Linda Sarsour appuie Bernie Sanders – mais pas son soutien à Israël
Est-il possible de concilier le soutien du sénateur à un "foyer démocratique juif" et le rejet du sionisme assumé par ses partisans ? Une question qu'ils doivent clarifier
WASHINGTON, États-Unis (JTA) — Le mois dernier, Bernie Sanders a fait part de son soutien par écrit à Israël, qualifiant la nation « d’accomplissement énorme » et de « foyer démocratique pour le peuple juif ».
Quelques semaines plus tard, Linda Sarsour, éminente militante américaine d’origine et déléguée officielle dans la campagne de Sanders, a expliqué que le soutien à Israël en tant qu’État était inacceptable dans le mouvement progressiste.
Le contraste est très net et, on pourrait le croire, irréconciliable.
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Ni Sarsour ni l’équipe de campagne du candidat démocrate n’ont répondu à la demande de commentaire de la JTA.
C’est l’occasion de revenir sur des déclarations récentes faites au sujet de l’État juif par les deux intéressés.
6 septembre : L’équipe de campagne de Bernie Sanders publie une vidéo de Linda Sarsour prenant la parole lors d’un rassemblement à Brooklyn, dans lequel elle est présentée comme une « déléguée de la campagne Bernie 2020 ».
« A un moment marqué par la recrudescence saisissante du nationalisme blanc et de l’antisémitisme, je serais tellement fière de l’emporter, mais également d’ouvrir une nouvelle page de l’histoire en aidant à faire élire le premier président juif américain que ce pays serait amené à connaître et qui porterait le nom de Bernard Sanders », y déclarait Linda Sarsour, qui avait également fait campagne pour le sénateur du Vermont lors de sa candidature aux primaires démocrates pour les présidentielles de 2016.
Elle y assurait également que Bernie Sanders « considère les Palestiniens comme des êtres humains qui méritent des droits et le droit à l’autodétermination ». Son icône Twitter est une photo où elle pose aux côtés du candidat, les deux affichant un grand sourire.
"I would be so proud to win, but also to make history and elect the first Jewish American president this country has ever seen and for his name to be Bernard Sanders." –@lsarsour pic.twitter.com/INPRlvmMur
— Bernie Sanders (@BernieSanders) September 6, 2019
11 novembre : Bernie Sanders évoque l’antisémitisme dans un article écrit pour le journal de gauche juif Jewish Currents, un article qui restera comme une expression sans précédent de son identité juive.
Il y explique que certaines accusations d’antisémitisme proférées contre les progressistes s’apparentent à « une arme politique cynique », mais il ajoute que « je pense qu’il est très important pour tout le monde – et en particulier pour les progressistes – de reconnaître l’immense accomplissement qu’a représenté la création d’un foyer démocratique pour le peuple juif à l’issue de siècles entiers de déplacements et de persécutions ».
Il y note le temps passé en Israël quand il était jeune et indique que « il est vrai que certains critiques d’Israël peuvent franchir la limite qui sépare [les critiques] de l’antisémitisme, en particulier lorsqu’ils nient le droit à l’autodétermination des Juifs ou quand ils se prêtent à des théories du complot qui exagèrent à loisir le pouvoir des Juifs. Et j’interpellerai toujours l’antisémitisme quand j’en verrai ».
29 novembre : Linda Sarsour paraît lors de la conférence annuelle de l’organisation American Muslims for Palestine organisée à Chicago. Elle clame dans son discours que les sionistes – et non les défenseurs des Palestiniens – devraient être sur la défensive. Elle évoque en particulier les sionistes progressistes qui, suggère-t-elle, n’ont pas leur place dans le mouvement progressiste au sens large (c’est le blog Israelly Cool qui rapporte en premier la publication de Facebook où figure la vidéo présentant le discours de Linda Sarsour).
« Demandez à ceux qui se qualifient de sionistes progressistes de vous expliquer comment ils peuvent être opposés à la séparation des enfants à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, comment ils peuvent être opposés à la construction d’un mur entre nous et le Mexique, comment ils peuvent être opposés à des organes comme l’ICE… Mais là, vous allez me dire ‘Oh, vous ne pouvez pas me faire quitter le mouvement parce que je suis également opposé à la suprématie blanche’, » a déclaré Linda Sarsour lors de cette conférence.
« Demandez-leur ça : comment pouvez-vous être opposé à la suprématie blanche en Amérique et à l’idée de vous trouver dans un État basé sur la race et la catégorie sociale tout en soutenant un État comme Israël qui est basé sur la suprématie, qui est construit sur l’idée que les Juifs sont supérieurs à tous les autres ? » ajoute-t-elle.
Ce qui semble être la confirmation que Sarsour rejette, sans équivoque possible, le sionisme sous toutes ses formes. En 2017, elle avait indiqué à l’hebdomadaire The Nation que « cela n’a tout simplement aucun sens de dire : ‘Y a-t-il une place dans le mouvement pour les gens qui soutiennent l’État d’Israël et ne le critiquent pas ?’ C’est impossible dans le féminisme ».
Les partisans de Sarsour s’étaient servis de la partie « et ne le critiquent pas » pour insister sur le fait que cette dernière n’excluait pas les sionistes critiques d’Israël.
L’intéressée, pour sa part, n’avait pas souhaité clarifier ses propos.
Y a-t-il une marge de manœuvre permettant de concilier le rejet par Sarsour d’un « Etat d’Israël basé sur la suprématie juive » et la qualification par Sanders d’antisémites ceux qui nient « le droit des Juifs à l’autodétermination » ?
Ce serait une bonne chose d’entendre la réponse des bouches de Bernie Sanders et Linda Sarsour eux-mêmes.
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