L’extrémiste juif Bentzi Gopstein reconnu coupable d’incitation au racisme anti-arabe
Lavé des charges d'incitation à la violence et au terrorisme, le chef de Lehava est condamné pour des propos de 2014 qualifiant les Arabes de "cancer". Selon lui, le 7 octobre lui donne raison
Ce dimanche, Bentzi Goptstein, chef d’un groupe extrémiste juif, a été reconnu coupable d’incitation au racisme et non coupable des accusations d’incitation à la violence et au terrorisme.
Les accusations portées contre le chef du groupe Lehava, Bentzi Gopstein, étaient liées à plusieurs déclarations publiques provocatrices faites à propos des Arabes entre 2012 et 2017.
Le tribunal de première instance de Jérusalem l’a reconnu coupable pour des propos tenus lors d’un discours prononcé en 2014 lors d’une cérémonie en mémoire du rabbin extrémiste assassiné Meir Kahane. En l’espèce, il s’était insurgé contre les « ennemis de l’intérieur ». Il a toutefois été lavé de tout soupçon concernant les autres charges accumulées contre lui.
« Les ennemis parmi nous sont un cancer, et si nous ne nous débarrassons pas de ce cancer, nous ne pourrons pas continuer à exister ici en tant que Juifs », avait-il déclaré. « Le mont du Temple est le lieu de plus forte croissance du cancer entre tous… Tant que le gouvernement israélien n’aura pas éliminé ce problème du mont du Temple, Israël ne sera pas pleinement sauvé. »
Le mont du Temple, à Jérusalem, est le site le plus sacré du judaïsme, mais les Juifs n’ont pas le droit d’y prier et l’accès y est drastiquement limité car il abrite également la mosquée Al Aqsa, troisième sanctuaire de l’islam. Nombreux sont les musulmans à dénier tout droit aux Juifs sur les lieux et considérer de facto toute présence juive comme une provocation.
Dans leur décision, les juges ont déclaré que « tous les Arabes israéliens étaient des ennemis à ses yeux » et que selon lui, « il n’y a pas de place pour des Arabes à des postes de direction dans le pays ».
Les juges se sont référés à une interview donnée par Gopstein sur la Deuxième chaine (aujourd’hui la Douzième chaine) avec la journaliste arabe israélienne Lucy Aharish, lors de laquelle l’activiste lui avait dit qu’en sa qualité de citoyenne arabe, « Vous n’avez rien à faire ici » dans l’État juif. Lorsque Aharish lui avait rétorqué qu’elle ne partirait pas, il avait répondu : « C’est ce que nous verrons. »
Lorsque les juges lui ont proposé une peine de travaux d’intérêt général, Gopstein a répondu : « Je préfère purger fièrement ma peine en prison. »
Après le procès, Gopstein a déclaré à la presse qu’il pensait que les gens seraient plus enclins à le comprendre au regard des massacres du groupe terroriste du Hamas, le 7 octobre 2023, au cours desquels les terroristes ont massacré 1 200 personnes dans les communautés du sud, principalement des civils, et fait 240 otages aujourd’hui séquestrés à Gaza.
« J’ai dit que les Arabes voulaient nous exterminer, qu’ils étaient pour nous le principal danger, et que si nous ne les combattions pas, ils viendraient tuer des Juifs, et c’est ce qui s’est passé. C’est pour cela que vous me condamnez ? » a-t-il dit.
« Je suis fier de ce que j’ai dit et je ne le regrette absolument pas. Si l’État d’Israël décide de me mettre en prison, j’irais avec joie », a-t-il ajouté.
« Le 7 octobre, des milliers de Gazaouis ‘non impliqués’ sont entrés avec les terroristes du Hamas pour massacrer, violer et piller, brisant l’illusion de la coexistence, contre laquelle j’avais mis en garde », a-t-il poursuivi, s’engageant à continuer à lutter contre « la coexistence avec l’ennemi arabe » et « sauver les filles d’Israël ».
