Londres : Le projet de « Roméo et Juliette » entre une Juive et un nazi abandonné
Le collectif théâtral Icare explique ne pas avoir eu l’intention de représenter nazis et Juifs sur le même plan. Son fondateur, lui-même juif, a présenté ses excuses

JTA – La compagnie de théâtre londonienne qui souhaitait monter sur scène l’histoire d’amour impossible entre un nazi et une juive, inspirée de Roméo et Juliette de Shakespeare, a décidé d’abandonner son projet, éreintée par la critique, courroucée à la fois par l’histoire et un appel à casting bâclé.
Le collectif Icare avait lancé un appel à casting, vendredi dernier, pour son Roméo et Juliette, par voie de courrier électronique et de publication sur les réseaux sociaux, invitant « les artistes non binaires et/ou ceux de la majorité, d’ascendance africaine ou asiatique » à auditionner pour les rôles de Roméo et Mercutio. Ils se disaient également à la recherche d’une actrice pour interpréter le rôle – traditionnellement masculin – de Tybalt.
Pour interpréter le rôle de Juliette, l’amoureuse juive d’un Roméo dans les Jeunesses hitlériennes, le collectif n’a pas lancé d’appel spécifique à des acteurs juifs.
À une époque où l’on prend soin de favoriser le casting d’acteurs juifs pour jouer des personnages juifs, cette omission a suscité de vives critiques.
S’adressant au Jewish Chronicle, Max Lewendel, fondateur juif du collectif de théâtre Icare et réalisateur de la pièce « Roméo et Juliette », a déclaré que le premier appel à casting précisait que Juliet Capulet et ses parents seraient joués par des acteurs ayant « de préférence des origines juives ».
Il a ajouté que la version finale de l’appel de casting, publiée par le directeur de casting, aurait effectivement dû préciser leur préférence pour des acteurs juifs.
« Ce n’est absolument pas ce qui était prévu, et je présente mes excuses à tous ceux que cela a blessé », a déclaré Lewendel au Jewish Chronicle.
Dans un message d’excuses publié sur Twitter lundi, la compagnie a écrit : « Ce ne sont PAS deux familles égales en dignité », référence aux premières répliques du prologue de « Roméo et Juliette », que la troupe assure avoir retirées de leur version parce qu’il plaçait les Montague nazis et les Capulet juifs sur un pied d’égalité.
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« J’aimerais que vous compreniez que notre intention, avec ce Roméo et Juliette, était de faire des Montague les méchants, avec des enfants endoctrinés, comme dans Jojo Rabbit », précise le message, en référence au long-métrage de 2019 sur la vie d’un jeune garçon au sein des Jeunesses hitlériennes.
« Cela se voulait une critique de la situation politique actuelle. »
La troupe a par ailleurs écrit avoir « toujours veillé à ce que des membres de la communauté juive assistent aux répétitions, consciente que la seule vision du réalisateur ne suffisait pas à assurer une présentation correcte d’un concept dangereux : ce ne sont PAS deux maisons [sic] égales en dignité ».
La Campagne contre l’antisémitisme, organe de surveillance britannique, a publiquement dénoncé la pièce.
Sur Twitter, elle a déclaré : « Il est incroyable que certains pensent qu’une pièce parlant de familles rivales, mais moralement comparables, soit un bon moyen d’explorer la persécution des Juifs par l’Allemagne nazie. »
« La résurgence du fascisme est au centre de mon œuvre artistique », a expliqué Lewendel au Jewish Chronicle pour justifier son choix de situer la pièce pendant la Shoah.
La réaction du public à l’annonce de la pièce a été, dans l’ensemble, négative.
« C’est une idée on ne peut plus mauvaise », a écrit quelqu’un sur Twitter.
« L’ idée d’un Roméo et Juliette nazi fait irrésistiblement penser à un épisode de 30 Rock : je préfère en rire, tant c’est absurde ! » a écrit une autre personne.
La présentation officielle de la pièce par la compagnie dit en substance : « Au mépris de leur société et dans le secret le plus total, de jeunes vies pleines d’espoir brûlent alors que la guerre, imminente, et les atrocités de la Shoah dessinent un contexte de fin du monde. Le soleil et la lune brillent sur les amants malheureux, cette fille juive, amoureuse d’un garçon des Jeunesses (hitlériennes) qui apprend à remettre en question ce qu’on lui a appris.
La pièce devait être jouée en mars 2023.