre le gouvernement hongrois et la compagnie nationale des chemins de fer, Magyar Allamvasutak, pourrait voir une importante demande financière déposée au nom des survivants juifs de la Shoah.

« Nous n’avons pas indiqué de chiffres dans cette affaire, mais si elle va de l’avant, nous demanderons des dizaines de milliards de dollars d’indemnisation, soit le montant qui serait dû en fonction de la valeur de la propriété qui a été prise au moment des déportations vers les camps », a déclaré Zell.

A titre d’illustration : Des bagues en or confisquées aux prisonniers du camp de concentration de Buchenwald. (Domaine public/Wikimédia)

Zell a affirmé que la communauté était « extrêmement riche », énumérant les biens confisqués tels que les entreprises, les propriétés de valeur et les œuvres d’art.

« Dans l’un de nos cas, la famille avait en sa possession toute une collection de maîtres de la peinture des Pays-Bas qui ont été confisqués par le gouvernement hongrois », dit-il.

« Tous les comptes bancaires, les polices d’assurance, les énormes sommes d’argent et les biens personnels qui valaient à l’époque bien plus de 1 ou 2 milliards de dollars, » poursuit Zell. « Mais au bout de 70 ans, avec les intérêts et tout le reste, ce nombre a explosé », a-t-il dit, soulignant que le procès ne portait que sur les biens meubles et ne portait même pas sur les biens immobiliers confisqués aux Juifs de ce pays.

Si l’affaire aboutit à un jugement définitif, les plaignants chercheront probablement à obtenir satisfaction auprès d’actifs hongrois aux États-Unis ou ailleurs, a déclaré M. Zell. Cependant, a-t-il dit, aucun procès civil de la Shoah n’a jamais été mené jusqu’au procès ; toutes les affaires ont été soit rejetées, soit réglées. Si l’affaire aboutit au procès, ce sera une première judiciaire.

Zell a dit qu’aujourd’hui encore, le gouvernement hongrois tient des registres méticuleux de la période de l’expulsion et de l’extermination des Juifs, et que de nombreux survivants pourraient prouver exactement les biens qu’ils auraient perdus. Il a dit qu’ils auraient droit à des sommes en espèces correspondant à la valeur de ce qu’ils ont perdu, tout comme les héritiers des victimes qui ne sont plus en vie.

Les biens de nombreuses victimes qui ne peuvent pas se manifester parce qu’elles sont décédées et n’ont pas de famille pour les réclamer en leur nom sont également indemnisables, a dit Zell. Les réparations de ces biens pourraient être versées dans un fonds général qui profiterait aux survivants de la Shoah vivant dans la pauvreté ou dans des conditions financières difficiles, qui sont nombreux en Israël et dans le monde. Tout l’argent restant pourrait aller aux communautés et institutions juives en Hongrie.

Adolf Hitler, (à droite), regarde une œuvre d’art volée, en 1940. (Crédit : Photo12/UIG via Getty Images)

Toutefois, a-t-il dit, il appartiendra en fin de compte au tribunal de décider de la façon dont les fonds provenant d’un règlement ou d’un jugement seront dépensés.

La procédure exige également que la compagnie de chemin de fer rembourse les frais de transport qu’elle a facturés aux communautés juives pour les transporter dans les camps de la mort.

La compagnie nationale des chemins de fer hongrois allait chercher les Juifs chez eux et les plaçait souvent dans des ghettos et des abris temporaires avant de les mettre dans les trains eux-mêmes, dit Zell. Lorsqu’ils montaient à bord des trains, les cheminots confisquaient les effets personnels de nombreuses personnes – qui, dans certains cas, valaient beaucoup d’argent, comme de l’argent liquide et des bijoux que cachaient les déportés à Auschwitz et Mauthausen, a-t-il déclaré.

Ce qui distingue cette affaire des autres qui l’ont précédée, a dit M. Zell, c’est que le gouvernement hongrois est également défendeur et que, par conséquent, le montant des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés dans cette affaire est beaucoup plus élevé que celui qui pourrait l’être contre la seule compagnie ferroviaire.

« Tout ce que nous accepterons doit être un montant qui aura un impact sur le gouvernement et le peuple hongrois. Il ne peut s’agir de quelque chose de purement symbolique », a déclaré M. Zell. « Nous ne cherchons pas à les mettre en faillite, ni le chemin de fer. Mais nous cherchons à sensibiliser le gouvernement et le peuple hongrois d’une manière matérielle, et c’est ainsi que justice sera faite ».

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