Israël en guerre - Jour 502

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Analyse

L’invitation de Netanyahu à Washington est déjà une victoire. Il doit maintenant convaincre Trump de son plan pour Gaza

Le président américain a qualifié le Premier ministre israélien d'ingrat, mais l'accueille avant d'autres dirigeants. Si Netanyahu réussit cette semaine, il pourra préparer le terrain pour atteindre ses objectifs concernant le Hamas, Ryad et Téhéran

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu monte à bord de l'avion Wing of Zion à l'aéroport Ben Gurion avant un voyage aux États-Unis, le 2 février 2025. (Crédit : Avi Ohayon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu monte à bord de l'avion Wing of Zion à l'aéroport Ben Gurion avant un voyage aux États-Unis, le 2 février 2025. (Crédit : Avi Ohayon/GPO)

WASHINGTON, DC – Il y a seulement trois ans, Donald Trump – alors un ex-président plutôt en disgrâce – a fait part de son opinion sur le Premier ministre Benjamin Netanyahu, quelqu’un avec qui il avait été assez proche pendant son premier mandat.

« F*ck him », avait déclaré Trump au journaliste israélien Barak Ravid, furieux que Netanyahu ait appelé Joe Biden pour le féliciter de sa victoire sur Trump.

« Bibi aurait pu se taire », avait alors fulminé Trump. « Il a fait une terrible erreur. »

Le président est connu pour son tempérament rancunier, et beaucoup se sont demandé si Trump, au cours de son second mandat – armé désormais de quatre années d’expérience, d’un Congrès républicain et d’un mandat de gouvernance incontesté – exercerait sa vengeance sur Netanyahu.

Le Premier ministre israélien est incontestablement en position de vulnérabilité. Avant même que la Cour pénale internationale (CPI) n’émette des mandats d’arrêt à son encontre, Netanyahu n’est plus l’invité bienvenu dans les capitales occidentales comme cela avait pu être le cas avant le 7 octobre 2023.

A domicile, sa coalition pourrait se fissurer, et ce pour de nombreuses raisons. L’aile (très à) droite de son gouvernement dénonce un accord de libération d’otages qu’elle considère comme une capitulation devant le Hamas, et ses alliés haredi exigent un projet de loi qui garantisse que la plupart de leurs jeunes hommes continueront à échapper au service militaire.

Outre les pressions politiques, l’état de santé de Netanyahu est probablement plus grave que ce que son bureau laisse entendre. Il y a un peu plus d’un mois, cet homme de 75 ans a subi une ablation de la prostate. En 2023, Netanyahu a été équipé d’un pacemaker une semaine après avoir été hospitalisé pour déshydratation.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’exprimant depuis l’hôpital Sheba, le 15 juillet 2023. (Autorisation)

Les signes de fatigue physique sont évidents. Netanyahu continue de travailler 24 heures sur 24 et tient des réunions cruciales jusque tard dans la nuit. Et lorsqu’il est sorti de sa limousine tôt dimanche matin pour s’adresser aux journalistes avant d’embarquer à bord de l’Aile de Sion, ses pas étaient raides et ses yeux bouffis.

Le contingent médical qui se rend à Washington a également été renforcé. Outre son médecin personnel, un urologue et un cardiologue étaient à bord de l’avion pour surveiller de près le septuagénaire.

Le président américain Donald Trump (à gauche) et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se serrent la main au Musée d’Israël à Jérusalem, mardi 23 mai 2017. (AP Photo/Sebastian Scheiner, dossier)

Mais même si Trump humilie les dirigeants mondiaux qui le contrarient, le président ne cherche pas à punir Netanyahu. Bien au contraire.

Trump a récompensé celui qui fut un temps son allié en lui offrant une visite à la Maison Blanche. Il s’agit du premier dirigeant étranger à rencontrer le président américain depuis son investiture.

Le retour dans les bonnes grâces de Trump témoigne de l’acuité diplomatique de Netanyahu. Des aides de haut niveau ont expliqué au Times of Israel que le chemin du retour avait nécessité des mois d’efforts concertés et que la visite de Netanyahu à Mar-A-Lago en juillet était la confirmation que le travail avait finalement porté ses fruits.

Depuis lors, les conversations régulières entre les deux dirigeants et entre leurs conseillers principaux ont permis de jeter des bases solides pour coordonner les efforts contre le Hamas, l’Iran et d’autres adversaires communs dans la région.

