L’histoire d’un assassin, à travers les yeux de la famille qu’il a fondée en prison
Le documentaire "Beyond the Fear" se concentre sur la femme qui a inexplicablement épousé l'assassin d'un Premier ministre, Yigal Amir, et sur leur fils
Alors que le documentaire de 86 minutes « Beyond The Fear » [Au-delà de la peur »] touchait à sa fin, il n’était pas encore complètement clair pourquoi Herz Frank, un metteur en scène letton de renom qui a vécu en Israël les vingt dernières années de sa vie, avait réalisé un film sur Larissa Trimbobler, la femme qui a épousé Yigal Amir, l’assassin du Premier ministre Yitzhak Rabin.
Frank mourut en 2013, à l’âge de 87 ans, avant de terminer le travail. Sa partenaire dans la mise en scène, la jeune cinéaste russe Maria Kravchenko, l’a repris. Il a fallu 10 ans pour terminer le film, a dit Kravchenko, lors d’une interview avant la projection.
La première du film a eu lieu mercredi soir à Jérusalem, la veille de l’ouverture du Festival du film de Jérusalem, au cours duquel il devait initialement être projeté.
Lorsque la ministre de la Culture Miri Regev a menacé de retirer le financement gouvernemental au festival et à son hôte, la Cinémathèque de Jérusalem, si elle projetait le film dans le cadre du festival, l’équipe a décidé de le montrer un peu plus tôt afin d’éviter tout conflit.
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La prise de position de Regev, a révélé Kravchenko, a en fait amené plus de spectateurs aux deux projections consecutives qui ont eu lieu dans le petit auditorium du centre Michkenot Shaananim de Jérusalem.
Les projections se sont tenues au centre des arts à proximité afin d’éviter toute publicité inutile et pour se conformer à l’accord avec Regev pour maintenir le film hors de la Cinémathèque partiellement financée par l’État. Il n’y a pas eu de manifestants à l’horizon.
Les deux projections étaient pleines, et il y avait une population russophone considérable parmi le public.
Le film, qui examine les motifs de Trimbobler, une Israélienne d’origine russe qui a connu Amir à Riga, en Lettonie – où il a passé quelque temps après son service militaire en tant qu’émissaire pour son mouvement de jeunesse sioniste religieux – se concentre son histoire personnelle et sa vie actuelle en tant que mère de cinq enfants, dont le plus jeune, Yinon Amir, le fils qu’elle a eu avec Yigal.
Il y a des entretiens avec Benjamin, l’ex-mari de Trimbobler, avec qui elle a eu ses quatre premiers enfants, et des photos d’archives où ils figurent en tant que famille. Il y a une brève interview avec les parents d’Yigal Amir et son frère, Hagai, qui l’a aidé dans l’assassinat de Rabin. Il y a des commentaires haineux et des diatribes faits par le public israélien à propos d’Amir et de Trimbobler, ainsi que les sentiments plus mitigés prononcés par la fille adolescente de Trimbobler, dont le visage a été flouté dans le film.
Mais peut-être les parties les plus éloquentes et les plus fascinantes du film sont les voyages de Trimbobler chaque mercredi pour visiter en prison Amir, qui est actuellement détenu dans la ville méridionale de Mizpe Ramon, avec des gouttes de pluie oniriques tombant sur le pare-brise de la voiture et la brume romantique du paysage désertique.
Il y a aussi des scènes poignantes avec Yinon, maintenant âgé de huit ans, son visage flouté également, parlant avec son père au téléphone, et entendant la voix d’Amir au bout du fil.
Les deux parlent de Dieu, pourquoi Amir est en prison, de ceux qui haïssent Amir, des raisons pour lesquelles Amir a tué Rabin. « C’était un homme mauvais, » a dit l’assassin à son fils.
Trimbobler, pour sa part, tente d’expliquer, en russe, à Herz pourquoi elle a rendu visite Amir en prison au début et ce qui les rapprochait. Elle a lutté pour l’épouser et avoir des visites conjugales pour porter son enfant.
« L’amour », lui explique-t-elle. « Le lien humain le plus fondamental. »
Frank a toujours été attiré par les gens en marge, confie Kravchenko, pour expliquer sa motivation. « Les gens sur la limite intérieure, » dit-elle, « les gens entre l’amour, la vie et la mort. »
Avec plus de 30 films à son actif, les œuvres de Frank ont souvent exploré l’âme humaine et les relations entre les gens et leur environnement, le tragique de l’existence et le destin de l’humanité, selon Latfilma, un site sur l’industrie du cinéma letton.
Les conversations dans le film entre Frank et Trimbobler sont en russe, tandis que d’autres passages du documentaire sont en hébreu. Il semble que leur identité culturelle et leur langue communes, même si Trimbobler est une Juive pratiquante, était un facteur contraignant.
Frank a immigré en Israël en 1993 et a commencé à travailler sur « Beyond the Fear » vers 2005, après que Trimbobler ait divorcé de son premier mari et ait annoncé qu’elle voulait épouser Amir.
Kravchenko, qui a rencontré pour la première fois Frank lors d’une masterclass en 2006 à son école de cinéma russe, l’a rencontré à nouveau en Israël en 2009, quand elle a immigré. Les producteurs ont suggéré qu’ils travaillent ensemble sur le film afin d’offrir un contraste d’âge et d’approche.
Elle a dit qu’elle voulait le faire. « Le héros du film est une femme, et je suis une femme et une mère et aussi russe », a déclaré Kravchenko, qui a 33 ans, et qui ne parle que le russe et un peu d’hébreu.
« Il n’y avait pas de peur, » se souvient-elle. « C’était probablement fou, mais nous ne pouvions pas nous empêcher de faire ce film. Nous ne pouvions pas le laisser aller. »
Vers la fin de sa vie, Frank, qui intervient comme un narrateur partiel, est montré à l’hôpital, parlant au téléphone avec Trimbobler. Il lui dit qu’il est là pour quelques examens, qu’il va bien et qu’il se sent bien avec le film.
« Je ne pouvais pas imaginer Frank mourir, » révèle Kravchenko, qui savait peu de choses sur Yigal Amir, quand elle a commencé à travailler sur le film. « J’étais nouvelle, je n’avais aucun lien affectif avec l’histoire. »
Quand elle l’a repris, il y avait encore des prises de vue à faire. Avec le soutien de Guntis Trekteris, le producteur letton, elle a terminé le film et il a été projeté pour la première fois au Festival de Riga en décembre dernier.
Ils savaient que ce serait un film controversé au sein du public israélien, et ne savaient pas s’il serait projeté ici dans des festivals. Ce qu’ils ont découvert c’est que les réactions sont plus défensives que négatives, a-t-elle dit.
Maintenant que le film est dans le circuit des festivals, elle pense à ce qui va venir.
Il est possible qu’il y ait une suite qui pourrait se pencher sur la façon dont l’histoire d’Amir et de Trimbobler se termine, estime Kravchenko. « Il y a des moments dans le film qui pourraient être le début de quelque chose d’autre. »
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