L’État va faire appel de la décision du tribunal statuant sur le droit des réfugiés érythréens
Le ministre de l'Intérieur a violemment rejeté la décision du tribunal qu'il qualifie de "grave et fausse'' et selon laquelle Israel aurait enfreint la Convention de l'ONU pour les réfugiés
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Le ministère de l’Intérieur va interjeter appel d’une décision du tribunal qui a donné un espoir de courte durée à des milliers de ressortissants érythréens demandeurs d’asile en Israël.
Le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri a rejeté lundi, qualifiant de « malheureux » et de signe avant-coureur potentiel d’ « ennuis sans fin », la décision donnée dimanche par le juge Elad Azar. Cette décision affirme que la politique du gouvernement israélien consistant à refuser le statut de réfugié aux déserteurs de l’armée érythréenne pourrait contrevenir à la Convention des Nations unies pour les réfugiés.
Le tribunal a également rejeté la déclaration du ministère de l’Intérieur affirmant que le renversement de sa politique pourrait l’obliger à accorder l’asile à un grand nombre d’Erythréens et que cela pourrait avoir de graves conséquences pour Israël.
Deri a qualifié la décision de « distorsion de la position de l’État. La déclaration selon laquelle Israël ne respecte pas ses obligations envers la Convention sur les réfugiés est grave et fausse », a rapporté Haaretz.
« Les faits sur le terrain sont différents et chaque demande est examinée individuellement, selon tous les critères, et dans les cas appropriés le statut de réfugié est accordé. »
Deri a déclaré que le procureur général précédent, Yehuda Weinstein, avait approuvé la position de son ministère sur la désertion de ne pas être une qualification pour l’asile. Il a ajouté que rejeter cette opinion aurait « des conséquences importantes qui pourraient apporter des dizaines de milliers d’infiltrés ici. »

Les pays européens accordant l’asile aux réfugiés ont eu « à gérer les conséquences et vérifient toutes les candidatures à fond », a ajouté Deri.
Le tribunal a jugé dimanche qu’ « en général, la désertion en soi ne constitue pas un motif d’octroi de l’asile politique ».
« Mais la désertion qui est considérée comme l’expression d’une opinion politique, et pour laquelle la sentence dépasse des frontières raisonnables, pourrait constituer une persécution dans le sens dans lequel Israël interprète la Convention sur les réfugiés. »
Le juge poursuit : « Limiter la protection accordée en vertu de la Convention sur les réfugiés en n’offrant pas aux gens le droit au statut de réfugié, juste parce qu’il y en a beaucoup d’entre eux, n’est pas conforme à la Convention sur les réfugiés ni aux règles du droit administratif israélien… Nous parlons des raisons personnelles, des justifications individuelles de beaucoup de gens, et non pas d’une logique générale de groupe ».
Il a ajouté : « Même dans le cas complètement théorique dans lequel il serait constaté que le statut de réfugié devait être accordé à tous les demandeurs d’asile, je crois que ce n’est pas une quantité de personnes qu’Israël est incapable d’absorber ou qui pourrait conduire à des résultats déraisonnables, étant donné que dans tous les cas, chacun d’entre eux devrait rester en Israël pendant une longue période, même si leurs demandes sont rejetées ».
Des ressortissants érythréens ont soumis 7 218 demandes d’asile aux autorités israéliennes entre 2009 et le début du mois de juillet 2016, dont seulement huit ont été approuvées, avec 3 105 demandes toujours en attente d’une réponse, et le reste, étant soit rejetées ou retirées, a rapporté Haaretz lundi, en utilisant des chiffres qu’il a obtenus du ministère de l’Intérieur.
L’appel pour lequel le jugement a été rendu a été déposé il y a deux ans par la Clinique des Droits des réfugiés de l’Université de Tel Aviv et la Hotline pour les réfugiés et les migrants au nom d’un demandeur d’asile érythréen qui avait déserté l’armée érythréenne et enfreint la loi en quittant le pays.
Le Comité consultatif des affaires des réfugiés du ministère de l’Intérieur a rejeté sa demande sans discussion. Le tribunal a ordonné dimanche de reconsidérer la décision.
« Nous ne pouvons pas accepter la tendance évidente dans les cas qui ont été portés à ce tribunal à ce jour, dans laquelle les demandes d’asile de ressortissants érythréens qui sont fondées sur le fait d’avoir éludé ou déserté le service militaire/national sont rejetées lors de réunions hâtives, sans aucune raison, et sans même avoir été discutées par le comité consultatif au complet, » a écrit le juge Azar.
En juin, des centaines de demandeurs d’asile érythréens sont descendues dans les rues près de Tel-Aviv à la suite de la publication plus tôt ce mois d’un rapport de l’ONU sur le régime imposé par l’État africain, considéré comme l’un des pays les plus répressifs au monde.
Un rapport de la Commission de l’ONU sur les droits de l’Homme en Erythrée a déclaré que des crimes contre l’Humanité ont été commis de façon généralisée et systématique dans les établissements de détention érythréens, dans des camps d’entraînement militaire et dans d’autres endroits à travers le pays au cours des 25 dernières années.
Des crimes comme l’esclavage, l’emprisonnement, les enlèvements, la torture, la persécution, le viol, l’assassinat et d’autres actes inhumains ont été commis depuis 1991 dans le cadre d’une campagne visant à instiller la peur, à dissuader l’opposition d’agir et à finalement contrôler la population civile érythréenne, lorsque les séparatistes érythréens ont battu les forces éthiopiennes en Érythrée, selon le rapport.
Selon les Nations unies, environ 5 000 Érythréens risquent leur vie chaque mois pour fuir le pays où la conscription forcée de l’armée peut durer des décennies.
L’AFP a contribué à cet article.