Israël en guerre - Jour 424

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Analyse

L’Iran ripostera probablement, mais pas de manière à inverser les victoires d’Israël à Gaza

Après les frappes à Beyrouth et à Téhéran - et une attaque américaine en Irak - Téhéran cherchera à riposter. Le Hamas, quant à lui, semble incapable de faire grand-chose, l'accord sur les otages étant sa meilleure chance de survie

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Des combattants du Hezbollah défilant devant une affiche représentant le guide suprême, l'ayatollah Khamenei, lors d'un rassemblement à l'occasion de la Journée d'Al-Qods, dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban, le 14 avril 2023. (Crédit : Hussein Malla/AP Photo)
Des combattants du Hezbollah défilant devant une affiche représentant le guide suprême, l'ayatollah Khamenei, lors d'un rassemblement à l'occasion de la Journée d'Al-Qods, dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban, le 14 avril 2023. (Crédit : Hussein Malla/AP Photo)

Après l’attaque à la roquette du Hezbollah à Majdal Shams samedi, qui a coûté la vie à 12 enfants et blessé des dizaines d’autres, Israël s’est retrouvé dans l’obligation d’apporter une réponse musclée.

La question, c’est comment.

Plusieurs options étaient sur la table, certaines étant encouragées ouvertement par d’éminents responsables. Israël aurait pu choisir de se lancer enfin dans la guerre tant attendue contre le Hezbollah, en cherchant à chasser l’armée terroriste chiite du Sud-Liban et à dégrader ses capacités militaires.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu aurait pu opter pour une campagne aérienne limitée au Liban, en se concentrant sur l’élimination de cibles clés du Hezbollah, à la fois pour punir l’attaque du Golan et pour placer Israël dans une meilleure position si et quand la guerre éclatera.

Israël aurait également pu frapper l’État libanais lui-même, pour tenter de l’obliger à contenir le Hezbollah.

Toutes ces options comportaient des risques importants.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu au quartier général militaire Kirya, à Tel Aviv, en compagnie de son chef d’État-major, Tzachi Braverman, de son secrétaire militaire, le Major Général Roman Gofman et le conseiller à la sécurité nationale, Tzachi Hanegbi, sur une photo publiée très peu de temps après une frappe israélienne sur une cible du Hezbollah, à Beyrouth, le 30 juillet 2024. (Crédit : Cabinet du Premier ministre)

Une guerre avec le Hezbollah entraînerait des dégâts considérables au Liban, et pourrait même accélérer la lente dissolution de l’État. Mais elle ferait payer un lourd tribut aux troupes israéliennes et au front intérieur, sans compter le fait que cela irait à l’encontre des souhaits des États-Unis et d’autres alliés occidentaux.

Mais une frappe limitée pourrait ne pas résoudre la menace du Hezbollah à la frontière nord. Cette menace a transformé plus de 60 000 Israéliens en réfugiés dans leur propre pays. De plus, une telle approche risque encore de déboucher sur des scénarios potentiels qui pourraient conduire à une escalade vers une guerre totale qu’Israël a évitée jusqu’à présent.

Une campagne contre les institutions et les infrastructures de l’État libanais susciterait certainement la condamnation de l’Occident, tout en ne contribuant guère à réduire les capacités militaires du Hezbollah.

En frappant dans la nuit le chef militaire du Hezbollah, Fuad Shukr, et le chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, Israël a semblé rejeter toutes ces options, du moins pour l’instant. En tuant Shukr, il a éliminé un commandant expérimenté et un atout majeur pour le Hezbollah. Mais l’Etat hébreu n’a pas menacé les capacités du Hezbollah ni blessé un grand nombre de civils, projetant ainsi sa force tout en cherchant à éviter de forcer le groupe terroriste à entrer en guerre.

Des personnes se rassemblent près d’un bâtiment détruit par une frappe aérienne israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban, le 30 juillet 2024 ; en médaillon : Fuad Shukr, haut commandant du Hezbollah, sur une affiche de Tsahal. (Crédit : AP Photo/Hussein Malla ; armée israélienne)

Israël ne s’est pas encore publiquement exprimé sur l’attentat contre Haniyeh, que l’Iran et le Hamas ont tous deux imputé à l’État hébreu. Mais l’assassinat du chef du Hamas à Téhéran pourrait éviter d’embarrasser le Qatar, où Haniyeh était basé et qu’Israël considère toujours comme un médiateur utile dans les négociations en vue d’un accord pour libérer les otages saisis par le groupe terroriste palestinien lors du massacre du 7 octobre et mettre fin à la guerre déclenchée par cet attentat.

« Le chef du Hamas à l’étranger, sous la houlette de Haniyeh, joue un rôle central dans la mobilisation des ressources pour le Hamas, dans la représentation de l’organisation, dans l’action politique et dans le renforcement de sa puissance militaire », a expliqué Meir Ben-Shabbat, ancien conseiller à la sécurité nationale de Netanyahu. « En fait, c’est ce qui transforme le Hamas d’un groupe terroriste localisé en une organisation ayant une influence régionale. »

Israël a également prouvé au régime iranien, déjà paranoïaque, la profondeur de la pénétration de ses services de renseignement dans le pays, ainsi que sa capacité à effectuer des frappes de précision loin de ses frontières.

Ismael Haniyeh, chef du groupe terroriste Hamas (au centre, en chemise blanche), entouré de législateurs, fait le signe de la victoire lors de la cérémonie de prestation de serment du nouveau président iranien, au parlement de Téhéran, le 30 juillet 2024, quelques heures avant qu’il ne soit tué. (Crédit : AFP)

Dans le même temps, l’absence de revendication de responsabilité et l’absence de dommages aux biens iraniens pourraient permettre à l’Iran d’éviter une escalade importante.