Le groupe d’extrême droite de Gopstein, Lehava, s’oppose catégoriquement aux mariages mixtes et échanges entre Juifs et Arabes et fait tout ce qu’il peut pour empêcher les activités publiques des non-Juifs en Israël. Lehava, que certains députés ont tenté de faire désigner comme organisation terroriste, appelle régulièrement à prendre des mesures contre les non-Juifs afin de « sauver les filles d’Israël ».
Dans l’acte d’accusation, les procureurs ont également évoqué une interview de 2012 avec Israel National News dans laquelle Gopstein faisait l’éloge d’un groupe de jeunes juifs qui avaient battu des adolescents arabes sur la place Zion à Jérusalem, déclarant qu’ils « avaient relevé la dignité juive et fait ce que la police aurait dû faire ».
« Ils ont fait justice aux émeutiers arabes qui avaient harcelé des filles juives. C’est dommage qu’il ait fallu qu’ils s’en occupent eux-mêmes et que la police ne s’en soit pas occupée », avait-il ajouté.
Les procureurs ont évoqué une autre interview télévisée de 2012 dans laquelle Gopstein s’était vanté d’avoir refusé d’embaucher ou de travailler avec des Arabes. Interrogé sur ce qui se passerait s’il y avait un serveur arabe à un mariage, Gopstein avait répondu que le traiteur « devrait chercher l’hôpital le plus proche ».
Dans une autre interview à la Deuxième chaine de l’époque, Gopstein avait affirmé « Ce ne sont pas les Arabes qui méritent d’être battus qui manquent », en particulier ceux qui flirtent avec des femmes juives.
L’acte d’accusation évoque également l’éloge fait par Gopstein, en 2017, de Baruch Goldstein, terroriste juif coupable de l’assassinat de 29 fidèles palestiniens au Tombeau des Patriarches d’Hébron en 1994.
« Il s’agit d’une personne influente qui a tenu à plusieurs reprises des propos racistes et violents », a déclaré le procureur Amichaï Marx suite à la décision, qui, selon lui, adresse un message clair à ceux qui voudraient « inciter au racisme au sein de la société israélienne ».
S’agissant des accusations dont Gopstein a été innocenté, Marx a déclaré : « Nous étudierons la décision et examinerons nos positions. »
Suite à l’annonce de la décision, le groupe de coexistence Tag Meir a rappelé que Gopstein est « le meilleur ami du ministre de la Sécurité intérieure [Itamar Ben Gvir] », qui l’a représenté par le passé devant les tribunaux.
Ben Gvir est un ancien allié politique de Gopstein qui a un peu modéré son discours ces dernières années – certains disent que ce n’est que pour des raisons tactiques –, nommé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu au poste de ministre de la Police et demeure un élément fondamental de la coalition d’extrême droite.
« Il n’y a pas de différence entre Baruch Goldstein, que Gopstein admire, et les kamikazes musulmans. La tentative stupide de Benzi Gopstein d’utiliser l’attaque du 7 octobre en nous disant que tous les Arabes – y compris ceux qui sont dans l’armée, la police, le Shin Bet, les systèmes de santé, le système judiciaire ou la construction, les nouvelles technologies ou l’agriculture – sont tous du Hamas, est raciste et totalement répugnante », a déclaré Tag Meir par voie de communiqué.
Gopstein a déjà été arrêté à plusieurs reprises et a fait l’objet d’une enquête pour des propos tenus à l’encontre de non-Juifs, et notamment pour un article dans lequel il qualifiait les chrétiens vivant en Israël de « vampires ». Il a également été arrêté peu de temps après que des membres de son groupe ont tenté d’incendier une école arabo-juive à Jérusalem en novembre 2014. Gopstein n’a pas été inculpé pour ces faits, mais trois membres de Lehava ont été condamnés.
Gopstein a tenté de se lancer en politique en 2019, en occupant un poste de haut niveau au sein du parti Otzma Yehudit, mais la Cour suprême lui a interdit de se présenter aux élections. Le parti n’a pas réussi à remporter de sièges à la Knesset en 2019 et 2020, mais a eu plus de succès en 2021 sous la direction de Ben Gvir, et à nouveau en 2022, dans le cadre d’un partenariat avec le parti HaTzionout HaDatit.