Le fait que Netanyahu soit le premier dirigeant étranger que Trump a invité à la Maison Blanche est plus qu’une victoire personnelle pour Netanyahu. Il aplanit le chemin pour les grands projets qu’à Netanyahu pour la région. Les partenaires arabes d’Israël, et les alliés potentiels comme l’Arabie saoudite, ne manqueront pas de noter qu’une ligne fiable et directe vers l’oreille de Trump passe par Netanyahu.

Des Palestiniens poursuivent des camions d’aide humanitaire arrivés par le point de passage de Kerem Shalom dans la bande de Gaza, à Rafah, le 21 janvier 2025. (Crédit : AP Photo/Jehad Alshrafi)

Au cours des 15 derniers mois, des amis de longue date en Europe – et des dirigeants ouvertement hostiles comme Erdogan en Turquie – ont montré les dents lorsque l’administration Biden a répété à l’envi qu’Israël bloquait ostensiblement l’aide humanitaire à Gaza et qu’il bombardait même la bande de Gaza sans discernement. Les livraisons d’armes européennes ont été bloquées, des appels ont été lancés pour des cessez-le-feu qui laisseraient le Hamas au pouvoir, et certaines ont promis d’arrêter Netanyahu s’il foulait sur leur territoire.

Avec Trump fermement dans le camp de Netanyahu, la pression sur ce dernier et sur Israël va certainement se relâcher. L’expérience de l’Irlande est un avertissement assez clair. Après des critiques répétées et obsessionnelles des dirigeants irlandais à l’égard d’Israël, Jérusalem a annoncé qu’elle fermerait son ambassade à Dublin. Dès le lendemain, Howard Lutnick, le candidat de Trump au poste de secrétaire au Commerce, a critiqué l’Irlande dans des interviews et sur X pour sa politique fiscale à l’égard des entreprises « à nos dépens ».

Howard Lutnick lors d’un rassemblement de campagne électorale de Donald Trump au Madison Square Garden, le 27 octobre 2024, à New York. (Crédit : AP Photo/Evan Vucci)

Dimanche, alors que Netanyahu atterrissait à Washington, Trump a annoncé qu’il coupait tout financement futur à l’Afrique du Sud, dans l’attente d’une enquête sur les politiques de confiscation des terres. L’Afrique du Sud, soutenue par l’Irlande, a intenté les poursuites pour génocide contre Israël devant la Cour internationale de justice.

Les ennemis d’Israël ne manqueront pas de suivre ce voyage avec autant d’attention.

L’Iran est vulnérable comme il ne l’a jamais été depuis la Révolution islamique. Israël a fait ce qu’il voulait contre le Hezbollah, qui faisait office de moyen de dissuasion pour l’Iran en cas d’attaque israélienne contre son programme nucléaire. Téhéran est resté impuissant face aux rebelles sunnites qui, à bord de camionnettes, sont descendus d’Idleb pour renverser le régime d’Assad.

Deux attaques massives de missiles et de drones iraniens contre Israël ont endommagé des pistes de l’armée de l’air et tué un Palestinien, mais elles ont été repoussées haut la main par Israël, les États-Unis et une impressionnante alliance de militaires occidentaux et arabes. De son côté, l’Iran a perdu ses batteries de défense aérienne les plus avancées, et la voie des jets israéliens vers Arak, Natanz et Fordow est ouverte.

Une réplique de la centrale nucléaire iranienne de Bushehr lors d’une exposition à la Conférence internationale sur la science et la technologie nucléaires, à Isfahan, le 6 mai 2024. (Crédit : Atta Kenare/AFP)

La confiance retrouvée entre les administrations Trump et Netanyahu est le dernier développement en date du long défilé des horreurs pour l’Iran depuis le 7 octobre. Les deux dirigeants passeront une grande partie de leur temps ensemble à discuter de la manière d’affronter l’Iran et ses mandataires, et Téhéran a peu d’options pour se mettre en travers de ce qu’ils imaginent.

Les voies vers la deuxième phase

Néanmoins, le risque d’un désaccord sérieux entre Trump et Netanyahu subsiste.

Le président a exigé un accord sur la libération des otages il y a plusieurs mois, et Israël et le Hamas s’y sont conformés. Mais Trump veut aussi voir la fin de la guerre à Gaza, tandis que Netanyahu insiste sur le fait que les troupes israéliennes ne quitteront pas l’enclave tant que toutes les demandes d’Israël ne seront pas satisfaites, y compris la fin de la gouvernance de Gaza par le Hamas et sa démilitarisaiton.

Le Hamas n’acceptera de passer à la deuxième phase de l’accord sur les otages et de libérer les hommes en âge de servir dans l’armée que s’il a la certitude absolue qu’Israël ne reprendra pas la campagne militaire.