Pas le choix

Et pourtant, l’Iran ne manquera pas de réagir.

« L’Iran pense probablement qu’il n’a pas d’autre choix que de riposter parce qu’il doit tout d’abord dissuader de nouvelles attaques israéliennes sur son sol », a déclaré Ali Vaez, directeur du projet sur l’Iran au Crisis Group. « Il doit défendre sa souveraineté et préserver sa crédibilité aux yeux de ses partenaires régionaux ».

L’Iran, comme Israël, ne veut pas d’une guerre régionale. Mais, l’Iran, comme Israël, est confronté au dilemme quant à la nature de la réponse à apporter.

La République islamique et ses mandataires aiment établir des règles du jeu claires et concevoir leurs représailles de manière à ce qu’elles répondent ou reflètent d’une certaine manière les attaques subies par l’axe dirigé par l’Iran.

Des combattants des Forces de mobilisation populaire assistent aux funérailles d’un commandant du groupe paramilitaire Kataeb Hezbollah tué lors d’une frappe aérienne américaine, à Bagdad, en Irak, le 8 février 2024. (Crédit : AP Photo/Hadi Mizban)

Peu après l’attaque de Beyrouth, mardi soir, les forces américaines ont attaqué une base au sud de Bagdad, tuant quatre membres des milices de la Force de mobilisation populaire, alliée à l’Iran, et en blessant quatre autres.

« Parce qu’il s’agit du point culminant de plusieurs assassinats de haut niveau et d’attaques majeures contre les forces de l’axe de la résistance dans toute la région, menées à la fois par Israël et par les États-Unis », a déclaré Vaez. « Et comme Téhéran a certainement l’impression qu’Israël et les États-Unis ont agi en coordination et en conjonction l’un avec l’autre, je pense qu’il est probable que cela déclenche des représailles coordonnées à l’échelle de l’axe contre les États-Unis et Israël. »

Dans le cadre de cette attaque coordonnée, le Hezbollah pourrait également chercher à répondre en nature à l’assassinat de Shukr.

Téhéran « pourrait viser des actifs singuliers de grande valeur tels que des infrastructures critiques à Haïfa, une plate-forme gazière offshore ou la base à partir de laquelle Israël a lancé son attaque », a prédit Jonathan Ruhe, directeur de la politique étrangère au Jewish Institute for National Security of America. « Cela refléterait la façon dont Israël vient de frapper un actif de grande valeur du Hezbollah à Beyrouth pour la première fois depuis le 8 octobre.

Illustration : Le gisement gazier Tamar (Crédit : NewMed Energy/Delek Drilling)

Ben-Shabbat a déclaré que l’Iran pourrait bien prévoir un assassinat « œil pour œil », mais qu’une telle attaque prendrait du temps à planifier.

« Je pense qu’ils répondront directement depuis le sol iranien et irakien », a-t-il déclaré, « en plus de la réponse attendue du Liban et du fait que les Houthis au Yémen n’ont pas encore réglé la question ».

Des réservoirs de pétrole brûlant dans le port de Hodeidah, au Yémen, après les frappes israéliennes, le 20 juillet 2024. (Crédit : AP)

Toutefois, l’Iran a également de nombreuses raisons pressantes qui l’empêchent de réagir massivement. En avril, la République islamique a été contraint de répondre à une attaque aérienne israélienne contre son ambassade à Damas, au cours de laquelle huit officiers du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) ont été tués. Il a répondu par une attaque massive de missiles et de drones, mais il s’agissait d’un événement ponctuel qui semblait destiné à éviter une escalade majeure.

La réponse de l’Iran à l’assassinat d’un dirigeant du Hamas sera probablement encore plus mesurée, a prédit Yaakov Amidror, un autre ancien conseiller de Netanyahu en matière de sécurité nationale. « Ce n’est pas le genre d’attaque à laquelle ils répondent par 300 missiles », a-t-il déclaré.

Alors que le monde attend maintenant de voir comment l’Iran et le Hezbollah vont réagir, on ne s’attend guère à ce que le Hamas lance une riposte majeure à partir de la bande de Gaza, même si c’est le chef du groupe terroriste qui a été tué.

L’incapacité apparente du Hamas à mener une attaque de représailles massive est l’un des aspects les plus significatifs de cet épisode, a analysé Amidror, et c’est le signe qu’Israël est en train d’écraser le groupe terroriste dans la bande de Gaza.

Les troupes de la Brigade Commando opérant à Rafah, dans le sud de Gaza, sur une photo diffusée publiée le 15 juin 2024. (Crédit : Armée israélienne)

Le Hamas « restera à Gaza », explique-t-il, « mais comme une organisation militaire qu’Israël rend progressivement inutile ».

Même si Israël élimine les principaux dirigeants du Hamas et détruit une grande partie de ses infrastructures, Yahya Sinwar vit toujours et contrôle le sort de dizaines d’otages encore en vie à Gaza. De lents progrès ont été réalisés en vue d’un accord dans les semaines qui ont précédé la frappe de Haniyeh, mais il est peu probable que le Hamas accepte quoi que ce soit dans un avenir proche.

Mais Haniyeh n’était qu’un médiateur, alors que Sinwar prenait les décisions finales concernant les conditions que le Hamas accepterait dans le cadre d’un accord. Ses intérêts fondamentaux demeurent, et un accord avec Israël est le meilleur moyen pour lui d’assurer sa survie personnelle et celle de son organisation à Gaza.

« Sinwar prend des décisions davantage en fonction de ce qui se passe à Gaza », souligne Amidror, « qu’en fonction de ce qui arrive à un dirigeant qui passe son temps dans des hôtels six étoiles au Qatar ».

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