Lorsque Netanyahu, magnanime, nous fait grâce d’un quatrième scrutin
La non-crise actuelle, apparemment évitée de justesse par le Premier ministre, montre qu'Israël est une nation politiquement otage des calculs personnels de Netanyahu
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Les adeptes non-obsessionnels de la politique israélienne pourraient être pardonnés de penser que nous avons été au cœur d’une crise politique, peut-être en route vers de quatrièmes élections en moins de deux ans, mais que ce danger vient d’être écarté par un compromis louable.
Il n’en est rien : nous ne sommes pas en « crise ». Nous sommes en revanche une nation politiquement otage des calculs personnels du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
La « coalition d’unité » d’urgence qu’il a formée avec son rival, le chef de Kakhol Lavan Benny Gantz, est au pouvoir depuis seulement trois mois. Mais Netanyahu, ayant écarté le danger d’être évincé par Gantz, est prêt à détruire leur alliance à tout instant. Il attend simplement le bon moment pour le faire – l’occasion idéale de s’assurer que Gantz ne sera pas en mesure de lui succéder en novembre de l’année prochaine, comme le précise l’accord de coalition ; le bon moment pour provoquer de nouvelles élections pour obtenir une assemblée plus propice à prendre des décisions et voter des lois qui lui permettent d’échapper – ou du moins de différer – son procès en cours pour corruption, qui doit passer à la vitesse supérieure au mois janvier.
Lors d’une conférence de presse télévisée dimanche soir, Netanyahu a gracieusement informé la population – ou plutôt ce qu’il en reste, les rares personnes qui ont encore le courage de suivre ses manigances politiques – que, pour l’instant, il allait nous épargner de retourner aux urnes. Après avoir résisté pendant des mois à la loi du budget de l’État pour 2020-2021 convenue dans son accord de coalition avec Gantz, il ne va pas actionner la clause de l’accord qui provoquerait automatiquement de nouvelles élections si le budget n’est pas adopté lundi à minuit. « Par souci de responsabilité nationale », a proclamé notre chef, « j’ai décidé d’accepter la proposition de compromis du député [Zvi] Hauser » qui nous évite un quatrième scrutin à la va-vite par l’institution de dispositions budgétaires d’urgence.
« Le moment est venu pour l’unité, pas pour des élections », a-t-il solennellement déclaré au monde entier, comme s’il sauvait héroïquement Israël du stratagème sournois d’un adversaire, alors qu’en réalité il en était le seul et unique instigateur.
Ce que Netanyahu voulait dire en réalité, bien qu’il l’ait naturellement passé sous silence, c’est qu’il avait jugé le risque de nouvelles élections inutilement élevé à ce stade.
Son Likud baisse un peu dans les sondages – les Israéliens sont sans nul doute véritablement enchantés par l’accord de paix décisif avec les Émirats arabes unis et la promesse de nouveaux accords à venir, mais leur joie est largement contrebalancée par les pertes d’emplois, la crise financière nationale, et les autres conséquences désastreuses de la CoVid-19, et Netanyahu est largement tenu pour responsable de la mauvaise gestion de l’aspect économique de la pandémie.
En revanche, l’un de ses adversaires, Naftali Bennett de Yamina, monte en flèche dans les sondages – à la fois pour sa critique des politiques du gouvernement en matière de CoVid et en tant que champion des électeurs pro-implantations scandalisés par l’abandon par Netanyahu de sa promesse d’étendre la souveraineté israélienne à toutes les implantations de Cisjordanie et à la vallée du Jourdain – le prix à payer pour l’accord avec les EAU. Et Bennett, qui a déjà déclaré qu’il ne recommanderait certainement pas Netanyahu comme Premier ministre la prochaine fois, ne peut plus être considéré comme un élément fiable du bloc de droite dirigé par Netanyahu. C’est un développement très significatif qui oblige le Premier ministre a reconsidérer ses calculs électoraux, puisqu’il place dorénavant Bennett dans le camp des alliés devenus ennemis aux côtés du détesté Avigdor Liberman.
Netanyahu est aussi conscient que même ses alliés les plus fiables, les deux partis ultra-orthodoxes, sont horrifiés à l’idée de renvoyer à nouveau le peuple aux urnes. A voix basse également, beaucoup de ses propres députés du Likud partagent ces réserves.
Netanyahu a peut-être même tenu compte de ses alliés vitaux aux États-Unis, qui pourraient prendre ombrage qu’il renvoie à nouveaux les Israéliens aux urnes au moment où l’administration américaine souhaite que le gouvernement israélien se concentre, lorsqu’il ne lutte pas contre le CoVid-19, pour saisir l’occasion d’élargir le cercle de paix d’Israël.
Tout cela signifie que le stratagème d’élections anticipées n’est pas terminé ; il vient juste d’être un peu repoussé. Le compromis temporaire de Hauser ne donne toujours pas à Israël un réel budget de l’État pour 2020-2021 – avec des conséquences désastreuses pour la population, et les Israéliens des classes populaires en particulier –, et offre donc à Netanyahu l’opportunité d’envisager précisément la même manœuvre d’ici quelques mois.
Les adeptes non-obsessionnels pourraient être surpris par certains des éléments exposés ci-dessus. Ce n’est pas le cas de l’électorat israélien. Un sondage de la Treizième chaîne, publié dimanche soir précisément pendant que Netanyahu levait largement l’ombre électorale qu’il avait fait planer sur Israël, a révélé que 59 % le considéreraient comme responsable si nous étions contraints à un autre vote, contre seulement 20 % qui tiendraient Gantz pour responsable. Plus inquiétant encore pour Netanyahu, l’enquête a montré que 50 % des personnes interrogées considèrent qu’actuellement, le « principal facteur » qui influence les décisions politiques de Netanyahu est « son avenir juridique », contre seulement 18 % qui pensent qu’il tient compte en priorité des « intérêts de l’État ».
De telles conclusions ne sont pas évidemment propices à lui inspirer un nouveau recours aux urnes. Mais la non-crise n’est pas terminée. Notre chef, dans sa magnanimité, a simplement déterminé que ce n’était pas le bon moment.
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