Cette réalité met Netanyahu dans une position inconfortable. Il ne peut pas se permettre que Trump le considère comme le responsable de l’échec de l’accord, mais il n’est pas prêt à laisser le Hamas au pouvoir et à permettre à l’organisation terroriste de gagner la guerre.

Il a du pain sur la planche. Il devra convaincre Trump que les exigences d’Israël pour passer à la deuxième étape – probablement l’exil des commandants du Hamas et le désarmement du groupe terroriste – sont tout à fait raisonnables, et que si le Hamas les rejette, il devra être tenu responsable de l’échec de l’accord.

S’il y arrive, Israël reprendrait alors massivement la campagne militaire contre le Hamas, cette fois avec le soutien d’un président américain qui n’essaierait pas de garder les progressistes à bord, à la veille d’une élection, et qui n’a pas montré beaucoup d’intérêt pour le volume de l’aide humanitaire acheminée à Gaza.

Des responsables israéliens ont indiqué au Times of Israel qu’une nouvelle campagne militaire serait plus agressive que les modestes manœuvres terrestres menées par Tsahal au plus fort de l’effort militaire contre le Hamas.

Trump a montré qu’il s’intéresse aux grandes lignes de ses initiatives, et non aux détails. Il voulait un accord sur les otages et a été heureux d’adopter le plan présenté par son prédécesseur Joe Biden, plutôt que de repartir de zéro. Netanyahu devra présenter la position d’Israël, et la menace d’une reprise des combats, en termes clairs et nets qui soient alignés aux intérêts de Trump sur la scène internationale.

Un haut responsable israélien a déclaré au Times of Israel que l’un des principaux objectifs de la visite de Netanyahu est de créer, avec l’administration Trump, une ébauche convenue des conditions et du chemin vers la deuxième étape de l’accord sur les otages. Washington transmettrait ensuite ce document à l’Égypte et au Qatar, qui le présenteraient au Hamas. Israël s’attend à ce que les détails soient précisés une fois que les grandes lignes auront été définies.

Confronté à des exigences israéliennes qu’il ne peut accepter et à une nouvelle attaque israélienne qu’il cherche désespérément à éviter, le Hamas pourrait bien tenter de prolonger la première étape aussi longtemps que possible, jusqu’à ce qu’il trouve un moyen d’empêcher Netanyahu d’ordonner le retour des troupes. Cette option servirait les intérêts d’Israël : davantage d’otages libérés sans engagement de mettre définitivement fin à la guerre.

La mission saoudienne de Netanyahu au Capitole

Malgré le potentiel de tension sur Gaza, les intérêts de Trump et de Netanyahu s’alignent sur une autre question centrale.

Le président veut relancer les efforts de paix israélo-arabes, un objectif que Biden s’est avéré incapable d’atteindre. Un accord de normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël mettrait Trump en position de remporter le prix Nobel de la paix, qu’il convoite depuis des années.

« J’ai été élu lors d’une élection bien plus importante, bien meilleure et bien plus folle, mais ils ont donné le prix Nobel à [Obama] », a déclaré Donald Trump en octobre.

Netanyahu, pour sa part, considère les liens diplomatiques avec Ryad comme l’aboutissement des longs efforts d’Israël pour sécuriser la place d’Israël dans la région, et comme une composante indispensable d’une alliance régionale durable contre l’Iran.

C’est ici que Netanyahu peut prendre fait et cause pour Trump. Afin de garantir l’accord de normalisation, Washington devra proposer aux Saoudiens un traité de défense, ratifié par les deux tiers du Sénat. Sous Biden, les démocrates auraient voté pour un tel pacte, mais les inquiétudes concernant les violations des droits humains et la réticence à accorder des victoires historiques à des personnalités comme Trump et Netanyahu rendent l’adoption d’un tel traité incertaine à l’heure actuelle.

Netanyahu sera au Capitole jeudi, et rencontrera de puissants démocrates. Il devra utiliser les mêmes compétences qui lui ont permis de revenir dans les bonnes grâces de Trump pour convaincre suffisamment de démocrates de soutenir le traité qui permettra la reconnaissance israélo-saoudienne.

Si le Premier ministre, encore en convalescence, parvient à convaincre Trump cette semaine d’associer sa politique étrangère à la vision d’Israël pour Gaza, l’Iran et l’Arabie saoudite, Netanyahu a une réelle chance de devenir enfin le dirigeant qui garantira la sécurité à long terme d’Israël. S’il gère mal les réunions fatidiques des prochains jours, son propre bilan – et le bien-être de son pays – sera sérieusement remis en question.

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